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Droit de la Protection Sociale
par Walter Gauthier

comment verdir la rémunération des salariés


Que ce soit en raison du réchauffement climatique, de l’augmentation du coût des matières premières ou du prix de l’énergie, il semble difficile pour les entreprises d’être indifférentes à la question écologique.

En effet, si les politiques de rémunération ont pour principales finalités de fidéliser et d’augmenter la motivation des collaborateurs, rien n’interdit les entreprises de coupler ces objectifs avec la volonté de « verdir » leurs pratiques, que ce soit dans l’optique de réduire leur impact sur l’environnement ou de diminuer leurs dépenses énergétiques ou de fonctionnement.

Un état des lieux des dispositifs existants permet de se rendre compte que des outils existent déjà et qu’une démarche écologique peut très bien s’intégrer dans une politique de rémunération.

L’Accord national interprofessionnel (ANI) du 10 février 2023 relatif « au partage de la valeur au sein de l’entreprise », qui pourrait être intégré dans le projet de loi « Plein emploi » d’ici l’été, contient d’ailleurs plusieurs propositions qui permettront de renforcer cette dynamique.

Dispersées au sein de différents codes et sans véritable logique commune, on peut tout de même regrouper ces mesures qui permettent ou permettront aux Directions et partenaires sociaux soucieux de leur impact écologique :

  • d’agir sur le comportement des acteurs de l’entreprise,
  • d’inciter à des déplacements vertueux ou,
  • de favoriser les investissements responsables.

1) Agir sur le comportement des acteurs de l’entreprise en lien avec la QVCT

Sans qu’elles ne soient spécifiquement dédiées, certaines règles du droit du travail sont suffisamment malléables pour être mobilisées à des fins écologiques. On pense notamment à l’instauration de primes ainsi qu’à l’intéressement.

  • Sous réserve de respecter les règles classiques du droit du travail, il est en effet envisageable de conditionner le versement d’un élément de rémunération en fonction de critères environnementaux ou de la réalisation d’actions en lien avec le développement durable. Il est, par exemple, possible d’encourager les comportements écoresponsables par :

– le versement de primes dont la finalité est de récompenser les actions des salariés liées à la réduction de leur impact sur l’environnement.

Dans le secteur routier par exemple, des primes peuvent être versées aux chauffeurs qui réalisent des économies de carburant. Ce type de rémunération permet de réduire les dépenses, mais également, favorisent la sécurité des chauffeurs, en les incitant à une conduite plus responsable.

Le système de primes ne doit, bien évidemment, pas induire d’effet contreproductif pour les salariés. La jurisprudence a ainsi sanctionné un mode de rémunération qui conduisait à une majoration de salaire pour les chauffeurs en fonction des distances parcourues et des délais de livraison, et incitait, en pratique, les salariés à dépasser les temps de conduite autorisés.

l’organisation de challenges entre salariés.

Plus ludique, pour sensibiliser les salariés, certaines sociétés leur proposent de participer à des concours. Une entreprise a, ainsi organisé un challenge où chaque service tentait de diminuer le plus possible sa consommation de papier. Ce type d’évènement peut très bien donner lieu à l’attribution d’une somme d’argent aux gagnants ou encore d’avantages en nature, comme l’octroi d’un vélo électrique.

Notons toutefois que ces avantages ne bénéficient d’aucun régime social particulier et seront soumis à cotisations sociales, à l’instar du salaire. Il convient, en outre, de s’assurer du respect du Code du travail dans leur mise en œuvre et notamment du principe d’égalité de traitement.

  • En matière de rémunération collective, l’accord d’intéressement peut également être mobilisé à des fins environnementales. Ce dispositif qui permet d’associer collectivement les salariés aux résultats de l’entreprise offre une certaine marge de manœuvre dans la détermination des critères de déclenchement du versement de l’intéressement.

Si l’on pense principalement à associer les salariés aux performances économiques de l’entreprise, le Guide de l’épargne salariale précise que d’autres objectifs peuvent être recherchés, notamment en matière « de qualité, de sécurité ou de satisfaction de la clientèle ». La Cour de cassation a, par exemple, déjà admis la validité d’accords d’intéressement reposant sur la diminution du taux de fréquence des accidents du travail.

Dès lors que les critères retenus sont objectifs, vérifiables et aléatoires, rien n’interdit donc les entreprises de retenir des critères extra-financiers dans la détermination de leur formule de calcul.

Si la pratique est loin d’être généralisée, un nombre croissant d’accords intègrent ainsi un ou plusieurs éléments de RSE dans leur formule. Les exemples les plus courants concernent la diminution de l’usage du papier, la réduction des déchets ou la maitrise de la consommation d’énergie.

Preuve toutefois que le régime en est encore à ses balbutiements, l’ANI du 10 février 2023 invite les pouvoirs publics à sécuriser et faciliter le choix de critères RSE dans les accords d’intéressement. Ainsi :

– le Code du travail pourrait explicitement préciser que la formule de calcul peut intégrer des objectifs environnementaux (performance énergétique, gestion des déchets…) et,

– les organismes de contrôle (on pense en premier lieu à l’Urssaf) publieraient chaque année un guide sur les modalités de contrôle de ce type d’accord, ce qui serait de nature à faciliter l’identification et la diffusion de ces critères.

Ces mesures vont dans la bonne direction et devraient inciter les entreprises à se servir de l’intéressement comme vecteur d’une politique environnementale, tout en bénéficiant du régime social de faveur propre à ce dispositif.

2) Favoriser les déplacements responsables et l’écomobilité

Il est de notoriété publique que l’usage de véhicules thermiques a un impact significatif sur les émissions de gaz à effet de serre. Afin de favoriser les moyens de transport plus vertueux, les pouvoirs publics ont pris des mesures visant à inciter employeurs et salariés à y avoir recours.

  • En matière de frais professionnels, la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019 a ainsi créé le forfait mobilités durables.

Dans ce cadre, les employeurs ont la possibilité de prendre en charge tout ou partie des frais de transports personnels de leurs salariés entre le domicile et le lieu de travail (frais de carburant, frais engagés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène) lorsqu’ils utilisent certains modes de transport dits à « mobilité douce » (vélo ou covoiturage par exemple).

La prise en charge des frais engagés par le salarié dans le cadre du forfait mobilités durables est exclue de l’assiette des contributions et des cotisations sociales et d’impôt sur le revenu dans la limite de 500 euros par an et par salarié.

Ce dispositif a fait l’objet de plusieurs ajustements afin d’en renforcer la portée :

– pour les années 2022 et 2023, le forfait mobilités durables est exonéré de cotisations sociales et d’impôt dans la limite de 700 euros par an et par salarié et,

– depuis le 1er janvier 2022, il peut concerner les déplacements effectués à l’aide « d’engins de déplacement personnel motorisés des particuliers », comme les trottinettes. Toujours dans une optique écologique, les véhicules à motorisation thermique, comme les motos ou les scooteurs, ne sont pas concernés.

  • Dans la même philosophie, des règles spécifiques d’évaluation des avantages en nature ont été mises en place afin d’encourager l’utilisation de véhicules électriques. Ainsi, l’évaluation de l’avantage constitué par la mise à disposition d’un véhicule électrique :

– ne tient pas compte des frais d’électricité engagés par l’employeur pour la recharge du véhicule et,

– est calculée après application d’un abattement de 50 % (dans la limite de 1 800 euros par an).

Ainsi, le montant de l’avantage constitué par la mise à disposition d’un véhicule électrique est largement minoré par rapport à celui d’un véhicule thermique.

En outre, afin de faciliter le rechargement de ce type de véhicule, les règles d’évaluation de la mise à disposition d’une borne de recharge sont également plus favorables, selon que la borne soit installée sur le lieu de travail ou au domicile du salarié.

Ces méthodes de calcul étaient censées prendre fin au 31 décembre 2022. Elles ont néanmoins été reconduites jusqu’au 31 décembre 2024, afin de ne pas freiner le déploiement de flottes de véhicules électriques dans les entreprises.

3) Inciter l’investissement responsable

L’épargne salariale peut enfin être un bon vecteur pour encourager les salariés à investir leur épargne dans des fonds responsables. Ainsi, les sommes placées sur un plan d’épargne entreprise (PEE) ou un plan d’épargne retraite (PER) peuvent être, au choix du salarié, investis dans des fonds « labelisés » qui favorisent une épargne responsable et solidaire.

Des labels ont notamment été créés par le Gouvernement afin de flécher l’épargne des salariés vers des placements soutenant une démarche écologique. On pense notamment au label « GREENFIN », créé en 2015, qui garantit la qualité verte des fonds d’investissement ou au label « ISR », apparu en 2016, qui a pour objectif de maximiser les impacts sociaux et environnementaux d’un placement, sans pour autant abandonner la rentabilité financière.

Comme l’indique un rapport d’information parlementaire sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise du 12 avril 2023, l’épargne salariale est devenue un contributeur au financement de l’économie sociale de premier plan. En effet, en 2021, plus de la moitié de l’encours des produits de la finance solidaire (soit 14,1 milliards d’euros sur 24,5 milliards d’euros) ont été collectés via un dispositif d’épargne salariale.

Sur cette thématique de l’épargne salariale, l’ANI du 10 février 2023 propose quelques pistes d’évolution intéressantes.

D’une part, les organisations signataires appellent à la création de nouveaux cas de déblocage anticipé des sommes inscrites sur un plan d’épargne d’entreprise (PEE). Les salariés pourraient récupérer les sommes de manière anticipée afin de :

– réaliser des dépenses liées à la rénovation énergétique de leur résidence principale ou,

– acheter un véhicule « propre », qu’il soit neuf ou d’occasion.

D’autre part, elles souhaitent promouvoir une épargne verte en incitant à l’orientation des fonds de l’épargne salariale vers des supports d’investissements en faveur de la transition écologique.

Ainsi, les signataires demandent que les gestionnaires de fonds proposent systématiquement dans les PEE et les PER au moins 2 fonds qui prennent en compte des critères extra-financiers. Parmi ces fonds, l’accord vise notamment les fonds labélisés « ISR » ou « GREENFIN ».

* * *

En conclusion, les entreprises qui souhaitent inscrire leur politique de rémunération dans une approche environnementale peuvent piocher dans cette « boite à outils » pour y parvenir. L’importance croissante de la problématique devrait par ailleurs inciter les pouvoirs publics à développer davantage les instruments nécessaires à la réussite de ces objectifs.

 

 

 


Walter Gauthier

Avocat,

Ma première expérience professionnelle m’a permis de me spécialiser en droit de la protection sociale complémentaire et des rémunérations. J’ai accompagné, tant en conseil qu’en contentieux, des clients au profil diversifié (entreprises, courtiers, organismes assureurs) dans cette matière technique et exigeante.   Après 4 ans au sein du Barreau de Paris, j’ai rejoint Ellipse Bordeaux afin d’accompagner le Cabinet sur toutes les problématiques liées à la rémunération, aux avantages sociaux, à la prévoyance complémentaire et à l’épargne salariale et d’apporter mes compétences aux entreprises dans la mise en place et le suivi de leur politique de rémunération.

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