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Droit du Travail
par Lucie Jechoux

Employeurs, soyez rigoureux sur la fixation des objectifs de vos salariés !


La Cour de cassation a récemment effectué un sérieux rappel à l’ordre aux employeurs sur les règles applicables à la fixation et au suivi des objectifs.

 

Un salarié est embauché en 2013 en tant que responsable régional des ventes. Le contrat de travail prévoit que sa rémunération comprend une partie fixe et une partie variable. Une annexe au contrat détaille la structure de cette rémunération variable, conditionnée à la réalisation d’objectifs. Cette annexe précise également les objectifs à atteindre pour l’année 2013. Aucun objectif n’a ensuite été fixé pour les années 2014 et 2015. En 2016, le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, au motif qu’il aurait dû percevoir la totalité de sa rémunération variable de 2013 à 2015. Le conseil de prud’hommes requalifie la prise d’acte en démission, mais ce jugement est ensuite infirmé par la cour d’appel, qui fait produire à la prise d’acte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Deux questions se posent :

  • Sur qui repose la charge de la preuve de ce que la rémunération variable est due ?
  • L’absence de fixation des objectifs ou leur caractère non réalisable, constituent-ils un manquement suffisamment grave de   l’employeur pouvant justifier une prise d’acte ?

1- Sur la preuve de l’existence de la créance de rémunération variable

La Cour fonde sa réponse sur l’article 1315, devenu 1353, du code civil, disposant que « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

Elle en déduit les conséquences suivantes :

  • Il appartient à l’employeur de prouver que les objectifs fixés au titre de l’année 2013 étaient réalisables. Il ne le démontre pas : la rémunération variable est donc due pour l’année 2013.
  • Les objectifs ayant été fixés pour la seule année 2013, en l’absence d’objectifs fixés pour 2014 et pour, la rémunération variable est due également pour ces deux années.

La Cour réaffirme ici sa jurisprudence existante (Soc., 24 octobre 2012, pourvoi n° 11-23.843), en faisant peser la charge de la preuve du caractère réalisable des objectifs sur l’employeur. Si cela ne surprend pas, dans la mesure où il est le seul à disposer de tous les éléments permettant de les fixer, la sanction qui en découle est rude.

2- Sur la justification de la prise d’acte

La Cour de cassation valide la décision de la cour d’appel, considérant que l’absence de caractère réalisable des objectifs, puis l’absence même de fixation, privant le salarié de sa rémunération variable, constituent des manquements de l’employeur justifiant la prise d’acte de la rupture.

La chambre sociale avait déjà admis en 2011 que le défaut de fixation des objectifs justifiait la prise d’acte (Soc. 29 juin 2011, n° 09-65.710). Elle consolide par le présent arrêt sa jurisprudence : peu importe la raison pour laquelle le salarié a été privé de sa rémunération variable, cette seule privation, dès lors qu’elle n’avait pas lieu d’être, suffit à caractériser la prise d’acte.

L’on peut s’étonner du faible contrôle exercé par la Cour de cassation :

D’une part, elle ne prend pas en compte le motif du non-paiement de la rémunération variable. Or, la notion « d’objectifs réalisables », qui est ici le motif en question, peut mener à bien des incertitudes, de surcroît dans un contexte de crise, où il est particulièrement difficile pour les employeurs de prévoir quels seront les chiffres d’affaires et marges atteignables dans l’année qui suit.

D’autre part, elle ne s’attarde pas à rechercher si cette absence de rémunération variable rendait impossible la poursuite du contrat de travail. Or, au regard de l’espèce, il n’est pas certain que cette absence de rémunération variable ait été la véritable cause du départ du salarié.

Une vigilance particulière s’impose donc sur la fixation et le suivi des objectifs, sous peine d’avoir à les payer bien plus cher !

 

Article co-écrit avec Clarence CHOQUET


Lucie Jechoux

Avocat associée, Bordeaux

J'accompagne au quotidien les groupes et les entreprises dans leur gestion des relations de travail, tant en conseil qu'en contentieux. J'interviens régulièrement dans le secteur du transport et de la logistique ainsi que dans des contextes de croissance et de changement des entreprises. J'assure régulièrement des formations pour les entreprises et leurs collaborateurs.

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