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Droit du Sport, Droit du Travail
par Guillaume Dedieu

La non-possession d’un diplôme d’encadrement dans le sport peut être un motif de licenciement


L’animation, l’encadrement et l’enseignement d’une activité physique ou sportive constituent ce que l’on appelle des « professions réglementées ». C’est-à-dire que nulle personne ne peut exercer ces activités contre rémunération sans posséder le titre professionnel nécessaire. A défaut, tant l’intervenant que l’organisme (associations, structures commerciales…) qui recourt à ses services sont susceptibles d’engager leurs responsabilités civiles et pénales. Ce cadre obligatoire est applicable que l’intervenant soit un travailleur indépendant ou un travailleur salarié.

 

Cette règlementation, que l’on retrouve à l’article L.212-1 du code du sport, a notamment pour raison d’être de protéger la sécurité des usagers et des pratiquants d’activités sportives par une qualité garantie des enseignements.

 

Des interrogations surviennent toutefois régulièrement quant à l’articulation de ces dispositions du code du sport avec celles, lorsque l’intervenant est salarié, relevant de la règlementation du travail. Se pose notamment la question du sort du contrat de travail en cas de découverte, par l’employeur, de la non-possession du titre professionnel obligatoire. S’agit-il d’une cause de rupture du contrat de travail, de licenciement ? Ou doit-on considérer, dès lors que le salarié a les capacités professionnelles pour accomplir sa mission,  que l’employeur ne peut se prévaloir de ce défaut de diplôme ? D’autant plus qu’un employeur dispose de la faculté, lors du recrutement, de contrôler la possession du diplôme.

 

C’est sur une telle problématique que la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence (CA Aix en Provence 10 février 2015 n°11/18433) a eu récemment l’occasion de se positionner.

 

En l’espèce, un salarié exerçait les fonctions de directeur sportif d’un club de tennis. Dans le cadre de ces fonctions, ce salarié était en charge de l’animation sportive du club.

 

Plus de deux ans et demi après sa prise de fonctions, le salarié faisait l’objet d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse. L’association sportive lui a reproché, outre le retrait de sa licence auprès de la Fédération de tennis, le fait qu’il n’était pas titulaire du diplôme permettant de pratiquer l’enseignement du tennis. Rappelant les dispositions du code du sport, le dirigeant de l’association a utilement mentionné dans la lettre de licenciement qu’il ne pouvait conserver le salarié dans l’association dans la mesure où sa responsabilité pénale pouvait être engagée.

 

Le salarié a contesté le bien-fondé de son licenciement devant le Conseil de Prud’hommes, devant lequel il a obtenu gain de cause. L’association sportive a fait appel.

 

Le salarié faisait valoir d’une part que la direction du club a toujours été informée de son défaut de diplôme, et d’autre part, que ses tâches étaient administratives et ne nécessitaient donc pas d’être titulaire d’un diplôme d’encadrant sportif. Enfin, le salarié a avancé qu’il avait engagé des démarches pour faire valider ses acquis d’expérience et obtenir le titre professionnel exigé.

 

La Cour d’appel va infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes, en affirmant que « le reproche du défaut de diplôme nécessaire à l’exercice des fonctions du salarié constitue bien une cause réelle et sérieuse de licenciement ».

 

La Cour d’appel fonde son raisonnement en trois temps.

 

En premier lieu, la Cour s’attache à rappeler les dispositions de l’article L.212-1 du code du sport relatif au caractère règlementé des activités d’enseignement, d’animation et d’encadrement d’une activité physique ou sportive. Elle relève à ce titre que l’animation sportive du club entrait bien dans les fonctions du salarié, ce pourquoi au demeurant il a également été sanctionné par ses instances sportives, et que l’employeur d’un salarié en charge de l’animation d’une activité sportive encourait bien des sanctions pénales en vertu de l’article L.212-8 du code du sport.

 

En second lieu, la Cour d’appel a constaté que la preuve n’était pas rapportée par le salarié que les dirigeants du club l’avait engagé en toute connaissance de cause. Il convient ici de noter que dans le cadre d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse, la charge de la preuve est partagée.  S’il appartenait certes à l’employeur de vérifier, lors du recrutement, la possession du diplôme, la Cour observe que les dirigeants du club ont été renouvelés et que les premiers dirigeants ont été sanctionnés par les instances sportives pour ce manquement.  L’arrêt précise ensuite que la décision de licencier le salarié a, quant à elle, été prise par un nouveau dirigeant, parfaitement informé de la situation, en raison du risque de sanction qui pesait sur lui.

 

En troisième lieu, la Cour d’appel a observé que les démarches de régularisation avancées par le salarié n’avaient pas abouti, l’absence de titre professionnel perdurant.

 

La Cour en conclut que le licenciement pour cause réelle et sérieuse était donc fondé.

 

Il s’agit ici d’une position opportune dès lors que nous nous trouvons en présence d’une profession réglementée. Le titre professionnel ne vise en effet pas ici à apprécier si le candidat à un recrutement ou le salarié dispose des capacités professionnelles à occuper les fonctions pour lesquels il sera ou a été recruté. Il s’agit ici seulement de se mettre en conformité avec la législation, des sanctions civiles et pénales existants pour les contrevenants. Aucun débat sur les capacités professionnelles du salarié n’a d’ailleurs eu lieu devant la présente Cour d’appel.

 

Des incertitudes pourraient toutefois survenir lorsqu’un employeur du sport, parfaitement conscient de la règlementation, mettra du temps à réagir face à un constat de carence de diplôme, ou lorsqu’il ne procèdera pas, lors du recrutement, aux vérifications de diplôme préalablement à l’embauche.

 

Aussi, la priorité pour les employeurs d’encadrants sportifs reste aujourd’hui de procéder à des vérifications de diplôme lors de leurs opérations de recrutement. Il s’agit aujourd’hui du conseils le plus prudent. Sur ce sujet et conformément aux dispositions de l’article R.212-86 du code du sport, les préfectures remettent à chaque éducateur sportif titulaire une carte professionnelle attestant de son diplôme et de ses conditions d’exercice. C’est ce document officiel qui devrait être sollicité par  l’employeur avant tout recrutement.

 

A noter enfin que, dans la présente espèce, le salarié a été, malgré l’absence de toute faute grave, privé du versement de l’indemnité de préavis. En effet, les juges ont considéré que l’inexécution du préavis ne résultait pas d’une dispense accordée par l’employeur mais était liée à son impossibilité d’exercer ses fonctions du fait de l’absence du titre professionnel requis.



Guillaume Dedieu

Avocat associé, Paris

Après l'obtention de son Master 2, intègre plusieurs fédérations sportives pour intervenir sur les questions d'emploi, de ressources humaines et de relations sociales. Exerce en qualité d'avocat au sein du cabinet Ellipse Avocats depuis 2014 à Lyon puis à Paris. Devient associé du bureau parisien au 1er janvier 2020.

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