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par Katia Fournié

Photographies érotiques et impartialité du juge redacteur


En toutes circonstances, y compris lorsque les faits à l’origine du licenciement d’un salarié prêtent à sourire, les juges doivent faire preuve d’une impartialité sans faille.

Le 14 juin 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi jugé que doit être censuré l’arrêt d’appel rédigé « en des termes manifestement incompatibles avec l’exigence d’impartialité » (Soc., 14 juin 2023, n°21-23.107).

Dans cet arrêt, une salariée, embauchée en qualité de vendeuse dans un magasin de matelas, avait été licenciée pour faute grave à la suite de la diffusion de photos érotiques prises par un collègue de travail, dans l’enceinte du magasin, sur des lits d’exposition.

La Cour d’appel de Douai saisie du litige, avait notamment jugé, pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse que :

«  l’adoption complaisante de postures galantes, voire certaines lascives, par l’appelante s’exhibant dans des sous-vêtements suggestifs sous l’objectif de son amant, soucieux d’immortaliser ces rares instants par des photographies versées aux débats, ne laisse planer aucun doute sur le fait qu’il ne s’agissait que de préludes ; que la salariée, répondant certainement aux appels impérieux d’une conscience professionnelle sans faille, allait bientôt être animée du désir irrépressible d’apprécier à leur juste mesure, par l’emploi de procédé jusque-là, semble t’il inusités dans le magasin, les qualités du matelas Darwin dont par ailleurs elle devait vanter les mérites en raison de ses fonctions de vendeuse, s’assurant par la même occasion que le titre  »Roi du matelas » dont se parait son employeur n’était point usurpé ».

(…)

« que si les effusions échevelées auxquelles ont pu se livrer l’appelante et son amant et dont M. [X] souligne avec impudeur la multiplicité, pouvaient ne pas être sans conséquence sur l’intégrité des différents matelas qui en ont été le théâtre, il n’est nullement démontré que ces derniers en aient réellement souffert au point d’en être rendus inutilisables, comme le soutient ce dernier avec malignité ; qu’il n’est davantage établi qu’elles aient pu avoir lieu durant les horaires de travail et qu’elles aient perturbé le fonctionnement de l’entreprise puisque dans la lettre de licenciement la société reproche à l’appelante d’avoir mis à profit sa pause déjeuner pour s’adonner à des plaisirs autres que ceux de la table ; que toutefois les ébats imputés à la salariée ne débordant pas de la sphère de sa vie privée, il ne peut être retenu à sa charge que l’usage amplement abusif du matériel de l’entreprise sans le consentement de son employeur »

On peut noter que les juges ont indéniablement fait preuve de beaucoup d’humour puisqu’ils invoquent le respect de la conscience professionnelle de la salariée la conduisant à devoir tester  les lits dont elle assurait la vente.

Et au final ils ont suivi la salariée de ses demandes et jugé le licenciement abusif au motif là encore étonnant que les ébats imputés à la salariée ne débordant pas de la sphère de sa vie privée, il ne peut être retenu à sa charge que l’usage amplement abusif du matériel de l’entreprise sans le consentement de son employeur.

Mais trop d’esprit entraine le courroux des juges suprêmes.

Devant la Cour de cassation, l’employeur a mis en avant « l’ironie déplacée » dont a fait preuve la cour d’appel pour invalider le licenciement prononcé.

Sensible à ses arguments, la Cour de cassation a alors jugé que les termes employés étaient incompatibles avec l’exigence d’impartialité requise, pour casser et annuler l’arrêt et renvoyer l’affaire devant la cour d’appel de Douai, autrement composée.

Un peu d’humour ne fait pas de mal, mais point trop n’en faut lorsqu’il s’agit de juger du bien-fondé d’un licenciement.

La cour d’appel de Douai aura donc de nouveau à juger, avec toute la rigueur et l’impartialité nécessaire, si les griefs qui ont motivé le licenciement étaient finalement justifiés.

 

Pour plus d’information sur le fonctionnement du contentieux prud’homal, vous pouvez lire cet article.

impartialité

 


Katia Fournié

Avocat, Bordeaux

J’ai intégré le cabinet Ellipse Avocats en janvier 2020 après avoir travaillé dans un cabinet d’avocats spécialisé en droit du travail, chargé exclusivement de la défense des salariés. Forte de cette expérience, j’accompagne les entreprises tant dans la gestion des relations individuelles que collectives de travail.

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