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Droit du Travail
par Arnaud Pilloix

Loi PACTE et épargne salariale : quels leviers pour les entreprises ?


Impacts de la loi PACTE sur l’épargne salariale

Le projet de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (dite loi « PACTE ») a été définitivement adoptée par l’Assemblée nationale le 11 avril 2019.

Néanmoins, le 16 avril 2019, 60 députés et 60 sénateurs ont saisi le Conseil Constitutionnel qui devra se prononcer sur la constitutionnalité des nouvelles dispositions, retardant ainsi la publication, et donc de facto l’entrée en vigueur de la loi.

Les objectifs généraux de la loi PACTE

Dans un communiqué de presse du 18 juin 2018, le Conseil des ministres exposait les objectifs de la loi qui sont d’une part « faire grandir les entreprises pour qu’elles créent plus d’emplois » et d’autre part, « redéfinir la place de l’entreprise dans la société afin de mieux associer les salariés ».

La loi se découpe en trois volets pour « des entreprises libérées, des entreprises plus innovantes, des entreprises plus justes. »

C’est dans le chapitre III intitulé « Des entreprises plus justes » que se trouvent les apports de la loi PACTE en matière d’intéressement, de participation et d’épargne salariale (Section 1 : « Mieux partager la valeur »).

Ce dernier volet a en effet pour but de redéfinir « la place de l’entreprise dans la société en affirmant son rôle social et environnemental et d’associer plus fortement les salariés aux résultats et à l’actionnariat de leur entreprise. Le forfait social est ainsi supprimé sur les accords d’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés, ainsi que sur la participation et les abondements employeurs pour les entreprises de moins de 50 salariés, afin d’encourager l’épargne salariale. Des accords « clés en mains » d’intéressement et de participation négociés au niveau de la branche seront accessibles en ligne. Afin de stimuler l’actionnariat salarié, le forfait social sur les abondements employeurs de fonds d’actionnariat salarié est réduit de moitié. » (Communiqué de presse du Conseil des ministres, 18 juin 2018).

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La loi PACTE modifie ainsi diverses dispositions relatives à l’intéressement, à la participation et au plan d’épargne d’entreprise.

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Les prémices de promotion de l’épargne salariale avant la loi PACTE

Avant la loi PACTE des mesures tendant à encourager la mise en place de dispositifs d’épargne salariale ont été introduits par la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, entrée en vigueur le 1er janvier 2019.

L’article 16 de la LFSS pour 2019 supprime le forfait social pour tous les dispositifs d’épargne salariale (participation, intéressement et abondements) dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Est également supprimé le forfait social pour les sommes versées au titre de l’intéressement pour les entreprises ayant un effectif compris entre 50 et 250 salariés.

Parallèlement, la loi PACTE a poursuivi ce mouvement en abaissant le forfait social à hauteur de 10% contre 20% auparavant concernant les abondements employeurs dans l’actionnariat salarié dans les entreprises de plus de 50 salariés.

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Extension du champ des bénéficiaires des dispositifs d’épargne salariale

La loi PACTE étend le bénéfice des dispositifs d’épargne salariale au partenaire du chef d’entreprise lié par un PACS ayant le statut de conjoint collaborateur ou associé.

Ainsi sont modifiés les articles L3312-3 (pour l’intéressement), L3323-6 et L3324-2 (pour la participation), L3332-2 du Code du travail (pour le plan d’épargne d’entreprise).

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Accords « clés en main »

La loi PACTE introduit une obligation de négocier au niveau de chaque branche d’activité  avant le 31 décembre 2020 des accords d’intéressement, de participation ou de plan d’épargne interentreprises adaptés aux spécificités des entreprises inférieures à 50 salariés afin qu’à défaut de conclusion de tels accords au sein de ces entreprises, les accords de branche soient directement applicables.

Cette disposition a pour but de promouvoir dans les PME de moins de 50 salariés  les dispositifs d’épargne salariale.

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  • Dispositif d’intéressement

L’intéressement est un dispositif légal pouvant être mis en place au sein des entreprises par accord collectif ou décision unilatérale de l’employeur.

Son but est d’intéresser les salariés aux résultats de l’entreprise. En ce sens, il constitue une rémunération différée pour le salarié qui en bénéficie.

Si ce dispositif est facultatif et doit présenter un caractère aléatoire, à la différence du dispositif de participation (voir supra), les dispositions de la loi PACTE tendent à rapprocher le régime juridique des deux dispositifs.

  • Hausse du plafond individuel de la prime d’intéressement 

La loi modifie l’article L3314-8 du code du travail qui prévoyait un plafond à hauteur de la moitié du plafond annuel de sécurité sociale (PASS) pour les primes versées à chaque bénéficiaire.

Désormais, le montant des primes distribuées à un même bénéficiaire ne doit pas dépasser les trois quarts du PASS.

Cette modification a pour effet d’aligner le plafond individuel des primes d’intéressement à celui des droits versés en matière de participation fixé à l’article D3324-12 du Code du travail.

  • Hausse du plafond d’exonérations fiscales

Les exonérations fiscales sur l’impôt sur le revenu, les bénéfices non commerciaux et bénéfices industriels et commerciaux prévues par les articles L3315-2 et L3315-3 du Code du travail sont applicables dans la limite des ¾ du PASS (contre la moitié du PASS auparavant).

  • Survie de l’accord d’intéressement à la modification de la situation juridique de l’entreprise

La loi modifie l’article L3313-4 du code du travail : en cas de modification de la situation juridique de l’entreprise, l’accord d’intéressement se poursuit ou peut être renouvelé selon l’une des modalités de L3312-5 du Code du travail.

  • Contrôle de l’autorité administrative précisé

La loi PACTE vient préciser les modalités de contrôle de l’Administration et l’effet de ce contrôle sur les exonérations applicables en matière d’intéressement. L’article L3313-3 est complété par deux alinéas :

Les exonérations dont peuvent bénéficier les entreprises mettant en place un accord d’intéressement conformément aux formalités prescrites par la loi (L3312-4, L3315-1 à -3 du Code du travail) sont réputées acquises pour toute la durée de l’accord en l’absence d’observation de l’Administration dans le délai de 4 mois à compter du dépôt de l’accord prévu à l’article L3345-2 du Code du travail.

En revanche, celle-ci dispose désormais d’un délai de deux mois supplémentaires pour formuler des demandes de modification de l’accord à l’issue duquel les exonérations seront définitivement acquises.

  • Répartition des reliquats d’intéressement

Par l’ajout d’un article L3314-11 au Code du travail, la loi instaure la possibilité de répartir entre l’ensemble des bénéficiaires les sommes non distribuées en raison du dépassement des plafonds légaux.

  • Nouveau dispositif d’intéressement

 La loi nouvelle ajoute un alinéa à l’article L3312-6 du Code du travail : en présence d’un accord d’intéressement existant, l’accord peut comporter un intéressement de projet définissant un objectif commun à tout ou parties des salariés de l’entreprise.

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  • Dispositif de participation

La participation a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l’entreprise. Elle constitue une rémunération différée calculée en fonction du bénéfice net de l’entreprise constituant la réserve spéciale de participation.

La participation est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés.

  • Modification des règles de franchissement des seuils

La loi PACTE a pour objet de modifier les seuils d’effectif, plus précisément elle modifie les règles d’effectif et de franchissement des seuils dont les modalités sont fixées à l’article L130-1 du Code de la Sécurité sociale.

Cet apport a impacté l’obligation de mise en place d’un accord de participationet modifie l’article L3322-2 du Code du travail.

La mise en place d’un accord de participation ne sera obligatoire qu’à compter du premier exercice suivant le franchissement par  l’effectif de l’entreprise ou de l’UES de plus de 50 salariés pendant 5 années consécutives (contre 12 mois consécutifs auparavant).

Si cette règle a pour finalité initiale d’atténuer les « effets de seuils » qui rendent la gestion des obligations des entreprises en matière sociale difficile, pour la mise en place de la participation, l’application de cette nouvelle règle des 5 années consécutives risqued’empêcher la mise en place effective du dispositif de participation. Cette nouvelle règle pourrait donc avoir l’effet inverse que celui escompté, ne favorisant pas forcément l’épargne salariale dans les PME.

  • Réduction du plafond de la réserve spéciale de participation

La loi PACTE modifie l’article D3324-10 du Code du travail qui fixe le plafond du salaire (total des rémunérations perçues sur l’exercice) servant de base à la répartition proportionnelle de la réserve spéciale de participation.

Ce plafond, qui était de 4 PASS est désormais fixé à 3 PASS.

Il doit être précisé que la loi prévoit que cette modification revêt un caractère expérimental car le Gouvernement devra dans un délai maximum de trois ans à compter de la promulgation de la loi, communiquer au Parlement « un rapport évaluant les effets économiques de la réduction du plafond […] et l’opportunité d’une nouvelle réduction de ce plafond » à 2 PASS.

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  • Plan d’épargne d’entreprise

Le plan d’épargne salariale est un système d’épargne collectif permettant aux salariés de l’entreprise de participer à la constitution d’un portefeuille de valeurs mobilières.

  • Possibilité de libérer des sommes versées sur le PEE pour l’achat de parts de l’entreprise

La loi PACTE modifie l’article L3332-25 du Code du travail ajoutant ainsi la possibilité d’utiliser les sommes épargnées à l’achat de parts de l’entreprise.

Cet apport a pour finalité de favoriser l’actionnariat salarié en associant l’épargne salariale à la possibilité pour les salariés d’investir dans l’entreprise.

  • Possibilité, en cas de transfert d’entreprise, de poursuite du PEE chez le nouvel employeur

La loi PACTE modifie l’article L3335-1 du Code du travail comme suit :

« En cas de modification survenue dans la situation juridique d’une entreprise ayant mis en place un plan d’épargne d’entreprise […], et lorsqu’elle rend impossible la poursuite de l’ancien PEE, les sommes qui y étaient affectées peuvent être transférées dans le PEE de la nouvelle entreprise après information des représentants du personnel […] ».

La modification de cette disposition remet en cause la jurisprudence de la Cour de cassation qui interprétait le texte de la manière suivante :

« qu’il en résulte qu’en cas de transfert d’un salarié au sens de l’article L. 1224-1 du code du travail, celui-ci, s’il conserve ses droits au sein du plan d’épargne d’entreprise mis en place par l’employeur sortant, dispose seulement de la faculté de transférer ses avoirs au sein du plan d’épargne d’entreprise, s’il existe, de son nouvel employeur ; » (Cass.soc.19 mai 2016 n°14.29786)

Désormais, ce n’est qu’en cas d’impossibilité de poursuite du PEE en raison de la modification de la situation juridique de l’entreprise, que les sommes seront transférées sur le PEE de la nouvelle entreprise. Si la poursuite du PEE demeure possible, alors le transfert sur le nouveau PEE n’est pas utile, le salarié peut préserver ses droits sur le PEE initial.

  • Accompagnement des salariés dans l’utilisation du PEE

Le règlement du PEE devra désormais prévoir les modalités d’une aide à la décision des bénéficiaires du plan (modification de l’article L3332-7 du Code du travail).

Cette disposition s’inscrit dans la volonté de faciliter l’utilisation et la mise en œuvre du dispositif de plan d’épargne d’entreprise pour les bénéficiaires (salariés et autres).

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La loi PACTE s’inscrit ainsi dans une volonté de promouvoir l’épargne salariale et l’intéressement des salariés dans l’entreprise.

Arnaud PILLOIX, assisté de Léa CASSAGNE


Arnaud Pilloix

Avocat associé, Bordeaux

Passionné par ce métier captivant et soucieux d'apporter aux clients une approche innovante, nous avons créé le cabinet ELLIPSE AVOCATS en 2010 avec Arnaud RIMBERT et Sébastien MILLET. Conseiller au quotidien les dirigeants et DRH avec une équipe dynamique & disponible dans un cadre de travail confortable et bienveillant. Cette philosophie guide nos choix au quotidien pour apporter des solutions pragmatiques. A titre plus personnel, après un parcours universitaire en France et en Angleterre tourné vers le droit des affaires, c'est en droit du travail et des relations sociales que j'ai toujours exercé la profession d'avocat, ce qui me permet de plaider, d'auditer, de restructurer et de conseiller au quotidien nos clients. Cette diversité permet d'assouvir ma curiosité et de croiser chaque jour des profils, des domaines d'activité et des projets multiples et variés pour toujours se renouveler, et surtout ne jamais avoir de certitude. Et enfin et surtout des moments de déconnexion indispensables pour trouver l'équilibre, sur une planche de surf et dans ma vie de famille.

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