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Droit du Travail
par Guillaume Dedieu

Aucune prise en charge des frais d’expertise si la désignation de l’expert est prématurée


La désignation des représentants du personnel d’un expert-comptable pose souvent la question de la prise en charge de ses honoraires. Est-elle à la charge des représentants du personnel ou à la charge de l’employeur ? Un arrêt récent de la Cour de cassation est venu préciser que le timing de désignation de l’expertise pouvait interférer dans l’imputation du coût de cette prestation (Cass. soc., 28 mars 2018, n° 16-12.707 FS-PB).

Pour rappel, le code du travail impose à l’employeur de consulter les élus (comité d’entreprise ou comité social et économique) sur la situation économique, comptable et financière de l’entreprise avant leur présentation devant les organes de direction de l’entreprise . Cette consultation annuelle, créée par la loi « Rebsamen », reprend l’ancien « examen annuel des comptes» .

Concrètement, dans le cadre de cet examen, sont notamment remis aux élus le bilan financier, les comptes de résultat et autres annexes comptables. Ils peuvent se faire assister par un expert-comptable de leur choix compte tenu de la technicité de l’analyse à effectuer. Le rôle de l’expert est ici de fournir une explication claire et précise des données transmises aux représentants du personnel.

L’enjeu en la matière est le suivant : si les prescriptions du code du travail sont respectées, l’intervention de l’expert-comptable est à la seule charge de l’employeur. En dehors de ces prescriptions, la prise en charge peut incomber au seul comité.

Dans l’arrêt d’espèce, un comité d’entreprise a procédé à la désignation d’une société d’expertise comptable, afin de l’assister pour l’examen annuel des comptes de l’exercice 2011 et des comptes prévisionnels de l’exercice 2012. Cette désignation a été effectuée le 12 juin 2012. C’est ensuite le 25 juin 2012, soit treize jours après, que s’est tenue la réunion de présentation au comité d’entreprise des comptes de l’année 2011 et la remise du rapport financier. L’expert-comptable avait donc été désigné par le comité d’entreprise avant même la présentation et la transmission des comptes par l’entreprise .

Un litige survenait sur la prise en charge des honoraires de l’expert. La société estimait que la désignation de l’expert-comptable était prématurée car devançant le début de la consultation. Elle soutenait en conséquence ne pas être redevable des honoraires de l’expert. Le 9 novembre 2015, la cour d’appel de Paris accédait à la demande de l’employeur. La société d’expertise-comptable formait un pourvoi en cassation.

Selon la société d’expertise-comptable, les dispositions (en vigueur à l’époque) du code du travail n’imposent pas que la désignation de cet expert intervienne lors de la réunion d’information au cours de laquelle les comptes lui sont présentés. La date de cette désignation importe peu, dès lors qu’elle intervient à un moment permettant à l’expert-comptable d’exercer sa mission sur l’exercice comptable concerné. Ainsi, une désignation en amont, antérieure de quinze jours, à la réunion de remise et de présentation du rapport financier permettrait à l’expert d’intervenir immédiatement à la réception des comptes transmis.

La société d’expertise reproche également à la cour d’appel de Paris d’avoir considéré que cette désignation était prématurée et d’avoir ainsi, ajouté une condition temporelle que la loi ne prévoit pas, ce qui a eu pour conséquence de priver le comité d’entreprise d’exercer sa mission. En outre, selon la société d’expertise-comptable, le droit du comité d’entreprise de recourir à l’expert naît à la clôture de chaque exercice comptable.

A contrario, selon l’employeur, le droit à l’expertise prise en charge du comité ne nait qu’au moment où les comptes lui sont transmis. Avant cette échéance, aucun droit à une expertise prise en charge n’existe.

A la question de savoir si le droit pour le comité d’entreprise de se faire assister par un expert-comptable financé par l’employeur s’exerce précisément au jour où les comptes lui sont transmis ou potentiellement avant même la réunion de transmission des comptes, la Cour de cassation va trancher pour la première hypothèse.

La Cour de cassation affirme ainsi que le droit pour le comité d’entreprise de procéder à l’examen annuel des comptes de l’entreprise et de se faire assister d’un expert-comptable dont la rémunération est à la charge de l’employeur s’exerce au moment où les comptes lui sont transmis.

Les conséquences sont alors les suivantes pour l’expertise commandée prématurément : la rémunération de l’expert est à la charge du seul comité.

Dans le cadre de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise, une désignation anticipée d’un expert pourrait également permettre à l’employeur d’estimer que la désignation est irrégulière, et de justifier le non-paiement des honoraires réclamés.

Quentin MLAPA & Guillaume DEDIEU 



Guillaume Dedieu

Avocat associé, Paris

Après l'obtention de son Master 2, intègre plusieurs fédérations sportives pour intervenir sur les questions d'emploi, de ressources humaines et de relations sociales. Exerce en qualité d'avocat au sein du cabinet Ellipse Avocats depuis 2014 à Lyon puis à Paris. Devient associé du bureau parisien au 1er janvier 2020.

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