par Arnaud Pilloix
Restructuration : le pragmatisme du Conseil d’état sur les PSE suivant un plan de continuation
Dans un arrêt du 21 octobre 2015 (n° 382633), le Conseil d’Etat est venu valider l’homologation d’un PSE suivant un plan de cession dans le cadre d’une liquidation judiciaire.
- Rappel des faits et procédures :
Aux termes des articles L 642-5 et R 642-3 du Code de commerce, le Jugement arrêtant le plan de cession doit indiquer le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités ou catégories professionnelles concernées.
Une société était placée en liquidation judiciaire avec un plan de cession arrêté par le Tribunal de commerce de Bobigny. Un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est alors mis en œuvre par l’administrateur. Le PSE est homologué par le directeur régional de la DIRECCTE d’Ile de France.
Cependant, une demande en annulation du PSE pour excès de pouvoir a été formulée devant le Tribunal administratif de Montreuil qui y a fait droit. Par une décision du 13 mai 2014, la cour d’appel de Versailles a annulé ce Jugement.
Le Conseil d’état s’est donc prononcé sur différents arguments soulevés par les demandeurs quant à la régularité de la procédure d’information et de consultation, ainsi que sur les catégories professionnelles.
- Sur l’irrégularité de la procédure d’information et de consultation (expert-comptable) :
Lorsque l’assistance d’un expert-comptable a été demandée selon les modalités prévues par l’article L. 1233-34 du code du travail, l’administration doit s’assurer que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d’entreprise de formuler ses avis en toute connaissance de cause.
En l’espèce, l’administrateur judiciaire désigné dans le cadre d’une procédure de liquidation avait refusé de prendre à sa charge l’assistance d’un expert-comptable et, par suite, la délégation unique du personnel ne pouvait pas, en principe, être regardée comme ayant été mise à même de formuler ses avis en toute connaissance de cause.
Cependant, dès lors que le plan de cession et le nombre des licenciements avaient déjà été arrêtés par le tribunal de commerce dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, que la délégation unique du personnel a désigné à ses frais un expert-comptable qui a été associé à la procédure, et que la circonstance que celui-ci n’avait pas été pris en charge par l’administrateur judiciaire ne l’a pas empêché d’exercer utilement sa mission et, en particulier, n’a pas fait obstacle à ce qu’il dispose des documents nécessaires à cette fin, le refus de l’administrateur judiciaire ne peut être regardé comme ayant été, en l’espèce, de nature à empêcher la délégation unique du personnel de formuler ses avis en toute connaissance de cause.
- Sur l’irrégularité de la procédure d’information et de consultation (présence d’un avocat) :
Les demandeurs soutenaient que la présence d’un avocat lors de deux réunions aurait entaché d’irrégularité la procédure d’information et de consultation de la délégation unique de personnel.
Le CE a rejeté cet argument : « que les demandeurs ne sont pas fondés à soutenir que la présence de l’avocat de l’administrateur judiciaire lors des réunions des 15 et 18 juillet 2013 aurait entaché d’irrégularité la procédure d’information et de consultation de la délégation unique du personnel dès lors qu’il n’est ni établi ni même allégué que cette présence a pu exercer une influence sur les membres de la délégation. »
Il est néanmoins préférable d’obtenir l’accord de la délégation unique du personnel en début de séance pour éviter tout litige sur ce point.
- Sur l’irrégularité de la procédure d’information et de consultation (ordre du jour) :
Le Conseil d’état rappelle l’ordre du jour peut être établi par l’employeur « dès lors que la consultation de la délégation unique du personnel sur le projet de licenciement collectif pour motif économique devait être inscrite de plein droit à l’ordre du jour de cette réunion », au visa des articles L.2325-15 et L.1233-30 du Code du travail.
- Sur la question des catégories professionnelles :
Sur la délicate question des catégories professionnelles, les demandeurs vont contester la décision de validation du PSE en considérant comme mal fondé la définition des catégories professionnelles.
Cette définition étant celle reprise par le document unilatéral de l’employeur et qui figurait dans le Jugement arrêtant le plan de cession, conformément à l’article R.642-3 du Code du commerce.
Le Conseil d’Etat va alors couper court à cette question par un attendu dénué de toute ambiguïté : « les catégories professionnelles déterminées par le jugement qui arrête le plan de cession et fixe le nombre de licenciements s’imposent au liquidateur ou à l’administrateur judiciaire pour le choix des salariés à licencier, ainsi qu’à l’autorité administrative chargée d’homologuer le document unilatéral de l’employeur déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi. »
Cette solution pragmatique semble opportune, tant il serait apparu compliqué d’appliquer des catégories professionnelles différentes entre le Jugement arrêtant le plan de cession et le PSE.
Aussi, dès lors que le document unilatéral reprend les catégories professionnelles figurant dans le jugement arrêtant le plan de cession, il n’est plus possible de remettre en cause la décision d’homologation du PSE sur ce point.
liquidation judiciaire • plan de sauvegarde de l'emploi • PSE • restructurations