par Louis Desmet
Risque de coupures d’électricité : quelles solutions pour les employeurs ?
Face à la crise énergétique qui frappe l’Europe, il semble difficile d’échapper à l’appel à la sobriété énergétique les mois à venir. En raison des flux tendus sur le réseau électrique en France, des coupures de courant pourraient intervenir cet hiver 2022-2023. Il s’agirait de coupures ciblées, temporaires et localisées. Ces coupures auront forcément un impact sur les entreprises, qui se heurteront à des problèmes d’organisation du travail. Employeurs et salariés devront alors s’adapter.
Dans ces conditions, comment les employeurs pourront réagir aux coupures d’électricité ? Comment anticiper cette réorganisation ?
En tout état de cause, les représentants du personnel devront être impliqués (informés et consultés).
Aménagement de l’organisation de travail
1. La mise en place du télétravail fin d’assurer la continuité de l’activité : à condition toutefois (i) que le domicile du salarié ne soit pas également concerné par la coupure, (ii) que les fonctions du salarié permettent ce télétravail et (iii) que les serveurs informatiques ne soient pas affectés.
Pour rappel, « en cas de circonstances exceptionnelles ou en cas de force majeure », la mise en place du télétravail peut être imposée au salarié. (Article L1222-11 du Code du travail).
Les coupures de courant seraient considérées comme une circonstance exceptionnelle, et le télétravail serait ainsi nécessaire afin d’assurer la continuité de l’activité.
A contrario, les salariés normalement en télétravail, dont le domicile serait concerné par une coupure de courant, pourraient revenir sur site.
2. Adapter les horaires de travail des salariés :
- soit en modifiant les horaires du salarié sur la même journée ou sur la semaine : il s’agirait d’une simple modification des conditions de travail, à condition que les horaires de travail ne soient pas contractualisés (notamment pour les salariés à temps partiel) ;
- soit en prévoyant la récupération des heures perdues : il semblerait alors possible de faire récupérer aux salariés les heures perdues sur une autre journée, voir une autre semaine. Cette solution avait été admise par la Cour de Cassation dans le cadre d’une coupure électrique, en vertu de l’article L 3121-50 du Code du travail. (Cass. soc., 9 juill. 1986, no 85-45.795 et Cass. soc., 25 avr. 1984, no 81-41.580)
- soit, pour les entreprises dont l’organisation du temps de travail est prévue dans le cadre d’une modulation, l’employeur peut notifier au salarié la modification de la répartition de la durée du travail dans un délai qui ne peut être inférieur à trois jours ouvrés, à condition d’être informé suffisamment tôt par l’application Ecowatt. (Article L3123-24 du Code du travail)
Attention : ces modifications ne peuvent pas être unilatéralement imposées aux salariés protégés.
3. Inciter les salariés à prendre des jours de congés, des RTT ou repos compensateur : cependant, sauf accord des salariés, cette solution ne pourra pas être imposée par l’employeur.
Dans le cas de certaines organisations, les employeurs devront être agiles au regard des délais de prévenance des coupures (la veille pour le lendemain) et des fermetures des écoles.
Recours à l’activité partielle
Le ministère du Travail est venu confirmer cette solution dans la mise à jour du « Questions-réponses AP/APLD dans le contexte du conflit en Ukraine » en indiquant qu’en cas de coupure d’électricité, il sera possible de recourir à l’activité partielle de droit commun.
En pratique, la mise en place de l’activité partielle est possible, dans les conditions suivantes :
- En dernier recours, en cas d’impossibilité d’aménager le temps de travail de ses salariés ; (cf. ci-dessus)
- Pour la durée du délestage ou la durée nécessaire à la remise en marche des unités de production ;
- La demande devra être faite dans les 30 jours à compter du placement des salariés en activité partielle ;
- La demande est faite sous le motif « toutes autres circonstances exceptionnelles » (sous-motif « délestage ») ;
- Indemnité versée aux salariés par l’employeur : 60% ;
- Allocation versée par l’ASP : 36%.
A noter que le recours à cette activité partielle est prévu uniquement pour les entreprises directement affectées, ce qui exclut donc les salariés absents devant garder leurs enfants en raison de la fermeture de l’école.
Post réalisé en collaboration avec Florian MANDON