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Droit du Travail
par Sébastien Millet

La nouvelle négociation sur la qualité de vie au travail (QVT) : plus qu'une obligation, une opportunité à saisir


En plus de permettre à l’entreprise d’agir sur la prévention à la source des RPS pour le pas en subir les manifestations, la démarche QVT a l’immense mérite de favoriser l’adaptation aux mutations du travail actuelle, à savoir la mutation des organisations, la digitalisation du travail (« salariat 2.0. ») et la mutation des relations sociales collectives.

Accompagner le changement auprès des salariés tout en favorisant la performance économique de l’entreprise et l’innovation technologique -et sociale- constitue un défi majeur.

La QVT mérite d’être inscrite au cœur de la stratégie globale (économique et sociale) de l’entreprise, et les dirigeants sociaux doivent être convaincus de son retour sur investissement.

Cela d’autant plus que le travail sur la QVT et la mise en place d’un plan d’action systémique contenant des mesures concrètes d’amélioration des conditions de travail peut intervenir à budget constant, à une époque où les entreprises disposent de marges financières réduites.

Tous les acteurs (direction, partenaires sociaux et salariés) ne peuvent que sortir gagnants-gagnants de cette démarche à vocation partenariale.

L’idée est de permettre par ce canal de sortir du piège actuel lié au mal-être et à la souffrance au travail.

Pour l’employeur, être à l’initiative sur ce terrain permet de redonner du sens, en repositionnant l’individuel et le collectif au sein de l’organisation.

 

Si le « pourquoi ? » devrait faire largement consensus, reste la question du « comment ? »

Au préalable, cela suppose une capacité et une volonté de l’entreprise d’accepter de faire le bilan de ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas (organisation, valeurs, management, etc.).

Sur ce point, le cadre juridique évolue : jusqu’au 31 décembre 2015, les entreprises pourront encore s’engager à titre expérimental dans la négociation unique sur la QVT (qui nécessite un accord majoritaire des organisations syndicales et peut alors venir dispenser l’entreprise d’engager la NAO sur ce thème pendant 3 ans maximum, jusqu’à la première échéance de l’accord).

A compter du 1er janvier 2016, il n’y aura plus de libre initiative pour les entreprises dotées de délégués syndicaux. Conséquence de la loi Rebsamen n° 2015-994 du 17 août 2015, qui promeut un dialogue social plus stratégique dans les entreprises, la négociation obligatoire en entreprise se scindera en 3 blocs, le second portant sur l’obligation de négocier chaque année –périodicité qui pourra être toutefois portée à 3 ans par accord majoritaire- sur l’égalité professionnelle hommes/ femmes et la QVT (ces deux thématique étant intimement liées depuis l’ANI du 19 juin 2013).

Cette nouvelle négociation devra aborder plusieurs sous-thèmes, à savoir (cf. C. Trav. , L2242-8 différé):

  1. L’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle pour les salariés ;
  2. Les objectifs et les mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (pas uniquement en matière d’écarts de rémunération : conditions de travail, mixité des emplois, parcours professionnel, etc.) ;
  3. Les mesures permettant de lutter contre toute discrimination en matière de recrutement, d’emploi et d’accès à la formation professionnelle ;
  4. Les mesures relatives à l’insertion professionnelle et au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ;
  5. Les modalités de définition d’un régime complémentaire en matière de prévoyance et de frais de santé (dans des conditions au moins aussi favorables que celles du « panier de soins » minimum généralisé au 1er janvier 2016) ;
  6. L’exercice du droit d’expression directe et collective des salariés. Ce dispositif (peu répandu bien que soumis à négociation obligatoire), est essentiel du point de vue de la conduite du projet QVT ;
  7. Enfin, la loi prévoit qu’à titre complémentaire et facultatif, cette négociation pourra porter également sur la prévention de la pénibilité (lorsque l’entreprise entre dans le champ du dispositif de manière obligatoire sous peine d’une pénalité – cf. C. Trav., L2242-12 différé et L4163-3).

 

Cela recoupe pour partie la nouvelle consultation annuelle obligatoire du CE sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

Derrière ces contraintes apparentes se situe en réalité une véritable opportunité RH qui sera au cœur des évolutions sociales des années à venir.

Il ne s’agit pas d’un cadre restrictif ; les thèmes de négociation annuelle pourront être enrichis afin de permettre aux entreprises de continuer à expérimenter et d’innover.

L’enjeu est de définir, après réalisation d’un diagnostic partagé (de préférence), des mesures réalistes et concrètes, adaptées aux besoins propres de chaque entreprise et de sa stratégie.

Dans le droit fil des évolutions récentes du droit des relations collectives de travail, il s’agit d’une approche dynamique de moyen/ long terme, qui nécessite comme toute démarche d’amélioration continue de se fixer des objectifs et des indicateurs d’évaluation et de suivi par la direction générale, qui en restera le pilote.

Sans tomber dans l’utopie, il est permis d’entrevoir la perspective de développer, avec la refonte parallèle du fonctionnement des instances représentatives du personnel, de nouvelles relations direction/ représentants, moins basées sur des rapports d’opposition et plus constructives, fondées sur la coresponsabilité.



Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

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