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Droit du Travail
par Céline Fouillet

Liberté d’expression du salarié : quelles limites ?


La liberté d’expression est un droit fondamental prévu par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En France, elle est protégée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789

La liberté d’expression a donc tout naturellement vocation à s’appliquer dans la sphère du travail.

Dans le prolongement de ses positions passées, la Cour de cassation a récemment rappelé que si le salarié jouit de la liberté fondamentale d’expression dans l’entreprise et en dehors, ce n’est pas le cas lorsque ce droit dégénère en abus.

L’occasion de faire un point sur les contours de la liberté d’expression du salarié au sein de l’entreprise et notamment les limites apportées par la jurisprudence.

  1. Principe du respect de la liberté d’expression du salarié au sein de l’entreprise et en dehors

Il résulte des dispositions de l’article L1121-1 du Code du travail que, sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression et qu’il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. (Cass. Soc., 24 novembre 2021, n°19-20.400).

Les conséquences sont malheureusement lourdes pour l’employeur en cas de méconnaissance de ce principe puisque le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice, par le salarié, de sa liberté d’expression, entraîne à lui seul la nullité du licenciement. (Cass. Soc., 29 juin 2022, n° 20-16.060)

Fort heureusement, la Cour de cassation a apporté des limites à cette liberté d’expression et plus particulièrement lorsque le salarié en abuse.

  1. Limites apportées à cette liberté d’expression : l’abus du salarié

Parce que le respect de la liberté d’expression ne doit pas être la porte ouverte à toutes les dérives du salarié, de jurisprudence constante, la Cour de cassation considère que « si l’exercice de la liberté d’expression dans l’entreprise et en dehors de celle-ci ne peut justifier un licenciement, c’est à la condition qu’il ne dégénère pas en abus ». (Cass. Soc., 29 novembre 2006, n° 04-48.012)

Il n’est pourtant pas toujours aisé de déterminer ou commence l’abus.

La jurisprudence a pu apporter des éclaircissements sur ce point.

Ainsi, les propos tenus par le salarié l’encontre de son entreprise, des dirigeants de celle-ci ou de ses collègues de travail sont considérés abusifs dès lors qu’ils sont injurieux, diffamatoires ou excessifs. (Cass. Soc., 30 octobre 2002, n°00-40.868 ; Cass. Soc., 21 mars 2018, n° 16-20.516)

De même que le salarié abuse de sa liberté d’expression dès lors qu’il manque à son obligation de discrétion et de confidentialité.

L’abus s’apprécie notamment au regard de la teneur des propos, de leur degré de diffusion, des fonctions exercées par l’intéressé et de l’activité de l’entreprise.

C’est précisément ce qu’a rappelé la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 14 juin 2023.

Dans ce cas d’espèce, le salarié, consultant senior depuis le 5 février 2007, avait été licencié pour cause réelle et sérieuse le 27 juin 2013, son employeur lui reprochant la tenue réitérée de propos irrespectueux à l’égard de sa hiérarchie et de ses collègues de travail.

Pour exemple, le salarié avait exprimé une critique à l’égard de son supérieur hiérarchique auquel il reprochait d’avoir réagi tardivement à une demande de sa part, en des termes insultants et irrespectueux, non justifiés par le contexte « J’aimerais que tes réponses soient en correspondance avec ton poste de manager et je ne veux plus de ce type de réponse bidon », propos irrespectueux qu’il avait réitérés dans un second courriel envoyé le lendemain.

Le salarié avait notamment déjà fait l’objet d’un avertissement en raison de son comportement et de son mode de communication inappropriés avec ses collègues de travail.

La Cour d’appel puis la Cour de cassation ont toutes deux considéré que des propos excessifs et récurrents constituent un abus de la liberté d’expression et que, dans ces conditions, le licenciement pour cause réelle et sérieuse du salarié était parfaitement justifié.

La vigilance est donc de mise avant d’envisager de sanctionner un salarié ayant exercé sa liberté d’expression !

Réf : Cass. Soc., 14 juin 2023, n° 21-21678

Pour aller plus loin : https://www.ellipse-avocats.com/tag/abus-de-la-liberte-dexpression/

 


Céline Fouillet

Avocat,

Mes premières expériences en cabinet d'avocats m'ont permis d'avoir une approche globale de la matière sociale. Ayant débuté mon activité aux côtés de la défense des salariés, j'ai ensuite intégré le Pôle Social d'un Cabinet bordelais en charge, tant du conseil que du contentieux, d'un important groupe de boulangeries. J'ai rejoint le Pôle Judiciaire du Cabinet ELLIPSE AVOCATS en août 2022.

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