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Droit du Sport
par Ellipse Avocats

Précisions sur l'obligation d'information du médecin prescrivant à un sportif des substances potentiellement dopantes


Par un arrêt du 28 novembre 2012 (n°11-26.516), la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a statué, suite à une demande d’indemnisation d’un coureur cycliste professionnel, sur le devoir d’information du médecin personnel lorsqu’il effectue une prescription (notamment de produits interdits car dopants).

 

 

1. Présentation de la situation

 

A – La situation initiale

 

En l’occurrence Monsieur Fofonov était coureur au sein du groupe cycliste « Crédit Agricole » du Vélo club de Paris. En raison d’une crise hémorroïdaire, il se fait prescrire en juin 2008, par un médecin généraliste n’appartenant pas à sa structure, un traitement contenant de l’Heptaminol (produit interdit).

 

Lors du Tour de France 2008, il fait l’objet d’un contrôle positif aux produits dopants. Suite à celui-ci, son contrat le liant au groupe cycliste est rompu à l’initiative de ce dernier. Afin de régler les conséquences de cette rupture, les deux parties concluent une transaction et renoncent à porter leur différend devant les tribunaux.

 

B – Les demandes du coureur

 

Compte-tenu de la signature d’une transaction, la présente affaire ne concerne pas la relation liant M. Fofonov au groupe cycliste. Les demandes de l’ancien coureur sont effectuées à l’encontre du médecin généraliste lui ayant prescrit la substance interdite. Logiquement, le coureur n’est pas tenu par sa transaction vis-à-vis de son médecin personnel et peut donc formuler des demandes en justice.

 

Il lui reproche, alors même qu’il était informé de l’activité de coureur cycliste professionnel de son patient, de ne pas l’avoir informé des conséquences de ce traitement en cas de contrôle anti-dopage et donc d’avoir violé son devoir de conseil médical.

 

Le coureur engage la responsabilité du médecin et lui demande réparation des conséquences de son contrôle positif aux produits dopants (rupture du contrat de travail, préjudice moral,…).

 

 

2. Analyse de la décision

 

Dans son arrêt, la Cour de cassation ne fait droit que partiellement à la demande de M. Fofonov :

 

A – Le rejet de la demande principale d’indemnisation en raison du comportement déloyal du coureur

 

M. Fofonov souhaitait voir déclarer le médecin responsable de son contrôle positif ainsi que de la rupture anticipée de contrat de travail en raison de l’absence d’information lors de la prescription du traitement.

 

La Cour de cassation rejette sa demande en raison du comportement déloyal du coureur. En effet, son contrat de travail, ainsi que les règles de bonne conduite en vigueur au sein du groupe, prévoyaient l’obligation pour le coureur d’informer le médecin du groupe cycliste et le manager s’il souhaitait consulter un médecin personnel. Il devait également informer le médecin du groupe du contenu de la prescription. En l’occurrence il s’avère que M. Fofonov n’avait aucunement informé ces personnes.

 

Compte-tenu de ces éléments, les juges considèrent la consultation du médecin personnel comme suspecte, la qualifiant même de « consultation clandestine ».

 

Dès lors, la cause du contrôle positif tient principalement au comportement déloyal de M. Fofonov qui s’est écarté délibérément de la « procédure » prévue par son groupe cycliste.

 

→ La Cour de cassation ne condamne donc pas le médecin personnel à indemniser le coureur sur ce fondement.

 

B – L’indemnisation du coureur en raison du manquement du médecin à son devoir de conseil

 

En revanche, si le médecin ne peut pas être tenu pour responsable du contrôle positif et de ses conséquences, il a néanmoins violé son devoir de conseil prévu par l’article R.4127-35 du code de la santé publique :

 

« Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. »

 

En l’occurrence, le médecin connaissait l’activité de coureur cycliste professionnel de M. Fofonov (qui était dans l’obligation de l’informer de cette qualité en application de l’article L.232-2 du code du sport) et aurait dû « communiquer à celui-ci les informations médicales concernant les effets et contre-indications » du traitement prescrit.

 

L’absence d’information du coureur sur les conséquences professionnelles de la prescription est donc une violation par le médecin de son devoir d’information.

 

→ A ce titre, le médecin est condamné à indemniser le préjudice moral subit par le coureur.

 

 

3.    Portée de la décision

 

La présente décision est source de nombreux enseignements tant pour les médecins que pour les structures et sportifs professionnels :

 

  •  Concernant les médecins, elle vient rappeler et préciser le devoir de conseil et d’information auquel ils sont tenus vis-à-vis de leurs patients ayant une activité de sportif professionnel ou de haut-niveau :

 

→ Ils doivent l’informer des effets et des contre-indications des prescriptions qui sont effectuées, notamment sur les incidences et les risques en matière de dopage.

 

→ Cela implique que le médecin consulte la liste des produits dopants ainsi que les notices de contre-indication des traitements prescrits.

 

  • Concernant les groupes cyclistes, et plus largement les clubs professionnels, il est intéressant de noter que la demande principale du coureur est écartée par la Cour de cassation en raison du non-respect des procédures médicales mises en œuvre au sein du groupe cycliste.

 

En effet, le comportement déloyal du coureur est établit sur le fondement :

 

→ du non-respect de l’obligation prévue dans son contrat de travail et par un document interne au groupe cycliste de suivre une procédure en cas de consultation par le coureur d’un médecin personnel ;

 

→ de l’absence d’information du médecin du groupe cycliste sur les prescriptions effectuées par le médecin personnel.

 

Cette décision doit donc encourager les structures professionnelles à mettre en œuvre des procédures internes concernant l’encadrement (et non l’interdiction) des consultations de médecins personnels. De même, il peut être pertinent de reprendre cette procédure dans le contrat de travail du sportif ou d’y faire référence.

 

En effet, en cas de manquement du coureur à cette procédure, cela permettrait au groupe cycliste de caractériser le comportement déloyal du coureur. En cas d’engagement de la responsabilité du groupe cycliste, l’existence de cette procédure serait un élément important dont il pourrait faire état pour sa défense.

 

  •  Concernant les sportifs, cette décision doit les inciter à respecter les procédures prévues à l’intérieur de leur structure et/ou dans leur contrat de travail concernant la consultation de médecins personnels. A défaut, et en cas de manquement de ce dernier, la réparation du préjudice subi par le sportif sera faible.

 



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