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Droit du Travail
par Sébastien Millet

Le harcèlement moral ascendant : le cas des cadres harcelés par un délégué syndical


Le statut protecteur de délégué syndical rend-il « intouchable » et autorise-il, sous couvert d’action syndicale, tous les comportements ?

Réponse négative de la Cour de cassation.

On n’harcèle pas sans impunité le personnel, y compris lorsque le harceleur est syndicaliste et que les victimes principales sont des cadres de l’entreprise.

Les cas de jurisprudence restent peu nombreux, ce qui rend les décisions rendues d’autant plus significatives, surtout lorsque est reconnu comme ici l’existence d’un harcèlement moral « ascendant » à l’égard des cadres de direction de l’entreprise …

Dans un arrêt récent, la Chambre criminelle (cf. Cass. Crim. 17 mars 2015, n° 13-87037, à rapprocher d’une précédente décision – cf. Cass. Crim. 28 mai 2013, n° 11-88009) vient ainsi approuver la condamnation pénale d’un délégué syndical pour harcèlement moral (en l’occurrence le prévenu écope d’une peine de 8 mois d’emprisonnement avec sursis et de 5000 euros d’amende, outre la condamnation à indemniser plusieurs de ses collègues victimes qui s’étaient constituées parties civiles).

Cette affaire est un véritable « catalogue » d’agissements et propos ayant non seulement pour effet mais avant tout pour objectif de dégrader les conditions de travail du personnel d’encadrement principalement (menaces, intimidations, pressions, insultes, humiliation, climat de terreur , accusations personnelles, etc.) … à tel point que d’anciens cadres dirigeants -y compris le DRH- avaient « craqué » et démissionné !

Entre autres, l’arrêt retient des actes de « sabotage moral » dans le but de faire partir l’équipe de direction (DRH, responsable sécurité, financiers), en « claironnant haut et fort » à l’égard du reste du personnel que l’intéressé fait « ce qu’il veut ».

L’adage dit que « la fin ne justifie pas les moyens » ; mais ici la finalité poursuivie était elle-même répréhensible.

Les juges retiennent que de tels faits, commis au temps et au lieu du travail, ne pouvaient en aucune manière se justifier au regard de l’exercice normal de l’action syndicale et n’étaient pas rattachables à l’exercice du mandat et à la défense des intérêts des salariés.

Compte tenu du caractère grave, répété et systématique de ces agissements, et de leurs conséquences (arrêts de travail, etc.), tous les ingrédients de qualification de l’élément matériel et intentionnel du délit de harcèlement moral étant réunis, la demande de relaxe motivée par l’existence d’un prétendu complot à son encontre est rejetée (il est particulièrement bienvenu que ni le Ministère public, ni les magistrats du siège ne soient liés par la décision de l’Inspecteur du travail, qui avait en l’espèce refusé d’autoriser le licenciement pour faute de l’intéressé malgré cette accumulation d’éléments à charge).

Au final, la sanction pénale et financière est lourde.

Si l’affaire était caricaturale, cette décision a le mérite de venir rappeler que les cadres (notamment dirigeants) ont un même droit au respect de leur dignité que le reste du personnel de l’entreprise.

 



Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

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