par Arnaud Pilloix
Claude PUEL à nouveau débouté de ses demandes contre l’OLYMPIQUE LYONNAIS !
En synthèse, la Cour d’appel de LYON, au terme d’une motivation particulièrement étayée retient donc que Claude PUEL a fait preuve d’insubordination, justifiant la rupture de son CDD pour faute grave.
Malgré l’importance de ses prérogatives, il n’en demeure pas moins salarié et doit à ce titre appliquer les instructions de son Président.
Ainsi, la subordination étant l’un des éléments essentiels du contrat de travail, sa violation délibérée et persistante constitue une faute grave justifiant la rupture anticipée du contrat de travail.
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- Engagé par la SASP OLYMPIQUE LYONNAIS aux termes d’un CDD conclu pour une durée de quatre saisons sportives, du 1er juillet 2008 au 30 juin 2012, Claude PUEL était chargé d’assurer la direction technique, tactique et physique, et ce dans tous ses aspects, de l’équipe première professionnelle pour une rémunération annuelle de départ de 3.000.000 d’euros.
- Par courrier du 1er juin 2011, il était convoqué en vue d’un entretien préalable à une rupture anticipé de son CDD pour faute grave, avec mise à pied à titre conservatoire.
Le 10 juin 2011, l’OL saisissait la Commission juridique de la Ligue de football professionnel aux fins de conciliation en application de l’article 681 de la Charte du Football Professionnel, qui a constaté la non-conciliation des parties.
- Par courrier du 17 juin 2011, l’OL notifiait à Monsieur PUEL la rupture anticipée de son CDD pour faute grave.
- Après avoir été débouté de ses demandes formées en référé, le 21 décembre 2011, ce dernier saisissait le Conseil de prud’hommes de LYON au fond qui, dans son Jugement du 27 mars 2014, rejetait l’ensemble de ses demandes et estimait que la rupture de son contrat de travail reposait bien sur une faute grave.
Claude PUEL interjetait appel de cette décision le jour même et sollicitait :
- A titre principal : de DIRE ET JUGER que la SASP OLYMPIQUE LYONNAIS n’a pas respecté les dispositions procédurales prévues par la Charte du football professionnel et invoquait également une violation du règlement intérieur type tel que prévu par cette Charte ;
- A titre subsidiaire : de DIRE ET JUGER que les griefs formulés à son encontre ne constituaient pas une faute grave ;
- En tout état de cause : de CONDAMNER à lui verser près de 6.500.000 euros d’indemnités correspondant notamment à 3.424.444 euros d’indemnité salariale, 1.599.996 euros de dommage et intérêts pour réparation du préjudice personnel, moral et professionnel et 171.875 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance résultant du non paiement des primes de résultats
- Dans son arrêt du 10 février 2015 : la Cour d’appel confirme le jugement de première instance en toutes ses dispositions et rejette point par point l’argumentation développée par l’entraîneur :
1° Sur les manquements allégués aux règles de procédures fixées par la Charte du football professionnel
L’appelant reprochait à la société d’une part, l’absence de mention de la sanction envisagée à son encontre dans la lettre de convocation à entretien préalable, et d’autre part le défaut de saisine de la Commission juridique avant la convocation à cet entretien.
La Cour a écarté ce moyen, précisant qu’à la date à laquelle la procédure disciplinaire avait été engagée par l’OL, aucune disposition de la Charte ne prescrivait à l’employeur de faire mention des motifs de la sanction envisagée dans la convocation à entretien préalable.
La Cour précise également que, dans le silence de la Charte sur ce point, la procédure conventionnelle de conciliation prévue à son article 681 pouvait intervenir n’importe quel moment de la procédure disciplinaire, dès lors qu’elle était antérieure à la décision de l’employeur sur le fond.
Claude PUEL n’a donc été privé d’aucune garantie de fond dont la méconnaissance par le club était susceptible de rendre illicite la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée.
2° Sur le non respect du règlement intérieur type prévu par la Charte du football professionnel
La Cour d’appel a également rejeté l’argument de Claude PUEL tiré de l’impossibilité pour le club de prononcer à son encontre une rupture anticipée de son contrat de travail, cette sanction n’étant pas expressément prévue par le règlement intérieur type prévu par la Charte.
Tout d’abord, la Cour rappelle que l’absence de règlement intérieur ou l’omission d’une sanction légalement prévue par la loi dans un règlement intérieur ne peut avoir pour effet d’en interdire le prononcé (à ce titre, précisons que le règlement intérieur dont se prévalait Claude PUEL concernait les seuls joueurs et non les éducateurs).
Or, l’article L 1243-1 du Code du travail prévoit expressément que le contrat à durée déterminée peut être rompu avant l’échéance de son terme en cas de faute grave.
3° Sur la faute grave permettant la rupture anticipée du contrat à durée déterminée
Dans un premier temps, la Cour considère que les griefs reprochés par l’OL à son ancien entraîneur, relatifs entre autre au bilan négatif de son parcours professionnel depuis son engagement, à son orgueil démesuré l’ayant conduit à s’enfermer dans une attitude autocratique et autoritaire, à son insubordination volontaire et répétée pendant la période de crise qu’a connu le club en mai 2011 ainsi qu’à son manque de communication avec le Président du club, son bien constitutifs d’un faute.
Dans un second temps, la Cour appréciant la gravité de la faute commise a estimé que celle-ci doit s’apprécier en fonction de l’enjeu que comporte l’exécution de l’obligation attendue du salarié dans le cadre d’un contrat commutatif impliquant, selon l’article 1104 du Code civil, que chacune des parties s’engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l’équivalent de ce qu’on lui donne ou de ce que l’on fait pour elle.
Elle juge à ce titre qu’un salaire mensuel brut moyen supérieur à 300.000 euros crée une obligation de moyen renforcée en vue d’atteindre l’objectif de résultat assigné et que cette obligation ne permet pas à un entraîneur sportif de s’affranchir des instructions qui lui sont données par le Président du club en vue de la poursuite du même objectif, qu’elle soient courtoises ou injonctives.
La Cour estime que ce comportement est constitutif d’un déni du lien de subordination que les très larges prérogatives de Claude PUEL n’avaient pas fait disparaître, et qu’en persistant à ignorer les instructions du Président du club, il avait lui-même rendu impossible son maintien dans l’entreprise.
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L’actuel entraîneur de l’OGC NICE a d’ores et déjà fait savoir qu’il comptait se pourvoir en Cassation.
Affaire à suivre…
Commentaire d’arrêt : Cour d’appel de Lyon, Chambre sociale A, 10 février 2015
Arnaud PILLOIX, assisté de Julie BUKHART