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Droit du Sport
par Florent Dousset

Le sportif amateur rémunéré à titre exclusif par son club : un sportif professionnel au sens du droit du travail ?


Un arrêt récent de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 16 janvier 2014 (n°13/03519) vient mettre en évidence la délicate distinction entre le sportif professionnel et le sportif amateur rémunéré par une association, et la possibilité de recourir au contrat à durée déterminée d’usage (CDD).

 

Les dispositions légales et règlementaires applicables à cette problématique sont les suivantes :

 

  • L’article L 1242-1 du code du travail prévoit qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise »

 

  • L’article L 1242-2 3° du code du travail dispose que dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

 

  • L’article D 1242-1 5° du code du travail vise, parmi les secteurs d’activité pouvant recourir au CDD d’usage, le sport professionnel.

 

Un contrat à durée déterminée d’usage conclu en méconnaissance des principes rappelés ci-dessus encourt la requalification en un contrat de travail à durée indéterminée (article L 1245-1 du code du travail).

 

Il convient ici de préciser qu’en cas de requalification d’un CDD en CDI, les conséquences sont les suivantes : versement d’une indemnité de requalification et application des règles liées au licenciement  (dommages et intérêts pour défaut de cause réelle et sérieuse, indemnité de préavis, indemnité conventionnelle de licenciement).

 

En l’espèce, un sportif a été engagé par une association sportive, par contrat de travail à durée déterminée d’usage, du 1er juillet 2010 au 1er juillet 2012, en qualité de footballeur amateur, moyennant un salaire brut mensuel de 1400€.

 

Le footballeur a saisi le conseil des prud’hommes de Marseille aux fins de voir requalifier son contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et aux fins d’obtenir le versement de diverses indemnités.

 

Il se base, pour justifier cette demande, sur l’article D 1242-1 5° du code du travail prévoyant la possibilité d’utiliser le contrat d’usage uniquement dans le cadre du secteur professionnel. En effet, son contrat étant qualifié d’amateur par les parties, l’article D 1242-1 5° du code du travail ne serait pas, selon lui, applicable.

 

Le conseil des prud’hommes, par jugement en date du 23 janvier 2013, a débouté le footballeur de sa demande. Ce dernier a interjeté appel de ce jugement.

 

La question posée à la Cour d’appel était donc la suivante : un contrat de travail à durée déterminée d’usage conclu entre une association sportive et un sportif ayant la qualité « d’amateur » peut-il être requalifié en un contrat de travail à durée indéterminée ?

 

L’association sportive opposait à la demande de requalification l’article 11 du statut du joueur fédéral de football. Cet article dispose que « l’activité professionnelle de joueur de football constitue un emploi pour lequel il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature  de l’activité exercée au sein d’un club de football et de son caractère par nature temporaire. » L’association sportive invoque également l’article 10 du statut du joueur fédéral de football dont l’alinéa 2 dispose que « le joueur est un professionnel du football fédéral par la nature salariale de son activité et non par le statut de son club ».

 

La Cour d’appel va finalement rejeter la demande du salarié, aux motifs qu’il a été engagé en tant que footballeur professionnel. En effet, il tirait de cette activité l’exclusivité de ses revenus. La Cour d’appel s’appuie ici sur l’article 10 alinéa 2 du statut du joueur fédéral précité.

 

Par conséquent, un footballeur évoluant dans une compétition amateur (en l’occurrence CFA 2) peut être engagé dans le cadre d’un CDD conclu au titre de l’usage, même s’il fait référence à une qualification d’ « amateur » dans son contrat de travail.

 

Cet arrêt est en accord avec d’autres décisions (par exemple : CA Agen, 13 oct. 2009, n°08/01835 : Dans cet arrêt, la Cour d’appel avait décidé que le simple fait d’être rémunéré pour s’entrainer et participer aux compétitions selon les directives du club caractérisait l’activité de sportif professionnel).

 

Il convient enfin de noter que l’article 12-3-1-1 de la convention collective nationale du sport s’inscrit dans cette logique en donnant la définition suivante du sportif professionnel : « le sportif professionnel mettra à disposition de son employeur contre rémunération ses compétences, son potentiel physique et ses acquis techniques et tactiques, le temps de préparer et de réaliser une performance sportive dans le cadre d’une compétition ou d’un spectacle sportif de façon régulière ou occasionnelle, ainsi que, accessoirement, les activités de représentation qui en découlent ».

 

Florent DOUSSET assisté de Hugo PARIS

 



Florent Dousset

Avocat associé, Lyon

Spécialisé en droit du travail et en droit du sport, Florent DOUSSET dispose d'une expérience et d'une expertise reconnues dans le secteur du sport et des loisirs, en tant que conseil de fédérations sportives, ligues professionnelles, syndicats d'employeurs, clubs sportifs, etc...

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