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Droit de la Santé, sécurité au travail
par Sébastien Millet

Plan de sobriété énergétique dans les entreprises : un sujet de dialogue social autour des conditions de travail ?


L’hiver approche et l’Etat déroule son programme volontariste d’économie d’énergies à destination des entreprises et collectivités (cf. « Plan de sobriété énergétique – mobilisation générale » – Dossier de presse 6 octobre 2022).

Celui-ci s’articule autour de 15 actions concrètes à vocation générale, plus des mesures sectorielles spécifiques (ERP, industrie, etc.).

Toutes les entreprises sont concernées, pas uniquement celles qui sont engagées dans une démarche de RSE ou de certification (cf. référentiel ISO 50001 – management de l’énergie).

Qu’il s’agisse des mesures de réduction de consommation d’énergie (chauffage, éclairage, transports, etc.), ou d’organisation (recours au télétravail, plans de mobilité employeur, etc.), les usages, façons de travailler et procédés de travail seront impactées à des degrés divers par ces aménagements, sachant qu’ils ont vocation à faire l’objet de consignes à caractère contraignant pour les personnels.

Typiquement, cela questionne les conditions de travail, et invite à faire un parallèle avec l’obligation de sécurité de l’employeur qui enjoint de « tendre à l’amélioration des situations existantes » (C. Trav., L4121-1).

Dans l’ensemble, cela répond à un impératif d’intérêt général, et il n’est pas question que cette exigence de sobriété s’accompagne d’une dégradation des conditions de travail en entreprise.

Par exemple, prévoir d’abaisser la température dans les locaux à 19° C en période d’occupation (ce qui au demeurant est conforme à la réglementation du Code de l’énergie – cf. art. R241-26), ne devrait pas raisonnablement être discutable de ce point de vue, sous réserve par exemple d’éventuelles restrictions médicales au cas par cas.

Ce sujet illustre d’ailleurs le hiatus potentiel entre transition environnementale et société de consommation, qui nécessitera de plus en plus de mesures fortes susceptibles d’entrer en conflit avec les habitudes de confort, voire d’insouciance, y compris en entreprise.

Il y a là un enjeu d’acceptabilité sociale (et sociétale), ce qui passe par la pédagogie, la concertation et la conviction : agir pour la protection de l’environnement et des ressources, c’est aussi contribuer d’une certaine manière à préserver la qualité de l’environnement de travail et des conditions de travail de demain.

En matière d’énergie, le Gouvernement invite ici les entreprises à « repenser l’organisation du travail, au regard des objectifs de sobriété dans une démarche d’animation concertée », sous 2 axes :

  • Désigner ou créer dans chaque établissement un ambassadeur ou référent de la sobriété énergétique ;
  • Présenter une trajectoire de réduction de la consommation d’énergie de l’entreprise et le plan d’actions mené en faveur de la sobriété énergétique au comité social et économique (CSE) ou aux délégués syndicaux.

C’est aussi l’occasion de faire entrer plus généralement le sujet de la transition environnementale dans le champ du dialogue social avec les représentants du personnel, d’autant que le législateur a élargi leurs prérogatives en la matière notamment au regard de la prise en compte des conséquences environnementales des décisions de gestion de l’entreprise (cf. loi Climat et résilience du 2021-1104 du 22 août 2021).

Attention, il n’est pas uniquement question de faire de la soft law, sachant que ces aménagements à des fins de sobriété énergétique sont susceptibles d’impacter à la fois :

  • la marche générale de l’entreprise (cf. notamment plan de continuation d’activité face au risque de pénuries – PCA),
  • les conditions de travail,
  • la mise à jour de l’évaluation des risques professionnels et le PAPRIPACT,
  • la formation et les actions de sensibilisation (usages informatiques notamment), le règlement intérieur,
  • et plus largement, les orientations stratégiques de l’entreprise.

Autant de champs dans lesquels le Code du travail prévoit des obligations d’information et de consultation du CSE, pour les entreprises de 50 salariés et plus.

En parallèle, la négociation collective n’est pas en reste, tout particulièrement sur le terrain de la négociation obligatoire en matière de qualité de vie et des conditions de travail (QVCT).

La question du télétravail risque d’ailleurs de redevenir un sujet de revendications, notamment sur la question de la prise en charge des frais du télétravail liés au renchérissement de la facture énergétique au domicile …

Il s’agit néanmoins d’apporter une contribution à l’effort collectif national, tout en permettant à l’entreprise d’anticiper les risques de rupture d’approvisionnement et de rester résiliente.

 

*Article publié sur www.preventica.com


Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

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