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Droit du Sport, Droit du Travail
par Guillaume Dedieu

Contrat d’engagement éducatif : actualités et risques


Le Conseil d’Etat (CE 30 janvier 2015 n°363520) a été amené récemment à se positionner sur la validité des dispositions des articles D.432-3 et D.432-4 du code de l’action sociale et des familles, mettant en place, pour les salariés engagés en contrat d’engagement éducatif (ci-après CEE),  une transformation des périodes de repos obligatoires (notamment le repos quotidien de 11 heures consécutives) en période de repos compensateurs.

 

Pour rappel, par combinaison des articles L.432-1 et D. 432-1 du code de l’action sociale et des familles, peuvent être engagés en CEE les personnes qui souhaitent exercer, durant les vacances scolaires, leurs congés professionnels ou leurs temps de loisirs, des fonctions d’animation ou de direction pour le compte d’un « accueil collectif de mineurs » (pour en savoir plus, voir l’article CEE – explications de texte).  Le régime du CEE est fortement dérogatoire au « droit commun du travail », puisque de nombreuses dispositions du code du travail ne lui sont pas applicables (article L.432-2 du code de l’action sociale et des familles).

 

L’une des problématiques de certains accueils collectifs de mineurs, notamment les centres de vacances avec hébergement (ou colonies de vacances), consiste dans la gestion des périodes de repos de leurs salariés. Le suivi d’un public mineur peut en effet impliquer une présence quasi-continue de l’encadrement lors de la journée des enfants. Ces longues périodes de travail peuvent, de surcroît, être suivies par un temps de préparation des activités du lendemain. Cette durée continue, et l’amplitude des horaires qui peut en résulter, sont en confrontation directe avec les règles de repos obligatoires fixées par le code du travail, et notamment la période de repos quotidien de 11 heures consécutives.

 

Afin de prévenir ce conflit, l’article L.432-5 du code de l’action sociale et des familles a prévu la possibilité pour l’organisateur de l’accueil (c’est-à-dire l’employeur) de supprimer ou réduire la période quotidienne minimale de repos obligatoire (11 heures consécutives) des salariés en contrat d’engagement éducatif.  Ce même article L.432-5 dispose toutefois que cette période de repos ne peut être inférieure à 8 heures consécutives.

 

Lorsque l’employeur souhaite déroger à la durée minimale de repos de 11 heures, le salarié bénéficie alors d’un repos compensateur égal à la fraction du repos dont il n’a pu bénéficier. Ce repos compensateur est accordé selon les modalités du Décret n°2012-581 du 26 avril 2012, ces modalités étant expressément précisées par la Circulaire DJEPVA/DGT/2012/230 du 11 juin 2012 (repos compensateur minimum obligatoirement pris pendant la période d’accueil si celle-ci excède trois jours, repos compensateur à prendre pendant le séjour qui croît par paliers en fonction de la durée du séjour, prise de reliquat de repos à l’issue de l’accueil…).

 

Cette transformation des périodes de repos obligatoires en repos compensateurs, au demeurant très complexe à mettre en oeuvre, était critiquée par certaines organisations syndicales de salariés du secteur. En l’espèce, l’une d’entre elles a sollicité l’annulation des dispositions  réglementaires mettant en oeuvre ces repos compensateurs (articles D.432-3 et D.432-4 du code de l’action sociale et des familles). L’organisation syndicale soutenait notamment que l’absence de garantie de 11 heures consécutives de repos journalier était contraire à la Directive européenne n°2003/88 du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

 

Le Conseil d’Etat n’a pas accédé à cette demande d’annulation aux motifs, notamment, que la Directive précitée permet de déroger à la période minimale de 11 heures consécutives pour « les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d’assurer la continuité du service ».  Cette faculté de dérogation était néanmoins conditionnée à ce que des « périodes équivalentes de repos compensateurs soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l’octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n’est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés ».  Le Conseil d’Etat a ici estimé que les salariés en CEE,  qui exerçent « des activités occasionnelles et saisonnières dans des centres de vacances et de loisirs et accomplissant au maximum quatre-vingts journées de travail par an », entraient pleinement dans le champ de cette dérogation.

 

Le dispositif mis en place par les articles D.432-3 et D432-4 du code de l’action sociale et des familles est donc validé. Tout comme le contrat d’engagement éducatif lui-même puisque sa raison d’être réside essentiellement dans la possibilité de déroger au repos quotidien de 11 heures consécutives.

 

Le Conseil d’Etat a toutefois fixé, sur le fondement de la Charte sociale européenne, quelques garde-fous qui devraient, à notre sens, s’imposer aux accueils collectifs de mineurs, sous peine de possibles contentieux.

 

Tout d’abord, la suppression ou la réduction des périodes de repos obligatoires ne peuvent être mises en œuvre que si les conditions de l’accueil collectif de mineurs les rendent nécessaires et sont justifiées par la nature des activités en cause. A ce sujet, le Conseil d’Etat précise que les directeurs et animateurs doivent partager la vie des mineurs ou des personnes handicapées pendant la durée du séjour. La notion de partage de la vie des mineurs semble ici impliquer que les salariés en CEE sont contraints d’être présents, en permanence, au coté des enfants. A défaut, c’est tout le système de suppression ou de réduction des repos journaliers des animateurs qui pourraient être remis en cause au sein de l’organisateur du séjour.

 

En parallèle, le Conseil d’Etat indique que la suppression ou la réduction du repos obligatoire ne doit pas conduire à ce que la protection de la sécurité et de la santé des salariés, ainsi que le bon exercice de leur mission, ne soit plus assurée. En d’autres termes, l’organisation des suppressions et réductions des repos quotidiens obligatoires ne doivent pas porter atteinte à la santé des salariés. On peut ici penser à la situation des salariés qui concluent successivement, durant la période estivale, plusieurs CEE avec des employeurs différents.

 

Si le dispositif du contrat d’engagement éducatif est validé par le Conseil d’Etat, les accueils collectifs de mineurs devront tout de même faire preuve d’une certaine prudence dans leur choix d’organisation. Ils devront notamment s’assurer que l’organisation retenue ne soit pas créatrice de danger pour les salariés.



Guillaume Dedieu

Avocat associé, Paris

Après l'obtention de son Master 2, intègre plusieurs fédérations sportives pour intervenir sur les questions d'emploi, de ressources humaines et de relations sociales. Exerce en qualité d'avocat au sein du cabinet Ellipse Avocats depuis 2014 à Lyon puis à Paris. Devient associé du bureau parisien au 1er janvier 2020.

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