par Arnaud Pilloix
Rupture CDD sport professionnel : une mise au vert couteuse !
Comme nous avions déjà eu l’occasion d’aborder cette question dans un précédent article, la délicate question du changement d’entraineur en cours de saison (et donc de CDD) se révèle toujours aussi coûteuse pour les Clubs.
La SASP ASSE LOIRE en a fait l’expérience en se séparant de l’entraineur Laurent ROUSSEY en cours de saison 2008/2009.
Le CDD de Laurent ROUSSEY avait été prolongé jusqu’au 30 juin 2010.
Face aux mauvais résultats du Club, le 10 novembre 2008, l’employeur nomme un directeur sportif sous l’autorité duquel il était désormais placé.
Après une période tumultueuse, l’employeur notifie à l’entraineur la rupture de son CDD pour faute grave par lettre du 26 novembre 2008 pour divers motifs : refus réitéré et délibéré d’accepter d’être placé sous l’autorité fonctionnelle du directeur sportif du club et comportement injurieux à l’égard d’un joueur.
A noter en effet que la rupture anticipée d’un CDD est particulièrement encadrée par le Code du travail.
Contestant cette rupture, Laurent ROUSSEY avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
La Cour d’appel de Lyon avait par la suite reconnu la condamnation de l’employeur au versement de sommes pour rupture abusive du contrat de travail (près d’1,5 million de rappels de salaire outre 200.000 euros de dommages et intérêts).
La rupture anticipée du CDD, dès lors qu’elle est imputable à l’employeur, s’analyse en une rupture abusive, permettant au salarié d’obtenir des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme de son contrat (Art. L. 1243-4 du Code du travail).
Le Club a alors formé un pourvoi devant la Chambre sociale de la Cour de cassation.
Le pourvoi a été rejeté dans l’arrêt du 13 juin 2012 (n° 11-12826) :
« Mais attendu que la cour d’appel, après avoir relevé que le 10 novembre 2008 l’employeur avait décidé de nommer un directeur sportif sous l’autorité duquel le salarié devait être placé, a retenu que ce directeur avait en charge l’encadrement du secteur sportif du club alors même que M. X…, en sa qualité d’entraîneur principal, avait déjà la charge de l’encadrement sportif de l’équipe professionnelle de football, de sorte que les fonctions et les responsabilités du salarié s’en trouvaient réduites ; qu’elle a pu en déduire que l’employeur avait modifié unilatéralement le contrat de travail du salarié ; que le moyen inopérant en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus. »
Cet arrêt n’est pas sans rappeler la jurisprudence « Baup » qui a réaffirmé la force obligatoire des contrats : aucune partie ne peut unilatéralement modifier un élément contractuel, c’est-à-dire « changer les règles du jeu ».
Ces arrêts rappellent que les fonctions et responsabilités des entraineurs font partie des éléments essentiels de leur contrat de travail, étant engagés pour occuper un emploi pour le moins exposé : « entraineur de l’équipe fanion ».
En décidant de nommer un directeur sportif ayant autorité, il s’agit d’une perte de responsabilité s’analysant (de manière constante) comme une modification unilatérale du contrat ne pouvant être imposée au salarié.
Il s’agit donc de la véritable raison de la rupture anticipée du CDD, peu importe les motifs de la lettre de rupture du CDD pour faute grave, qui n’ont même pas été abordés par la Cour de cassation !
Arnaud PILLOIX, assisté de Stéphane DAUZE
CDD • footballeur professionnel • rupture contrat • sport professionnel