par Lucie Jechoux
Sécuriser les conventions de forfait annuel en jours au niveau de l’entreprise
La mise en place de conventions individuelles de forfait en jours sur l’année suppose l’identification des salariés concernés (cadres autonomes et salariés autonomes dont la durée du temps de travail ne peut pas être prédéterminée du fait de leur emploi) et l’existence d’un accord collectif (d’entreprise, d’établissement ou de branche) préalable et valable.
C’est sur second aspect que de nombreuses conventions individuelles de forfait se sont vues retoquées, du fait d’accords de branche non conformes aux exigences du Code du travail et de la jurisprudence (SYNTEC, convention collective nationale des experts-comptables, convention collective nationale du commerce de gros etc).
Conséquence : les salariés employés en convention de forfait annuel en jours sur la base d’un accord collectif invalide sont bien-fondés à solliciter le paiement d’heures supplémentaires (sur 3 ans), voire une indemnité pour travail dissimulé, des dommages et intérêts, et même à prendre acte de la rupture du contrat de leur contrat de travail.
En réponse, et afin de garantir la poursuite de relations contractuelles aussi risquées pour l’entreprise, la « Loi travail » du 9 août 2016 offre la possibilité de « sauver » les conventions individuelles de forfait conclues sur la base d’accord collectif non conforme aux garanties exigées.
De ce fait, les conventions individuelles passées en vertu d’un accord collectif invalidé pourront rester valables sous certaines conditions prévues à l’article L.3121-65 du Code du travail.
En pratique, l’employeur doit prendre les mesures suivantes pour sécuriser les conventions individuelles concernées :
- Etablir un document de contrôle du nombre de jours travaillés dans l’année ;
- S’assurer que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect de temps de repos (quotidiens et hebdomadaires) ;
- Organiser a minima un entretien par an afin d’évoquer notamment sa rémunération, sa charge de travail, l’organisation de son travail, la compatibilité entre temps de travail et vie privée ;
- Communiquer sur le thème du droit à déconnexion.
Sous réserve de la mise en place de ces mesures, il est ainsi possible de « sauver » des conventions individuelles déjà conclues mais aussi de conclure de nouvelles conventions individuelles de forfait malgré l’existence d’accords collectifs non valides.
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Attention : ce dispositif « béquille » ne permet de sauver que les accords individuels conclus sur la base d’accords de branche ou d’entreprise ne respectant pas les dispositions de l’article L.3121-64 1° à 3°. La violation d’autres dispositions que celles-ci ne peut pas être couverte au niveau individuel.
Concrètement, il n’est donc possible de pallier que les lacunes des accords collectif concernant l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié, les entretiens individuels annuels et le droit à la déconnexion.
Dans l’hypothèse où la non-conformité de l’accord de branche porte sur une autre exigence, il sera nécessaire de conclure un accord d’entreprise sur le thème de forfait annuel en jours avant de pouvoir conclure des conventions individuelles de forfait en jours valables. Il s’agit par exemple du cas de la Convention collective nationale des industries chimiques, qui ne prévoit pas le nombre de jours travaillés par les salariés au forfait.
Pour ce faire, il sera possible de négocier un accord d’entreprise avec :
- les délégués syndicaux présents dans l’entreprise ;
- ou à défaut avec des salariés mandatés par une organisation syndicale ;
- ou à défaut des élus non mandatés représentants la majorité des délégués du personnel titulaires.
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