par Sébastien Millet
Obligation de transparence financière des comités d'entreprise : un profond changement culturel
Les chefs d’entreprise ou d’établissement qui président des comités d’entreprise (centraux, ou d’établissement) sont invités à prendre connaissance des nouvelles procédures issues de l’article 32 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle, l’emploi et la démocratie sociale, ainsi que de ses deux décrets d’application du 27 mars 2015 (publiés au JORF du 29 mars) concernant d’une part la certification des comptes des CE et des comités interentreprises (cf. décret en Conseil d’Etat n° 2015-357), et d’autre part, la transparence des comptes du CE (cf. décret simple n° 2015-358).
Il convient en effet d’anticiper les discussions qui vont inévitablement naître de ces nouvelles obligations.
Rappelons en synthèse que pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015, les CE doivent établir et arrêter des comptes annuels (éventuellement consolidés) dans le cadre d’une délibération annuelle spécifique.
Par dérogation, ce formalisme est allégé selon des seuils alignés sur ceux applicables aux entreprises :
- En-dessous d’un montant annuel de ressources inférieur ou égal à 153 000 euros, la tenue d’un livre comptable et d’un état simplifié annuel suffit (C. Trav., D2325-11 et 12 nouveaux) ;
- Au-delà, le seuil de présentation simplifiée de comptes et permettant au CE de n’enregistrer ses créances et dettes qu’à la clôture de l’exercice suppose de ne pas dépasser les chiffres pour au moins 2 des 3 critères suivants : 50 salariés à la clôture de l’exercice/ 3 100 000 euros de recettes/ 1 550 000 euros de bilan (cf. C. Trav., D2325-9 et 10 nouveaux). Dans ce cas, le CE doit désigner -et financer sur son budget de fonctionnement- un Expert-comptable pour assurer la mission de présentation des comptes (C. Trav., L2325-57).
Si ces chiffres sont dépassés sur au moins 2 des critères (= entreprises de taille plus importante), les obligations comptables sont applicables dans les conditions de droit commun, avec obligation de désigner deux Commissaires aux comptes (un CAC titulaire et un suppléant, tous deux distincts de ceux de l’entreprise). Les obligations relatives à la désignation du CAC sont différées au 1er janvier 2016 (cf. C. Trav., L2325-54 à venir). Par souci de simplification le dépassement de ces seuils (pour au moins 2 critères sur 3) déclenchera par ailleurs l’obligation de mettre en place une commission des marchés dont l’objet est de proposer au comité des critères pour le choix des fournisseurs et des prestataires et la procédure des achats de fournitures, de services et de travaux lorsque les marchés sont supérieurs à un montant de 30 000 euros (C. Trav., D2325-4-1).
Les CE devront en outre établir un rapport annuel de gestion présentant des informations qualitatives sur leurs activités et leur gestion financière (notamment dans le cadre des œuvres sociales), de nature à éclairer l’analyse des comptes par les membres élus composant la délégation salariale du comité et les salariés de l’entreprise. Le contenu obligatoire de ce rapport est variable selon le seuil dont relève le CE (cf. C. Trav. D2325-14 nouveau).
A noter également qu’un rapport spécial devra être établi (selon les cas, par le trésorier ou de commissaire aux comptes) sur les conventions passées directement ou indirectement par personne interposée entre le CE et l’un de ses membres (ce qui se rapproche des « conventions réglementées » dans les sociétés commerciales).
Rappelons que dans ce prolongement, le Commissaire aux comptes du CE –lorsque sa désignation est obligatoire- sera investi d’un droit d’alerte du secrétaire et du président du CE sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation du comité relevé lors de l’examen des documents communiqués, ou sur tout fait dont il aurait connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Les parties prenantes seront alors tenues de diligenter une procédure d’alerte, sous le contrôle de l’autorité judiciaire (Président du Tribunal de grande instance).
En bref, ces textes vont assurément conduire à faire évoluer les pratiques, avec de nouveaux sujets de discussion à la clé, tels que la désignation au poste stratégique de trésorier ; les heures passées en délégation ; l’audience des syndicats (et donc leur représentativité) à l’occasion des élections professionnelles.
Surtout, de nouveaux enjeux judiciaires se profilent en termes de responsabilité liée à d’éventuels actes anormaux de gestion ou d’abus …
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