par Arnaud Pilloix
Un salarié condamné au pénal pour avoir harcelé son supérieur hiérarchique! (Cass. Crim. 6/12/2011)
En synthèse : La Cour de cassation retient le harcèlement moral provenant d’un subordonné sur son supérieur hiérarchique. Elle casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Poitiers qui, « en subordonnant le délit à l’existence d’un pouvoir hiérarchique, alors que le fait de la personne poursuivie soit le subordonné de la victime est indifférent à la caractérisation de l’infraction, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés ». (Cass. crim., 6 décembre 2011, n° 10-82266)
Rappelons que le harcèlement moral est défini par le code pénal à l’article 222-33-2 comme le « fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
En l’espèce, la Cour de cassation avait à se prononcer sur la qualification de harcèlement moral concernant les agissements d’un salarié ayant conduit la victime, son supérieur hiérarchique, à se suicider. Le salarié en question avait dévalorisé de façon réitérée l’action de son supérieur hiérarchique, diffusé à son propos une image d’incompétence dans son milieu professionnel et adopté à son égard un comportement irrévérencieux et méprisant.
Dans un premier temps les juges du fond ont infirmé le jugement et débouté les parties civiles de leurs demandes car le pouvoir hiérarchique de la victime sur son subordonné excluait selon elle la caractérisation de l’infraction de harcèlement moral.
Cette décision est cassée par la Cour de cassation en ces termes :
« Mais attendu qu’en l’état de ces motifs pour partie contradictoires, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi des conditions qu’elle ne comporte pas, d’une part, en retenant que les conséquences de la dégradation des conditions de travail devaient être avérées, alors que la simple possibilité de cette dégradation suffit à consommer le délit de harcèlement moral, et, d’autre part, en subordonnant le délit à l’existence d’un pouvoir hiérarchique, alors que le fait que la personne poursuivie soit le subordonné de la victime est indifférent à la caractérisation de l’infraction, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés ».
En effet, pour la Cour de cassation, l’existence d’un pouvoir hiérarchique entre la victime et son subordonné ne permet pas d’exclure la qualification de harcèlement moral. La haute juridiction considère d’ailleurs qu’en raisonnant ainsi, la cour d’appel « a ajouté à la loi des conditions qu’elle ne comporte pas ».
À noter que la cour d’appel avait jugé « qu’aucun élément de la procédure ne permet d’établir que les faits en cause aient été à l’origine d’une dégradation physique ou mentale du défunt ». La Cour de cassation censure une fois de plus la décision des juges du second degré en affirmant que « la simple possibilité de cette dégradation » suffit pour qualifier le délit de harcèlement moral.
Par cet arrêt, la notion de harcèlement moral a vu son champ d’application s’étendre. Désormais, le harcèlement moral peut être le fait d’un subordonné à l’égard de son supérieur hiérarchique. Subordonné ou supérieur hiérarchique, qui de l’harceleur ou de l’harcelé ?
Arnaud PILLOIX, assisté de Damien MERCERON
harcèlement moral