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Droit de la Santé, sécurité au travail
par Sébastien Millet

Quand l’employeur se voit INTERDIRE une organisation du travail compromettant la santé et la sécurité des salariés


Par un jugement du 4 septembre 2012 appelé à faire grand bruit, le TGI de Lyon vient, sur saisine des organisations syndicales, d’interdire à une entreprise le recours à une organisation du travail fondée sur un système de gestion des performances du personnel intitulé « benchmark ».

Cette décision est une nouvelle déclinaison de la célèbre jurisprudence SNECMA (cf. Cass. Soc. 5 mars 2008) :

« Attendu qu’il résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, qu’il doit prévenir le risque et non intervenir a posteriori,

Attendu qu’il est de jurisprudence constante que l’obligation de sécurité qui repose sur l’employeur est une obligation de résultat,

Attendu que le juge peut interdire à l’employeur, nonobstant son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui ont pour objet de compromettre la santé de ses salariés, qu’ainsi le juge, après avoir fait le constat qu’une organisation du travail compromet la santé des salariés, peut intervenir pour interdire sa mise en œuvre (…) ».

Cette motivation, implacable, est une réponse à un système de management de l’humain jugé déviant, et qui consistait à organiser au sein du réseau commercial de l’entreprise une évaluation comparative et une mise en concurrence permanente non seulement entre les équipes mais également entre les salariés eux-mêmes, créant ainsi un climat de stress permanent et même, effet pervers, une incitation à ne pas respecter la réglementation professionnelle et à privilégier la performance au détriment de la qualité de service client.

Autant de constatations qui ont formé l’intime conviction du Juge sur la nécessité de faire primer l’effectivité du droit à la protection de la santé mentale des salariés sur tout autres considérations économiques ou juridiques (telles quel la liberté d’entreprendre par exemple).

Point intéressant à retenir, bien qu’assez classique, l’existence sur le papier de plans d’action et de dispositifs interne de prévention des risques dits psychosociaux n’a pas résisté face à la réalité des faits et au constat que cette organisation du travail compromettait intrinsèquement la santé mentale des salariés de manière suffisamment grave pour devoir être interdite.

La sanction est ainsi extrêmement sévère, puisque l’employeur se voit condamné à devoir repenser intégralement son mode d’organisation et de management (l’avenir dira quelles suites seront données à cette décision).

Une nouvelle forme d’action en justice tend ainsi à se développer, au plan collectif, en marge des nombreux contentieux individuels susceptible de naître dans ce type de situation.

Ainsi, les institutions représentatives du personnel peuvent agir en amont au stade du projet de mise en place d’une nouvelle organisation (cf. le contentieux des expertises du CHSCT en cas de « risque grave »), mais également en aval et obtenir la remise en cause de toute la politique d’organisation de l’entreprise.

Ce risque nouveau doit donc être bien intégré par les directions, tant la défiance semble s’organiser progressivement -y compris sur le plan juridique- à l’encontre de la recherche de performance.

Pourtant, la performance n’est pas critiquable en soi,  c’est même le but de toute entreprise. En fait, il faut éviter tout amalgame et ne pas confondre performance soutenable avec surperformance à tout prix.

Engager une réflexion sur les méthodes de management et l’organisation la plus adaptée pour parvenir à un rapport équilibré de l’homme à la performance au sein de l’entreprise est sans doute, face à la sévérité de l’obligation de résultat, une mesure de prévention primaire pertinente, bien plus aux yeux des tribunaux que peuvent l’être des mesures telles que la mise en place de chartes ou d’observatoires des RPS, qui, s’ils ont une utilité, relèvent de la « prévention » tertiaire.



Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

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