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Droit de la Protection Sociale, Droit du Travail
par Sébastien Millet

La reconnaissance du préjudice spécifique de perte de droits à retraite en cas de faute inexcusable


Nouvelle étape dans la construction jurisprudentielle sur la réparation de la faute inexcusable, la Cour de cassation vient d’élargir le droit à réparation pour un salarié victime d’un accident ou d’une maladie d’origine professionnelle et causée par la faute inexcusable de l’employeur ou de l’un de ses substitués.

Précisons qu’il s’agit d’un arrêt du 26 octobre 2011 émanant de la Chambre sociale (chargée du contentieux prud’homal) et non de sa 2e Chambre civile, chargée du contentieux de la Sécurité sociale, ce qui donne un relief particulier à l’affaire.

Traditionnellement, le salarié peut agir devant la juridiction de la Sécurité sociale pour obtenir, au titre de la reconnaissance de cette faute inexcusable, l’indemnisation par l’employeur (ou son assureur) des préjudices non pris en charge par la Sécurité sociale dans le cadre de la législation sur le risque professionnel.

Il ne peut d’ailleurs en principe agir que sur ce terrain, faute de disposer d’une action en responsabilité civile classique devant les juridictions civiles de droit commun.

En revanche, depuis la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, son action doit pouvoir porter sur l’ensemble des chefs de préjudice non couverts par le livre IV du Code de la Sécurité sociale.

Au regard de ces principes, l’affaire est ici doublement intéressante : il s’agissait d’un salarié licencié pour inaptitude physique suite à un accident du travail pour lequel le TASS avait déjà condamné l’employeur au titre de la faute inexcusable, et réparé de manière complémentaire les préjudices du salarié, par l’allocation d’une rente majorée à son maximum et d’une indemnité pour diminution ou perte de possibilité de promotion professionnelle.

Toutefois, dans une volonté d’assurer la réparation intégrale du préjudice, la Chambre sociale de la Cour de cassation va ici au-delà en admettant que le salarié puisse également obtenir des dommages et intérêts devant la juridiction du travail.

Elle constate qu’en l’occurrence, le préjudice résultant de la perte des droits à la retraite consécutif au licenciement n’a pas été réparé par la juridiction de la Sécurité sociale.

On savait déjà que le salarié peut obtenir devant les prud’hommes l’indemnisation de la perte injustifiée de son emploi dès lors que l’inaptitude dérive d’une faute inexcusable de l’employeur (cf. Cass. Soc. 17 mai 2006). Il s’agit ici d’un nouveau chef de préjudice indemnisable, spécifique et non compris dans l’indemnité susceptible d’être allouée au titre de la diminution ou perte de possibilité de promotion professionnelle.

Cette solution est logique si l’on considère que le salarié inapte est nécessairement impacté s’agissant de la constitution de ses droits à retraite, tant dans les régimes de base que complémentaires (voire supplémentaires), et aussi bien sur le plan de la durée d’assurance que du salaire servant d’assiette aux cotisations de retraite.

Plus que jamais, face à la facilité de reconnaissance de la faute inexcusable et à ses incidences financières, cela illustre combien les entreprises doivent se montrer vigilantes et adopter une démarche globale de gestion préventive des risques.



Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

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Florent Dousset
dans Droit de la Protection Sociale