par Adrien Simonot
La nouvelle procédure de contestation de l’avis d’inaptitude du médecin du travail
Le médecin du travail est chargé d’évaluer l’aptitude du salarié à exercer ses fonctions. Au cours d’une visite médicale, il peut ainsi rendre un avis d’aptitude, d’aptitude avec réserves, ou encore d’inaptitude. En présence de cet avis, le salarié ou l’employeur peuvent respectivement décider de le contester.
La procédure de contestation a été intégralement modifiée par la loi du 8 août 2016, dite « loi Travail ». En effet, depuis le 1er janvier 2017, si l’on veut contester l’avis rendu par le médecin du travail, il est désormais nécessaire de saisir le Conseil de prud’hommes afin de demander la désignation d’un médecin expert.
Auparavant, c’était l’inspecteur du travail qui était compétent pour examiner les contestations à ce sujet, lequel consultait, avant de prendre sa décision, le médecin inspecteur du travail.
- Quelle est la nouvelle procédure applicable ?
Désormais, le salarié ou l’employeur qui entend contester l’avis d’inaptitude doit saisir le Conseil de prud’hommes dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’avis, pour demander la désignation d’un médecin expert (Le délai est de 2 mois lorsque l’avis médical a été établi avant le 1er janvier 2017).
Le Conseil de prud’hommes statue sur cette demande « en référé » (procédure accélérée). La contestation de l’employeur ou du salarié ne porte que sur les éléments de nature médicale de la décision du médecin du travail.
Le demandeur doit informer le médecin du travail de la saisine du Conseil de prud’hommes. Les dispositions légales et réglementaires ne prévoient pas dans quel délai cette information doit avoir lieu, ni les conséquences d’une éventuelle omission sur la suite de la procédure.
Le médecin expert désigné peut alors soit confirmer l’avis du médecin du travail, soit infirmer celui-ci.
Rien n’est prévu toutefois dans les textes sur le délai dans lequel le Conseil de prud’hommes doit désigner le médecin expert, ni sur le délai dans lequel ce dernier doit rendre sa décision.
- Qu’en est-il du coût d’une telle procédure ?
Outre les frais de justice liés à une telle procédure judiciaire, la procédure de contestation nécessite aujourd’hui de rémunérer l’expert désigné par le Conseil de prud’hommes.
- Qui va devoir prendre en charge les frais d’expertise ?
Le Code du travail prévoit simplement que le Conseil de prud’hommes « pourra » décider de ne pas mettre les frais d’expertise à la charge de la « partie perdante », dès lors que l’action en justice n’est pas dilatoire ou abusive (Article L 4624-7 du Code du travail).
Le choix des termes utilisés par le législateur est surprenant. Dans une telle action, qui est « la partie perdante » ? Si l’employeur souhaite contester un avis d’inaptitude et qu’il sollicite la désignation d’un médecin expert, le salarié, qui n’est pas l’auteur de la décision d’inaptitude, ne peut valablement être considéré comme la partie perdante…
Il en est de même lorsque c’est le salarié qui conteste l’avis du médecin du travail. Pourquoi les frais d’expertise devraient être mis à la charge de l’employeur, alors qu’il ne peut être responsable de la décision prise par le médecin du travail ?
Ainsi, il semble que la seule solution envisageable soit que la partie demanderesse supporte seule la charge des frais d’expertise, qu’elle soit « employeur » ou « salariée ».
Reste donc à attendre les premiers contentieux en la matière pour connaitre la pratique des différents Conseils de prud’hommes et leur interprétation respective de ces dispositions …
- Quelle est la situation du salarié dans l’attente de la décision du Conseil de prud’hommes ?
Le Code du travail ne se prononce pas sur cette question. Toutefois, on peut considérer qu’en présence d’un avis d’inaptitude, le recours devant le Conseil de prud’hommes ne suspend pas le délai d’un mois dont dispose l’employeur pour reclasser le salarié ou reprendre le paiement du salaire.
Si le salarié est licencié avant que n’intervienne la décision du Conseil de prud’hommes et si l’expert infirme l’avis d’inaptitude, le licenciement sera en principe considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse, en cas de contestation du salarié.
Pour éviter une condamnation future, l’employeur a donc tout intérêt à attendre l’issue de la procédure prud’homale pour appliquer la décision du médecin du travail. Mais dans l’attente, une fois écoulé le délai d’un mois à l’issue de la décision d’inaptitude, il doit reprendre le paiement du salaire, et rémunérer le salarié pendant toute la procédure prud’homale.
Compte tenu des délais actuels devant certains Conseil de prud’hommes, y compris en référé, cette procédure de contestation risque toutefois de durer plusieurs mois.
- La réforme de la procédure de contestation, qui pouvait apparaître nécessaire notamment en raison du faible nombre de médecin inspecteur et des difficultés rencontrées par les inspecteurs du travail à se prononcer sur des questions médicales, soulève encore à l’heure actuelle de nombreuses questions d’application qui devront être résolues.
avis d'inaptitude • conseil de prud'hommes • contestation