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par Sébastien Millet

Hydrogène : Maitrise des risques dans la filière verte


Dans le cadre de la transition énergétique, de nouvelles filières se dessinent dans tous les pays, selon des rythmes divers, avec notamment des investissements qui se chiffrent déjà en milliards de dollars au niveau mondial concernant l’hydrogène bas-carbone.

L’hydrogène, un enjeu de développement d’écosystème industriel

 

La France s’est notamment dotée depuis plusieurs années d’une stratégie planifiée autour du développement de l’hydrogène « vert », et mise sur cette alternative pour diversifier le mix énergétique (l’objectif européen étant d’atteindre jusqu’à 20% à horizon 2050 !).

Dans le cadre de France nation verte, un plan d’investissement « France 2030 » prévoit une enveloppe budgétaire importante pour soutenir le développement de cette filière labellisée bas-carbone, sur le volet production, stockage, transport, distribution et nouveaux usages au-delà du secteur de l’industrie chimique (mobilités, batteries, chauffage, etc.).

Cela nécessite de lourds investissements au niveaux des territoires, pour mettre en place les installations et réseaux nécessaires, mais également pour disposer d’un vivier de compétences professionnelles spécialisées.

 

Un enjeu majeur de maîtrise des risques dans la production d’hydrogène

Sur le plan technique, en attendant d’éventuelles avancées majeures au plan scientifique et technologique autour du concept de fusion nucléaire de l’hydrogène, la production d’hydrogène décarboné repose quant à elle plus modestement sur le principe de l’hydrolyse de l’eau.

*Le process peut être conçu de manière à ne pas émettre de gaz à effet de serre en phase de production, d’où son caractère « renouvelable », ce qui nécessite de pouvoir en certifier la traçabilité, selon le mode de production utilisé (cf. C. En. L821-1 s.).

A noter qu’il existe en parallèle des possibilités d’extraction d’hydrogène naturel « blanc » dans le sous-sol, faisant appel à d’autres techniques de recherches et d’exploitation (soumis à délivrance de permis spécifiques compte tenu notamment des enjeux environnementaux spécifiques).

Cette molécule H2 (dihydrogène) dispose d’un avantage appréciable : son potentiel énergétique élevé.

Revers de la médaille s’agissant d’un gaz très instable et inflammable (combustible), avec une température très élevée (2000°C environ), celui-ci induit des risques élevés, qui doivent être analysés de manière globale sur toute la chaîne de valeur pour protéger les personnes, l’environnement et les biens.

A la clé également de ce nouvel « eldorado » énergétique : de lourds enjeux d’investissements et de financement public, d’organisation, d’assurances … et de responsabilité en cas de non-conformité et/ou de sinistre.

Le législateur a bien identifié cette problématique, et prévoit s’agissant du soutien aux projets de production d’hydrogène bas—carbone que le niveau d’aide au fonctionnement ne puisse conduire à ce que la rémunération des capitaux immobilisés excède un niveau de rémunération raisonnable des capitaux « compte tenu des risques inhérents aux activités sur lesquelles porte l’aide » (C. En., L812-5).

A noter qu’un décret n° 2023-854 du 1er septembre 2023 vient fixer le cadre réglementaire du dispositif de mise en concurrence pour l’octroi des contrats d’aide, et prévoit notamment l’exigence de justifications des capacités techniques et financières d’exploitation. Au stade de la désignation des candidats, un cahier des charges public doit définir « les prescriptions de toute nature qui s’imposeront avant la mise en service de l’installation, pendant son exploitation ou lors de son démantèlement ou de la remise en état du site d’implantation, et, le cas échéant, l’obligation de constituer des garanties financières dont la nature et le montant sont précisés » (C. En., R812-17, 1° c nouveau).

La conduite de ces projets ne peut donc faire l’économie d’un travail rigoureux sur la prévention des risques, ce qui constitue un enjeu de taille pour de nouveaux acteurs émergents hors de la sphère des industriels historiques.

Plusieurs réglementations strictes doivent être intégrées dans ce cadre, selon une analyse au cas par cas (droit des ICPE, santé-sécurité au travail, équipements sous pression, canalisations, etc…), avec un focus tout particulier sur la réalisation des études de danger et la prise en compte du risque d’explosions (ATEX – cf. C. Trav., R4227-42 s.).

A cet égard, un rapport de l’IGEDD (novembre 2022) recommande aux acteurs -y compris décideurs publics dans les collectivités territoriales- de prêter une attention particulière aux risques de fuite, notamment dans les espaces confinés (y compris par exemple parkings de stationnement et tunnels pour les infrastructures de transport).

Bien entendu, l’un des axes de maîtrise des risques est également le volet humain, ce qui interroge sur la gouvernance et le RH (recrutement, parcours de formations à la sécurité, l’organisation managériales, systèmes de délégations, etc.).

La base documentaire ARIA fait d’ailleurs bien ressortir dans l’analyse d’accidentologie l’importance du facteur organisationnel à côté du facteur technique. Il est ainsi relevé que « plus de 70 % des accidents impliquant de l’hydrogène et dont les causes sont connues ont une origine organisationnelle ou humaine, seule ou associée à une défaillance matérielle » (en lien avec des interventions de maintenance ou d’entretien, et des défauts de maîtrise de procédé).

Typiquement, cela fait écho aux risques liés aux interventions d’entreprises extérieures (risques d’interférences/ coactivité).

Dérèglement climatique oblige, on ajoutera également la nécessité de s’adapter en prenant en considération les nouveaux risques qui peuvent affecter l’exploitation, notamment liés à l’intensification des aléas climatiques extrêmes.

 

Un enjeu de maturation et d’équilibre pour la filière de l’hydrogène

 

En définitive, l’acceptabilité sociétale de ces nouvelles filières est conditionnée à une capacité des exploitants à garantir une parfaite maîtrise de leurs risques opérationnels (à l’instar du secteur électro-nucléaire et des INB, dont le développement est relancé avec notamment la loi d’« accélération » n° 2023-491 du 22 juin 2023).

Toujours selon l’IGEDD, il s’agit d’un enjeu essentiel qui doit être intégré aux appels à projet, dans un contexte où l’engouement économique et le foisonnement d’initiatives s’accompagne d’un constat de manque de maturité en termes de culture du risque et de technologies (électrolyseurs notamment).

Il est d’ailleurs prévu que « l’aide au fonctionnement fait l’objet de périodes d’expérimentation pour les petits et moyens projets ainsi que pour les filières non matures » (C. En. L812-8).

On suivra ici avec intérêt, au gré des retours d’expérience notamment, les possibles évolutions vers la mise en place de réglementations particulières à cette nouvelle filière, l’enjeu étant d’assurer un compromis d’équilibre entre l’exigence d’un niveau de protection élevé, sans créer de « sur-contraintes » sécuritaires qui risqueraient de dissuader les acteurs …

*Article publié sur www.preventica.com

 


Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

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