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Droit de la Santé, sécurité au travail, Droit du Travail
par Sébastien Millet

Action du CHSCT en suspension d’une réorganisation : la jurisprudence s’installe


La Cour d’appel de Paris a rendu le 13 décembre 2012 un arrêt ordonnant la suspension d’une opération de réorganisation dans une grande entreprise, au motif que celle-ci était de nature à compromettre la santé et la sécurité des salariés (cf. l’obligation de sécurité).

La raison principale : une évaluation jugée insuffisante des risques, notamment en termes de surcharge de travail, notamment des cadres (RH et finances en l’occurrence), liée à des transferts et une centralisation des tâches.

Si ce mode de raisonnement n’est pas nouveau (cf. les précédentes décisions commentées sur notre blog : https://www.ellipse-avocats.com/2012/09/quand-l%E2%80%99employeur-se-voit-interdire-une-organisation-du-travail-ayant-pour-objet-ou-pour-effet-de-compromettre-la-sante-et-la-securite-des-salaries/), le contexte de l’affaire illustre l’impact des questions liées à la santé au travail, ainsi que le rôle majeur reconnu par les tribunaux aux CHSCT.

C’est en l’espèce toute l’opération de réorganisation qui se voit provisoirement suspendue dans l’entreprise, y compris la mise en oeuvre des mesures de suppressions d’emplois et de rupture de contrats de travail prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

Cela, afin de permettre la transmission aux CHSCT de l’entreprise des éléments d’analyse complémentaires, nécessaire à l’évaluation des risques et à la définition de mesures de prévention appropriées  au regard des principes généraux du Code du travail.

Plusieurs aspects retiennent ici l’attention :

  1. La qualité à agir d’un CHSCT est reconnue, ce qui va de soi, mais il ne peut toutefois demander la suspension d’un projet ou de mesures compromettant la santé des salariés que dans la limite de sa compétence territoriale, qui correspond au périmètre de l’établissement ;
  2. Le CHSCT doit rapporter la preuve 1/ en quoi les risques psycho-sociaux allégués sont caractérisés et de nature à compromettre la santé et la sécurité des salariés et 2/ que l’employeur n’a pas pris les mesures de prévention nécessaires notamment en matière d’identification des risques résultant de la réorganisation de l’entreprise afin de les éviter ou de les supprimer.
  3.  L’insuffisance d’analyse préalable des risques induits par la réorganisation expose l’employeur à un risque de suspension (donc de retard) global de son opération. Au passage, l’insécurité juridique en matière de PSE (procédures dites « Livre I » et « Livre II » du Code du travail) n’en est que renforcée.
  4. La documentation interne de l’entreprise (document unique d’évaluation des risques, charte ou accord sur la prévention des RPS, etc.), bien que souvent obligatoires, s’avèrent à « double-tranchant » puisque typiquement, ils seront systématiquement mis en avant pour démontrer un écart entre les engagements écrits et les pratiques, c’est-à-dire des carences du point de vue de la prévention.

Autrement dit, une réorganisation, qui aura invariablement des effets différés, suppose de penser pour longtemps et d’intégrer la thématique HSE tout au long de la conception du projet, afin d’en anticiper les impacts éventuels notamment en termes de santé mentale et accessoirement, d’éviter de fortes déconvenues procédurales au stade de son déploiement.



Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

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