par Lucie Jechoux
Précisions sur la compétence territoriale des juridictions pénales françaises en matière de délit de transport routier
La Cour de cassation, par un arrêt du 1er février 2022 (n°18-83.384), apporte des précisions sur la compétence territoriale des juridictions pénales françaises en matière de délit de transport routier.
En l’espèce, un autocar immatriculé en Allemagne, exploité par une société de droit allemand et dont le représentant légal était un ressortissant allemand, a fait l’objet d’un contrôle le 2 avril 2013. Lors de ce contrôle les enquêteurs ont constaté neuf délits de transport routier sans carte de conducteur insérée dans le chronotachygraphe électronique du véhicule, sur le fondement l’article 15, § 2, du règlement n° 3821/85.
Or, la Haute juridiction relève que ni la loi française (en raison du principe de territorialité de la loi pénale – art. 113-1 du Code pénal), ni le droit de l’Union, ne permettent aux autorités françaises – ayant constaté les délits – de poursuivre leur auteur dès lors que ces infractions sont commises sur le territoire d’un autre Etat membre de l’Union.
Elle rappelle que l’article 689-12 du Code de procédure pénale vise seulement le règlement (CE) n° 561/2006. Ensuite, se fondant sur la réponse de la CJUE à sa question préjudicielle (CJUE, arrêt du 9 septembre 2021, C-906/19) qui énonce que l’article 19, § 2, du règlement n° 561/2006 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les autorités compétentes d’un État membre puissent imposer une sanction au conducteur d’un véhicule ou à une entreprise de transport, pour une infraction au règlement n° 3821/85, tel que modifié par le règlement n° 561/2006, commise sur le territoire d’un autre État membre ou d’un pays tiers, mais constatée sur son territoire et n’ayant pas déjà donné lieu à sanction.
Pour enfin, dire qu’il en résulte que les infractions poursuivies, qui ont pour fondement l’article 15, § 2, du règlement n° 3821/85, ne relèvent pas du champ d’application de l’article 689-12 du code de procédure pénale et ne peuvent être poursuivies lorsque les faits ont été commis à l’étranger par une personne de nationalité étrangère.
La solution aurait sans doute été différente si le représentant légal avait été un ressortissant français conformément à l’alinéa 2 de l’article 113-6 du Code pénal qui prévoit que la loi pénale française « est applicable aux délits commis par des Français hors du territoire de la République si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis ».