La rupture conventionnelle, victime de son succès ?

Réflexions estivales #2

Les ruptures conventionnelles sont manifestement dans le viseur du gouvernement.

Un dispositif trop populaire, qui générerait des abus.

Les récentes annonces gouvernementales invitent les partenaires sociaux à négocier (préalable avant toute Loi concernant le droit du travail) sur une réforme de la rupture conventionnelle.

Pourquoi ?

Le diagnostic du gouvernement est implacable :

  • cela coûte trop cher aux finances publiques (et de manière plus insidieuse participe à la dégradation des statistiques sur l’emploi) ;
  • les ruptures conventionnelles ouvrent droit au bénéfice de l’assurance chômage trop facilement, alors que bien souvent, c’est le salarié qui en serait à l’initiative.

Raisonnement simple, basique :

  • Départ subi : droit au chômage (sauf motifs légitimes) ;
  • Départ choisi : pas droit au chômage.

Et vogue la galère.

Nous connaissons la passion du législateur (français en particulier) pour faire, puis défaire, puis refaire avant d’amender, de palabrer… pour mieux se faire censurer ?

Peut-être que cela donne une impression d’agilité, propice à alimenter les médias du buzz et de l’instantané.

Mais sous l’angle de l’efficacité de l’action gouvernementale et de la sécurisation juridique des ruptures des contrat de travail : cap vers le triangle des Bermudes.

Se priver de cet outil serait un retour en arrière. Les plus anciens nous rappelleront qu’avant la rupture conventionnelle (2007) : l’accord des parties se matérialisait dans la pratique par un « faux licenciement » avec transaction.

Sonner le glas de la rupture conventionnelle serait un retour à ce « bricolage » juridique.

Or la rupture conventionnelle est un outil adapté dans biens des situations : c’est une rupture d’un commun accord avec une procédure permettant de garantir le consentement des parties. Cela doit nous rappeler que le contrat de travail est avant tout un contrat, et « ce que les parties ont voulu, elles peuvent le défaire d’un commun accord » (principe du mutus dissensus).

C’est aussi sous l’impulsion de la Cour de cassation que la rupture conventionnelle s’est émancipée. la jurisprudence a permis de conclure une rupture conventionnelle (contrairement à ce qui était préconisé dans les premières circulaires de l’administration) pendant un arrêt maternité, pendant un arrêt AT/MP, même dans un contexte économique dégradé.

De plus en plus sollicitée par les parties au contrat de travail : le nombre de rupture conventionnelle s’est donc emballé selon les statistiques de la Dares.

Hors de contrôle ?

Le gouvernement Borne s’était déjà penché sur cette question, et avait décidé de substituer au forfait social de 20% une « contribution patronale spécifique » de 30%.

Ne serait-ce pas l’objectif inavoué du gouvernement de rendre moins attractif ce dispositif :

  • en augmentant cette « contribution patronale spécifique » ;
  • en allongeant la carence pour l’indemnisation à l’assurance chômage ;
  • en modifiant les conditions d’indemnisation en cas de rupture conventionnelle.

En synthèse : la rupture conventionnelle est un outil du Code du travail qui fonctionne. Alors pourquoi le modifier ?

Il faut le conserver en l’état et savoir l’utiliser à bon escient pour fluidifier le marché du travail (encore trop rigide).

Il appartient à l’administration et aux Juges (faisons-leur confiance !) de sanctionner les abus et dérives, tant des salariés que des employeurs.

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