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Droit de la Protection Sociale, Droit du Travail
par Sébastien Millet

Réforme des retraites, ce qui va changer pour les entreprises - ACTE I : les mesures concernant la santé au travail


Examinons tout d’abord les mesures structurantes touchant les rapports de travail en entreprise. Au cœur du dispositif se trouve tout d’abord un important volet sur la santé au travail, aussi bien dans les entreprises relavant du Code du travail que du Code rural et de la pêche maritime.

L’apport principal de la loi est de donner un cadre juridique à la prise en compte de la pénibilité, prenant acte de l’échec de la négociation interprofessionnelle sur ce point. Si les débats se sont surtout portés sur la pénibilité comme instrument de « compensation » (cf. CSS, L.351-1-4 nouveau & CRPM, L.732-18-3 nouveau) permettant à un assuré social de pouvoir faire liquider sa retraite à taux plein par anticipation sur l’âge légal, l’enjeu réel ne se situe pas là.

En amont, le législateur s’est refusé à donner une définition juridique de la pénibilité, faute de consensus sur le sujet, lui préférant les facteurs de pénibilité, définis comme « un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé » (C. Trav., L.4121-3-1 nouveau).

Au plan sémantique, la pénibilité est donc clairement identifiée comme un risque professionnel. De fait, l’obligation générale de l’employeur concernant la prévention des risques est élargie aux actions de prévention de la pénibilité (C. Trav., L.4121-1 1° nouveau), ce qui a une résonance particulière puisque s’agissant d’une obligation de résultat, ces mesures doivent permettre de protéger de manière effective la santé physique et mentale des travailleurs, par une réduction des risques à la source.

Pour chaque travailleur exposé, l’employeur sera en outre tenu d’établir, en cohérence avec le document unique d’évaluation des risques et sur la base d’un modèle type, une fiche individuelle d’exposition retraçant les conditions de pénibilité, la période d’exposition et les mesures de prévention mises en œuvre. Celle-ci complètera le dossier médical en santé au travail du salarié et lui sera obligatoirement remise en cas de départ de l’établissement, d’arrêt de travail excédant une certaine durée, de déclaration de maladie professionnelle ou aux ayants droit sur leur demande en cas de décès. Bien entendu, étant confidentiel par nature, ce document ne sera pas communicable au nouvel employeur dans le cadre d’une recherche d’emploi.

Ce document viendra se coupler au nouveau dossier médical en santé au travail constitué par le médecin du travail, permettant d’avoir une « traçabilité » sur l’état de santé du travailleur, les expositions professionnelles et les avis et propositions médicales formulées par le médecin du travail (C. Trav., L.4624-2 nouveau).

On peut aisément imaginer que ces documents auront un poids particulier dans les futurs contentieux relatifs par exemple à l’inaptitude ou la faute inexcusable (ces dispositions ne s’appliqueront toutefois qu’aux expositions intervenues à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2012).

Ainsi est organisée une obligation de transparence de l’employeur autour des facteurs d’exposition, que ce soit vis-à-vis du salarié, mais aussi du CHSCT, dont les attributions sont étendues à l’analyse de l’exposition des salariés à des facteurs de pénibilité (C. Trav., L.4612-2 nouveau).

Un autre volet, qui visait à réformer sensiblement les services de santé au travail (SST) et la place des acteurs de prévention, a en revanche fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure. Il est probable que ce point fera l’objet d’une loi de « rattrapage ».

De manière à donner une impulsion supplémentaire, les entreprises seront fortement incitées à entamer une démarche de prévention effective en matière de pénibilité. A l’instar du dispositif « plan seniors » obligatoire depuis 2009, toute entreprise atteignant le seuil de 50 salariés (ou appartenant à un groupe de société atteignant ce seuil) et employant une certaine proportion de salariés exposés aux facteurs de pénibilité devra pour le 1er janvier 2012 avoir mis en place et déposé auprès de l’autorité administrative un accord ou un plan d’action triennal relatif à la prévention de la pénibilité, sous peine d’une pénalité de 1 % maximum des rémunérations versées tant que l’entreprise n’est pas couverte (ce montant étant toutefois modulable selon les efforts constatés en matière de prévention de la pénibilité, c’est-à-dire la bonne foi de l’employeur – cf. CSS, L.138-29 nouveau et suivants). La possibilité d’être couvert via un accord de branche étendu et conforme sera néanmoins ouvert aux entreprises et groupes dont l’effectif est compris entre 50 et 299 salariés.

Dans un sens inverse, la loi prévoit (cf. article 86) la possibilité, à titre expérimental et jusqu’au 31 décembre 2013, de créer par accord collectif de branche un dispositif d’allègement (temps partiel ou tutorat indemnisé) ou de compensation (prime ou jours de repos) de la charge de travail des salariés en activité occupés à des travaux pénibles, et de mutualisation via un fonds de branche dédié. Pour la même période, la CNAMTS est chargée de gérer un Fonds national de soutien des entreprises relatif à la pénibilité, pour financer d’une part les actions ci-dessus ainsi que les entreprises couvertes par un accord collectif d’entreprise créant un dispositif d’allégement ou de compensation de la charge de travail pour les salariés occupés à des travaux pénibles.



Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

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