par Florent Dousset
La rupture du préavis pour faute après dispense d'éxécution : les conséquences (Cour d’Appel de Lyon Ch. Soc. A 18 octobre 2011)
Le directeur des ventes d’une célèbre marque automobile était rémunéré, comme cela est bien souvent l’usage dans ce secteur d’activité, sur la base d’un salaire fixe auquel s’ajoutait des primes et indemnités prévues par les dispositions conventionnelles en vigueur.
Concernant précisément ces primes, celles-ci étaient calculées selon des critères établis et communiqués par courrier annuellement par la société.
Suite à différentes modifications dans le calcul de la prime au titre de l’année à venir, le salarié conteste ces nouveaux critères auprès de la direction, estimant que certains d’entre eux avaient pour conséquence de diminuer substantiellement l’espérance des gains. Les parties n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente, malgré plusieurs échanges.
Face à cette situation, le salarié décide de prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, estimant qu’il était anormal que son mode de rémunération lié aux primes puisse être modifié unilatéralement. Le salarié arguait une modification de son contrat de travail réalisée sans son accord.
En réponse à la décision du salarié, la société considère (étrangement) que cette rupture doit être considérée comme une démission et dispense à cet effet le salarié de l’exécution de ce préavis.
La société convoque ensuite le salarié et lui notifie la rupture de son préavis pour faute lourde, au motif de la transmission de données confidentielles à la concurrence.
Le salarié saisi ensuite le Conseil de Prud’hommes de Lyon pour voir qualifier sa prise d’acte de rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Débouté de sa demande, il décide de saisir la Cour d’Appel de Lyon qui se prononce par un arrêt du 18 octobre 2011.
Cet arrêt est intéressant car il se prononce sur la validité de la rupture, par l’employeur, du préavis, alors que le salarié bénéficiait d’une dispense d’exécution.
Sur la rupture pour faute du préavis, par l’employeur, alors que le salarié bénéficie d’une dispense d’exécution
Au préalable, on peut s’étonner que les juges du fond aient eu à se prononcer sur cette question !
En effet, en principe, lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur, ce qui était manifestement le cas en l’espèce, il peut être hasardeux pour l’employeur de tenter de qualifier cette rupture. En effet, c’est le juge qui estimera soit qu’il s’agit d’une démission, si les motifs invoqués par le salarié à l’encontre de son employeur ne sont pas justifiés, soit qu’il s’agit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les motifs invoqués contre son employeur sont justifiés.
Dans le premier cas, si le salarié n’a pas effectué le préavis de démission, il pourra être condamné à verser des dommages et intérêts à son employeur pour défaut d’exécution du préavis de démission. Dans le second cas, le juge accordera au salarié des dommages-intérêts, l’indemnité de préavis, les congés payés afférents et l’indemnité de licenciement auxquels il aurait eu droit en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 26 mai 2010, 08-70.253).
Dès lors, en présence d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié, l’employeur doit en principe se limiter à acter cette prise d’acte en tant que telle. L’employeur n’est notamment pas tenu de délivrer une lettre de licenciement (Cass. Soc. 3 février 2010, n° 08-40.338). De plus, la prise d’acte de la rupture entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, de sorte que le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis (Cass. Soc. 26 mai 2010, 08-70.253).
En l’espèce, l’employeur a fait le choix de qualifier la prise d’acte de rupture en démission et, parallèlement, a dispensé le salarié de l’exécution de ce préavis. Arguant d’une faute lourde, l’employeur avait ensuite arrêté le paiement du préavis.
Sur ce point, c’est fort logiquement que la Cour d’Appel de Lyon a estimé que la rupture du préavis pour faute n’avait aucune incidence sur l’engagement qu’avait pris l’employeur de payer ce préavis sans contrepartie de travail. Selon les juges, « une indemnité compensatrice n’est pas la contrepartie des obligations dont le non respect a motivé la rupture anticipée du préavis ». Solution logique et tout à fait conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation qui considère qu’en cas de découverte ou de commission d’une faute grave au cours du préavis, l’indemnisation reste acquise au salarié dès lors qu’il a été dispensé, par son employeur, d’exécuter ce préavis (Cass. Soc. 9 mars 2000, n°97-45294).