XS
SM
MD
LG
XL
Droit de la Protection Sociale, Droit de la Santé, sécurité au travail, Droit du Travail
par Sébastien Millet

Réforme des retraites : après l’emploi seniors, les nouvelles pénalités « pénibilité » et « égalité » (décryptage)


Le projet de loi de réforme des retraites, adopté en 1ere lecture par l’Assemblée nationale le 15 septembre 2010, prévoit de faire « rebelote » en instituant à compter du 1er janvier 2012 une nouvelle pénalité maximale équivalente à 1 point de masse salariale pour les entreprises et groupes qui ne seront pas couvertes à cette date par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

Partant du constat que le volontarisme n’est pas suffisant, l’idée est que les entreprises non vertueuses reversent une contribution financière au afin de compenser le coût pour la branche vieillesse du Régime général des nouvelles mesures proposées en faveur de la pénibilité.

Ce futur dispositif est un quasi « copié-collé » du plan seniors créé par la LFSS pour 2009 (n°2008-1330 du 7 décembre 2008) :

  • Insertion dans le même titre du Code de la Sécurité sociale (cf. CSS, L.138-29 et suivants nouveaux) ;
  • Même champ d’application et seuil d’assujettissement : seraient visés les employeurs de droit privé ainsi que les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), les établissements publics à caractère administratif (EPA) et les entreprises publiques et les établissements publics à « double visage » (assurant à la fois une mission de service public à caractère administratif et à caractère industriel et commercial), lorsqu’ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé. L’effectif de déclenchement serait identique, à savoir 50 salariés, apprécié au niveau de l’entreprise, mais également du groupe, ce qui est particulièrement large (avec possibilité d’être couvert par un accord collectif de branche étendu entre 50 et 300 salariés) ;
  • Exigence d’un accord ou à défaut en l’absence d’accord, d’un plan d’action à durée déterminée de 3 ans au maximum ;
  • Contenu obligatoire défini par rapport à une liste de thèmes fixée par décret (rappelons que parmi les thèmes du plan seniors figurait déjà l’amélioration des conditions de travail et la prévention des situations de pénibilité – cf. CSS, R.138-26) ;
  • Possibilité de s’engager au niveau de l’entreprise ou du groupe de sociétés ;
  • Formalisme de dépôt obligatoire auprès de l’autorité administrative.

Quelques nuances méritent néanmoins d’être relevées :

  • Le plan/accord pénibilité serait a priori moins complexe, puisqu’il ne serait pas envisagé de prévoir un système d’objectifs et d’indicateurs de suivi ;
  • Ce dispositif serait orienté sur les situations de pénibilité. Il pourrait recouper les mesures déjà existantes concernant les seniors, mais pas exclusivement. Seraient ainsi visés les salariés exposés aux facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé (cf. C. Trav., L.4121-3-1 du Code du travail nouveau) ; à condition de travailler dans une entreprise employant une proportion minimale de ces salariés (proportion à fixer par décret).
  • En l’absence de mise en place d’un accord sur la pénibilité ou d’un plan d’action, et jusqu’à régularisation, le montant de la pénalité applicable serait fixé par l’autorité administrative en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité (selon des modalités à fixer par décret en Conseil d’État).

En résumé, sous réserve de l’issue du processus législatif en cours et de la publication des nombreuses mesures réglementaires d’application, cette mesure s’inscrit dans une tendance désormais très nette des pouvoirs publics consistant, face à un phénomène social et médiatique –ici la pénibilité–, à contraindre les entreprises à réagir sous peine d’une lourde sanction financière.

On observera néanmoins qu’à l’instar du plan seniors, le montant de cette pénalité de 1% (qui serait un maximum modulable) ne paraît pas nécessairement disproportionné eu l’égard à l’enjeu que représente la pénibilité en termes de santé publique, d’autant :

  • qu’il s’agirait d’une notion de pénibilité strictement définie, par renvoi à la définition du Code du travail ;
  • que les entreprises ont en principe déjà acquis un certain savoir-faire concernant ce type de dispositif ;
  • que paradoxalement, la pression financière est ici mise sur le formalisme plus que sur la réalisation concrète des actions.

Dans le même esprit, le projet de loi prévoit une seconde pénalité, elle aussi de 1% de la masse salariale à la charge de l’employeur et affectée cette fois au budget de l’Etat, dans les entreprises d’au moins 50 salariés non couvertes par un accord sur l’égalité professionnelle hommes-femmes ou, à défaut d’accord, par un plan d’action définissant les objectifs et mesures en ce sens (rappelons que selon l’article L.2242-7 du Code du travail, la NAO traitant des salaires effectifs dans l’entreprise a pour objet de définir et de programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010 – programmation issue de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes).

Selon le même principe, ce montant maximum de pénalité pourrait également être modulé par l’autorité administrative en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations (dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État).



Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

Contactez nous

Obtenez le meilleur conseil
en droit du travail pour votre entreprise

Obtenir du conseil

Confidentialité et réactivité
Nos avocats interviennent partout en France