par Sébastien Millet
Vigilance sur les forfaits annuels (en jours ou en heures) : pas d’autonomie d’organisation = pas de forfait
Pour certains salariés, la loi permet de déroger au cadre strict du décompte horaire du temps de travail effectif sur la semaine civile, dans le cadre de conventions individuelles de forfait permettant de comptabiliser le temps de travail sur l’année.
Le public concerné s’entend strictement (et dans la limite des catégories de salariés visées par les conventions et accords collectifs applicables) :
- Pour les forfait annuels en heures : les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable, ainsi que les salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.
- Pour les forfaits-jours : les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable, ainsi que les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
L’exigence d’autonomie est ainsi au cœur du dispositif.
Or, il ne suffit pas de la décréter sur le papier ; cette condition doit être matériellement vérifiable en pratique, et notamment par le Conseil de prud’hommes en cas de contentieux.
L’enjeu est en effet important puisqu’à défaut d’une autonomie effective, le salarié peut obtenir la requalification de sa situation et le cas échéant, des rappels de salaires au titre des heures supplémentaires effectuées sur les 5 dernières années, sans compter les congés payés y afférent et l’éventuelle condamnation au titre du travail dissimulé.
Encore faut-il que le salarié puisse établir au moyen d’éléments suffisamment précis les horaires réalisés (un simple décompte récapitulatif mensuel établi mois par mois est jugé insuffisant faute d’un détail pour chaque jour précis de chaque semaine : Cass. Soc. 27 juin 2012).
L’employeur doit donc bien veiller à préserver l’autonomie d’organisation du salarié titulaire d’une convention individuelle de forfait sur l’année. Par exemple, le fait d’imposer une présence pendant toute la plage horaire d’ouverture de l’entreprise est antinomique avec l’exigence d’autonomie et remet en cause le forfait, ramenant ainsi le salarié dans le droit commun.
C’est que qu’a récemment jugé la Cour de cassation dans un autre arrêt de Chambre sociale du 27 juin 2012, concernant un forfait annuel en heures. Bien entendu, cette solution est également transposable au forfait-jours.
Bien que cette décision n’ait rien de révolutionnaire en soi, elle contribue à fragiliser le forfait jours, de plus en plus contesté au plan judiciaire (on se souvient notamment de l’important arrêt rendu le 29 juin 2011, privant d’effet une convention de forfait annuel en jour pour des raisons tirées de l’impératif de protection de la sécurité et de la santé du salarié).
Plus que jamais les entreprises ayant recours au forfait annuel doivent veiller à la conformité juridique du dispositif, aussi bien dans sa mise en place au plan collectif et individuel que dans ses modalités d’exécution et de suivi au quotidien.
accord collectif • forfait-jours • heures supplémentaires • santé et sécurité • travail dissimulé