XS
SM
MD
LG
XL
Droit du Travail
par Florent Dousset

La rupture conventionnelle : retour sur les dernières évolutions de la jurisprudence


Depuis la loi  n° 2008-596 du 25 juin 2008 « portant modernisation du marché du travail », l’employeur et le salarié souhaitant rompre un contrat de travail à durée indéterminée peuvent convenir d’une rupture amiable soumise à autorisation administrative : la rupture conventionnelle.

 

Ce mode de rupture a connu un franc succès, du fait de sa simplicité de mise en œuvre mais aussi grâce à une jurisprudence qui s’est montrée, au fil des années, très favorable.

 

Pourtant, la rupture conventionnelle avait suscité un certain nombre d’interrogations, notamment sur les droits des salariés durant la procédure, sur l’application ou non d’une protection de certains salariés ou encore sur l’existence d’un litige ou d’une procédure disciplinaire en cours. D’ailleurs, par voie de circulaires, l’administration du travail s’était montrée prudente, voire stricte, allant même jusqu’à considérer, dans un premier temps, qu’un salarié en arrêt maladie ne pouvait prétendre à ce dispositif.

 

A l’inverse, la jurisprudence a poursuivi une approche globalement favorable à la rupture conventionnelle, allant même parfois jusqu’à rendre des décisions très surprenantes. En tout état de cause, l’œuvre des juges permet aujourd’hui d’aborder la rupture conventionnelle de manière relativement sécurisée même s’il demeure constant qu’elle ne constitue pas une renonciation à tout recours. D’ailleurs, sur ce dernier point, il n’est plus possible de conclure une transaction portant sur la rupture conventionnelle.

 

Retour sur les dernières décisions en la matière.

 

 

1) La rupture conventionnelle : l’unique possibilité de rompre à l’amiable un contrat de travail à durée indéterminée

 

Jusqu’alors, il était possible de rompre amiablement un contrat de travail à durée indéterminée de deux manières différentes : la rupture amiable de « droit commun » et la rupture conventionnelle. En pratique, ce premier mode de rupture, non prévu par le code du travail, était toutefois peu utilisé et n’ouvrait pas droit, pour le salarié, au bénéfice de l’assurance chômage.

 

La situation a évolué puisque, désormais, la rupture d’un contrat à durée indéterminée par accord des parties ne peut intervenir que par le biais de la rupture conventionnelle (Cass. Soc. 15 octobre 2014, n°11-22251).

 

Dès lors, l’employeur et le salarié désirant rompre à l’amiable le contrat de travail devront nécessairement retenir la procédure de rupture conventionnelle. A défaut, la rupture pourra être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l’inobservation, par l’employeur, de la procédure de la rupture conventionnelle.

 

2) Information du salarié : l’employeur n’a pas l’obligation de l’informer de la possibilité de se faire assister lors de l’entretien

 

L’article L. 1237-12 du code du travail n’impose pas à l’employeur d’informer le salarié de la possibilité de se faire assister, mais prévoit seulement que « les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister (…) ».

 

Par le passé, certaines juridictions avaient pourtant estimé que cette information préalable de l’employeur garantissait la liberté du consentement du salarié et, qu’à défaut, la convention de rupture devait être annulée.

 

Mais selon la Cour de cassation (Cass. soc., 19 nov. 2014, n° 13-21.207) l’employeur n’est pas tenu d’informer le salarié de la possibilité de se faire assister lors du ou des entretiens de négociation de la rupture conventionnelle.

 

Cela dit et afin d’éviter toute difficulté, on ne peut ne recommander de maintenir le principe de cette information au salarié, surtout si l’employeur est à l’initiative de la procédure de rupture conventionnelle.

 
3) Validité d’une rupture conventionnelle signée à la suite de faits de harcèlement moral commis par l’employeur 

 

La Cour d’appel de Grenoble (CA Grenoble, ch. soc., section B, 8 janv. 2015, n° 13/02031) vient récemment de se prononcer sur la validité d’une rupture conventionnelle signée après des faits avérés de harcèlement moral imputables à l’employeur.

 

Il ressort de cette décision que le harcèlement moral subi par le salarié ne suffit pas à lui seul pour faire annuler une rupture conventionnelle si le salarié ne parvient pas à prouver qu’il a été contraint de signer la rupture conventionnelle du fait cette situation de harcèlement.

 

4) Protection des salariés dans le cadre de la rupture conventionnelle 

 

Une circulaire n°2009-04 du 17 mars 2009 de la DGT concluait à l’inapplicabilité de la rupture conventionnelle aux salariés bénéficiant d’un statut protecteur, comme cela peut être le cas pour le licenciement d’un salarié en arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou pour un congé maternité.

 

Contrairement à l’administration du travail, la Cour de cassation a validé les ruptures conventionnelles conclues avec un salarié durant la suspension de son contrat de travail en raison d’un accident du travail (Cass. Soc. 30 sept. 2014, n° 13-16297) et durant un congé maternité (Cass. Soc, 25 mars 2015, n°14-10149).

 

Suite à ces deux décisions, il est donc désormais possible de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié en arrêt maladie ou en congé maternité, dès lors qu’aucune contrainte n’a été exercée sur le salarié.

 

5) Validité d’une rupture conventionnelle liée aux difficultés économiques d’une entreprise

 

Autre décision de la Cour de cassation (Cass soc. 29 octobre 2014, n°13-11542), mais moins surprenante cette fois-ci, les juges valident le recours à la rupture conventionnelle par l’employeur en raison des difficultés économiques de son entreprise. Sauf à rapporter la preuve d’un détournement de la procédure de licenciement économique ou d’une contrainte sur le salarié, la rupture conventionnelle est donc valable.

 

6) Mise au point sur l’articulation entre les procédures de rupture conventionnelle et de licenciement

 

Un employeur qui envisage la mise en œuvre d’une procédure de licenciement peut parfois proposer au salarié une solution alternative dans le cadre d’une rupture conventionnelle. Ce mode opératoire n’est pas interdit dès lors que le consentement du salarié demeure libre. Pour autant, en cas de rétractation du salarié dans le cadre de la procédure de rupture conventionnelle, se pose la question de l’engagement ou de la poursuite de la procédure de licenciement, ce qui peut poser certaines difficultés.

 

Dans trois arrêts du 3 mars 2015 (Cass. soc., 3 mars 2015, n° 13-15.551 ; n° 13-23-348 et n° 13-20.549), la Cour de cassation est venue préciser les possibilités offertes à un employeur qui souhaiterait engager une procédure de licenciement suite à la rétractation de l’accord du salarié  dans le cadre de la rupture conventionnelle.

 

1er cas : l’employeur, antérieurement à la conclusion d’une rupture conventionnelle avec son salarié, a engagé une procédure de licenciement jusqu’à l’entretien préalable. Si le salarié se rétracte de la rupture conventionnelle, le délai de prescription de deux mois pour engager une procédure licenciement pour faute ne part pas à compter de la date à laquelle l’employeur a eu connaissance des faits mais  à compter de la date à laquelle l’entretien préalable a été effectué.

 

2ème cas : l’employeur n’a engagé aucune mesure disciplinaire contre son salarié avant de signer avec lui une rupture conventionnelle. La rétractation de ce dernier oblige alors l’employeur désirant engager une procédure de licenciement à respecter le délai de prescription de deux mois à compter, cette fois-ci, du jour où il a eu connaissance des faits reprochés.

 

La prudence doit donc inciter les employeurs, en cas de rupture conventionnelle et de rétractation du salarié, à engager malgré tout la procédure de licenciement pour ne pas se voir opposer les délais de prescription des faits fautifs.

 

 

En définitive, la tendance jurisprudentielle déjà bien marquée tendant à faciliter la mise en œuvre de la rupture conventionnelle ne fait que se confirmer.

 

En donnant du sens à l’accord des parties et en évacuant la protection de certains salariés, la rupture conventionnelle fait aujourd’hui figure d’exception dans notre droit du travail, qui, traditionnellement, limite  l’accord des parties en raison de l’état de subordination du salarié vis-à-vis de son employeur.

 

Pour en savoir sur la rupture conventionnelle, consultez nos autres articles sur ce thème :

 

 

Florent DOUSSET

Avocat associé – spécialiste en droit du travail

 

Adrien SIMONOT

Juriste

 

 



Florent Dousset

Avocat associé, Lyon

Spécialisé en droit du travail et en droit du sport, Florent DOUSSET dispose d'une expérience et d'une expertise reconnues dans le secteur du sport et des loisirs, en tant que conseil de fédérations sportives, ligues professionnelles, syndicats d'employeurs, clubs sportifs, etc...

Contactez nous

Obtenez le meilleur conseil
en droit du travail pour votre entreprise

Obtenir du conseil

Confidentialité et réactivité
Nos avocats interviennent partout en France