par Arnaud Pilloix
Licenciement : quid du préavis en cas de suspension du permis de conduire ?
De nombreux emplois nécessitent d’être en possession du permis de conduire.
En cas de retrait ou de suspension de leur permis de conduire, les salariés occupés à ces fonctions peuvent être empêchés d’exercer leur prestation de travail pour une certaine durée.
Telle était la situation dans laquelle s’est retrouvé un salarié technicien d’intervention qui avait été licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, il avait saisi le Conseil de prud’hommes et réclamait, outre une indemnité pour licenciement abusif, le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis.
Le Conseil de Prud’hommes avait déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais avait néanmoins fait droit au salarié de sa demande en paiement de l’indemnité compensatrice de préavis.
Sans surprise, la Cour d’appel a confirmé le caractère réel et sérieux du licenciement.
Elle constatait en effet que l’infraction d’excès de vitesse du salarié avait été commise pendant le temps de travail et alors que le salarié avait déjà fait l’objet d’un avertissement des suites d’une même infraction.
La Cour d’appel faisait ainsi application d’une jurisprudence bien établie selon laquelle les faits constitutifs d’une infraction commis pendant le temps de travail par un salarié, par nature répréhensibles au regard des règles de discipline et du Code de la route, peuvent être invoqués pour justifier le licenciement disciplinaire d’un salarié, y compris pour faute grave (Cass, Soc, 15 décembre 2016, n°15-21.749).
Cependant, la Cour d’appel infirmait le jugement du Conseil de Prud’hommes et déboutait le salarié de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis au regard de son incapacité à l’exécuter par suite de la suspension de son permis de conduire.
Devant la Cour de cassation, le salarié reprochait à la Cour d’appel de l’avoir débouté de sa demande de préavis aux motifs :
- Que seul le licenciement pour faute grave pouvait le priver de son droit à préavis ou indemnité compensatrice, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
- Que l’employeur est tenu au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis lorsque l’impossibilité d’exécuter le préavis n’est pas le fait du salarié.Or, en l’espèce, le salarié estimait qu’en refusant de le reclasser temporairement sur un poste de mécanicien atelier, comme il l’avait fait lors de sa première suspension de permis de conduire, son employeur l’avait placé dans l’impossibilité d’exécuter son préavis qui lui était reprochée.
Dans son arrêt du 28 février 2018, la Chambre sociale de la Cour de cassation, rejoignant la position de la Cour d’appel, n’a pas suivi ce raisonnement.
En effet, elle a considéré qu’en raison de la nécessité du permis de conduire pour l’exercice de l’activité professionnelle du salarié, celui-ci se trouvait, suite à son retrait, dans l’impossibilité d’exécuter sa prestation de travail, y compris pendant la période de préavis.
Dès lors, elle estime que l’employeur n’avait pas à verser au salarié une indemnité compensatrice de préavis.
Il s’agit d’une nouvelle illustration du principe selon lequel le salarié n’a pas droit à l’indemnité compensatrice de préavis lorsqu’il est dans l’incapacité d’exécuter ledit préavis, en raison par exemple d’une incarcération ou encore d’une maladie non professionnelle (Soc. 28 sept. 2004, no 02-40.471).
En outre, la Cour de cassation confirme dans cet arrêt sa jurisprudence relative à l’impossibilité d’exécuter le préavis en raison d’une suspension ou d’un retrait du permis de conduire (Soc. 19 nov. 1980, 79-40.294), en rappelant au passage que l’employeur n’a pas, dans cette hypothèse, l’obligation de reclasser le salarié durant la suspension de son permis.
Arnaud PILLOIX assisté de Guillaume CIANCIA