Nouveau par Sébastien Millet
Purge des congés payés en cas de maladie longue durée, le nouveau droit à report est-il illimité ? La CJUE vient de se prononcer
Par ses arrêts du 13 septembre 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a suscité beaucoup d’inquiétude pour les entreprises, et fait couler beaucoup d’encre https://www.linkedin.com/posts/sebastien-millet-ellipseavocats_cong%C3%A9s-pay%C3%A9s-lenjeu-de-labsent%C3%A9isme-apr%C3%A8s-activity-7119604263483256832-EAx5?utm_source=share&utm_medium=member_desktop.
Parmi les marges de manœuvres disponibles, la possibilité de limiter dans le temps la prise des CP acquis en cas de longue maladie a bien été identifiée, malgré des questionnements sur sa mise en oeuvre.
Sur ce point, la CJUE vient ce matin d’apporter des éléments de réponse importants dans le cadre d’une question préjudicielle posée par le CPH d’Agen – CJUE 9 novembre 2023, C-271/22 à C-275/22, Keolis AGEN (félicitons ici le recours à cette technique procédurale, qui a permis d’apporter des clarifications pratiquement en temps réel, une fois n’est pas coutume).
En substance, la CJUE interprète la directive en considérant qu’elle « ne s’oppose pas à une législation nationale et/ou à une pratique nationale qui, en l’absence de disposition nationale prévoyant une limite temporelle expresse au report de droits à congé annuel payé acquis et non exercés en raison d’un arrêt de travail pour maladie de longue durée [ c’est le cas du Code du travail français ], permet de faire droit à des demandes de congé annuel payé introduites par un travailleur moins de 15 mois après la fin de la période de référence ouvrant droit à ce congé et limitées à 2 périodes de référence consécutives ».
Cette formulation quelque peu alambiquée invite à une lecture a contrario, suggérant que le législateur français (« à bon entendeur »), ou une pratique (conventionnelle ? unilatérale ?), pourrait organiser une purge glissante des congés acquis.
Sans trancher la question de la prescription (qui ne lui était pas posée), l’arrêt vient reconnaître la possibilité en droit national de limiter dans le temps le cumul des droits en cas de longue maladie, par une période de report à l’expiration de laquelle ces droits s’éteignent, à condition de garantir l’effectivité du droit par la possibilité pour le salarié de disposer de périodes de
repos susceptibles d’être échelonnées, planifiables et disponibles à plus long terme, et que cette période « dépasse substantiellement la durée de la période de référence ».
A priori, c’est plutôt une bonne nouvelle pour les entreprises, puisque la CJUE retient :
- Qu’il faut prendre dans la balance de proportionnalité, le risque organisationnel pour l’employeur d’un cumul trop important de périodes d’absence du travailleur ;
- Qu’un report illimité après maladie longue durée ne satisferait qu’à une finalité de détente/ loisirs et méconnaîtrait l’exigence que le congé conserve sa qualité de temps de repos pour le travailleur.
Affaire à suivre.
Pour aller plus loin : Acquisition des droits à congés payés et maladie (ellipse-avocats.com)