par Arnaud Pilloix
Perte du permis de conduire et licenciement (Cass. Soc. 3 mai 2011 n° 09-67464)
Le salarié dont les fonctions impliquent la conduite de véhicules doit être titulaire du permis de conduire.
La perte de son permis pourrait-elle alors signifier la perte de son emploi ?
Cette question a été posée à la Cour de cassation le 19 mars 2008 (pourvoi n° 06-45.212) à propos d’un salarié VRP, licencié en raison de la suspension de son permis de conduire pour conduite en état d’ébriété. Dans cet arrêt, la Cour avait estimé que ce fait intervenu dans le cadre de la vie personnelle du salarié se rattachait pourtant à sa vie professionnelle et pouvait donc justifier son licenciement disciplinaire.
Cette solution avait également été admise à propos d’un chauffeur poids lourd qui avait perdu son permis dans les mêmes circonstances (Cass. Soc. 2 déc. 2003 n°01-43227).
Cependant, la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 3 mai 2011 (pourvoi n° 09-67464), revient à la solution de principe selon laquelle « un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire ».
Dans ce cas d’espèce, le salarié s’était vu retirer son permis de conduire à la suite d’infractions (multiples, notamment non port de la ceinture de sécurité) au Code de la route commises en dehors de l’exécution de son contrat de travail.
Selon la Cour : « le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l’exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l’intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail ».
Un doute subsiste : la perte du permis de conduire pourrait constituer un motif de licenciement disciplinaire si elle est due à un état d’ébriété ou, à l’inverse, ne pas constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement si elle est due à d’autres infractions au Code de la route !
Un autre enjeu est soulevé dans le second attendu de la Cour de cassation : « son licenciement, dès lors qu’il a été prononcé pour motif disciplinaire, était dépourvu de cause réelle et sérieuse ».
De fait, l’employeur aurait pu prononcer un licenciement pour motif personnel à l’encontre du salarié qui, privé de son permis de conduire, ne pouvait plus effectuer son travail. Encore faut-il que cette situation soit objective et cause un trouble caractérisé à l’entreprise (Cass. Soc. 30 nov. 2005 n° 04-13.877).
Si la voie disciplinaire a été choisie, le juge sera tenu d’écarter la cause réelle et sérieuse du licenciement dès lors que les faits n’ont pas un caractère fautif (Cass. Soc. 26 oct. 1999 n° 97-41474 ; 23 janv. 2001 n° 98-44843).
En synthèse, la Cour de cassation ne clarifie nullement cette question pourtant fréquente pour bon nombre de salariés et d’employeurs…
conseil de prud'hommes • faute grave • licenciement