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Droit de la Protection Sociale
par Sébastien Millet

ANI du 11 janvier 2013 : focus sur la généralisation des couvertures complémentaires de prévoyance dans les entreprises


L’Accord national interprofessionnel « pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels », dont la signature des confédérations syndicales CFDT, CFTC et CGC a été annoncée, marque un tournant avec une volonté affichée des partenaires sociaux de s’entendre sur des mesures pragmatiques  pour adapter dans le sens de la flexisécurité les instruments juridiques du droit du travail face à la crise économique.

En contrepartie des nombreuses innovations de ce texte (https://www.ellipse-avocats.com/2013/01/ani-du-11-janvier-2013-relatif-a-la-competitivite-des-entreprises-et-a-la-securisation-de-lemploi), le patronat a accepté le principe d’une généralisation, d’ici le 1er janvier 2016, des couvertures complémentaires de frais de santé dans l’ensemble des entreprises françaises quel que soit leur effectif.

Priorité est donnée à la négociation de branche d’ici le 1er juillet 2014, et subsidiairement à la négociation d’entreprise dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (NAO). A défaut, les entreprises non couvertes devront mettre en œuvre les dispositions prévues de manière supplétive par l’ANI, étant précisé qu’elles pourront le cas échéant les adapter dans un sens plus favorable.

Bien entendu, ce socle minimal devra être à caractère collectif et obligatoire au sens des nouvelles dispositions du décret n° 2012-25 du 9 janvier 2012, cofinancé et être adossé à un contrat d’assurance réputé solidaire et responsable.

L’ANI prévoit une ouverture de la négociation dans les branches non couvertes, d’ici le 1er avril 2013. La santé n’est qu’une première étape (qui pourrait d’ailleurs préfigurer une amplification plus ou moins masquées du transfert des charges de l’Assurance maladie vers l’assurance privée en ces temps de déficit des comptes publics … ). Dans un deuxième temps, les partenaires sociaux prévoient de « s’attaquer » à la question des couvertures des risques lourds en matière de prévoyance (risques incapacité-invalidité et décès) pour les salariés qui en sont dépourvus (certaines populations non cadres essentiellement).

Point important concernant le choix de l’organisme assureur, les partenaires sociaux ont ici privilégié la voie d’une recommandation au niveau des branches laissant plus de liberté aux entreprises, plutôt que d’une désignation assortie d’une clause de migration impérative.

Sur ce point se dessine certainement une évolution majeure, puisque l’ANI intègre –enfin !- l’exigence de mise en œuvre d’une « procédure transparente de mise en concurrence », aussi bien au stade de la mise en place que du réexamen périodique des organismes assureurs, qu’ils soient recommandés ou désignés.

Cela devrait faire évoluer de manière assez significative les pratiques en matière de systèmes de mutualisation des risques (cf. CSS, L912-1), pour lesquels les modalités de désignation d’un organisme unique sont parfois très décriées. Gageons qu’au-delà de l’exigence de solidarité professionnelle, la moindre des choses est qu’il existe des garanties de transparence sur le choix de l’opérateur, surtout lorsqu’il s’agit d’imposer à des entreprises déjà « équipées » de devoir le rejoindre et de quitter leur assureur d’origine.

La transparence constitue au XXIe siècle une exigence sociale et sociétale forte, tant sur le plan éthique que juridique ; il n’existe aucune raison objective qui justifierait que les partenaires sociaux d’une branche n’y soient pas soumis, surtout au vu des pouvoirs qui leur sont reconnus et de l’enjeu de ces questions.

Partant de là, les exigences de formalisme vont être accrues, ce qui ne pourra que contribuer à renforcer la sécurité juridique et l’opposabilité de ces systèmes (ou ouvrir de nouveaux champs de contentieux si les règles fixées ne sont pas respectées).

Reste pour les partenaires sociaux à définir les mécanismes qui permettront d’en garantir l’effectivité. Sans doute pourront-ils s’inspirer pour partie des règles prévues en matière d’appel d’offres et de marchés publics (cf. CJUE 15 juillet 2010).

 

Autre point d’évolution à noter, le mécanisme de portabilité des garanties « santé » et prévoyance institué au profit des chômeurs indemnisés est doublement amélioré :

  • D’une part, concernant son financement, l’objectif étant à terme de généraliser le système de mutualisation, aboutissant à dispenser l’ancien salarié de payer sa quote-part de cotisations pendant sa période de portabilité (logiquement cela posera à terme la question du maintien ou non de la faculté de renonciation du salarié, aujourd’hui prévue par l’ANI du 11 janvier 2008) ;
  • D’autre part, concernant la durée maximale de maintien des garanties, qui serait portée de 9 à 12 mois.

Les actes fondateurs et contrats d’assurance devront être adaptés en conséquence, sachant que cette mesure aura un impact financier significatif et viendra renchérir le coût des couvertures complémentaires pour les employeur et les salariés actifs.

 

Reste à attendre la signature par les organisations syndicales représentatives, puis la prise des mesures légales et réglementaires d’application auxquelles l’entrée en vigueur de l’ANI est subordonnée.



Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

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