par Alexandra Giuntini
Salariés protégés : l’annulation de l’autorisation de l’inspecteur du travail emporte automatiquement la nullité de la rupture conventionnelle
Dans un arrêt du 15 mai 2019 (arrêt n° 785, pourvoi n° 17-28.547), la chambre sociale de la Cour de cassation juge que l’annulation de l’autorisation délivrée par l’inspecteur du travail rend nulle la rupture conventionnelle signée avec un salarié protégé.
Ce dernier est donc fondé à obtenir sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent et, à défaut, à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Les faits étaient les suivants :
En 2008, un salarié est embauché en qualité de chef de projet senior, puis est promu en qualité de directeur de projet. Au cours du contrat, il occupe divers mandats de représentation (élu à la délégation unique du personnel et membre du CHSCT).
Le 28 novembre 2012, il signe avec son employeur une rupture conventionnelle.
L’inspecteur du travail autorise la rupture, le 21 janvier 2013.
Sur recours du salarié, le Ministre du travail annule, le 18 juillet 2013, la décision d’autorisation de l’inspecteur du travail.
L’employeur propose au salarié un poste de chef de projet, de qualification inférieure.
Le 27 septembre 2013, estimant être victime d’un refus de réintégration sur son poste ou sur un poste équivalent, le salarié saisit le Conseil de prud’hommes et sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
La Cour d’appel de Paris prononce la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur du fait de l’inexécution de son obligation de procéder à la réintégration du salarié dans son poste ou un poste équivalent.
En effet, la Cour estime que les formalités protectrices n’ayant pas été respectées, la résiliation judiciaire du contrat produit les effets d’un licenciement nul et elle attribue, en conséquence, les indemnités de rupture classiques (licenciement, préavis, congés payés), l’indemnité pour licenciement illicite et une indemnité au titre de la méconnaissance du statut protecteur.
Devant la Cour de cassation, l’ancien employeur tente de faire valoir que la rupture du contrat de travail n’est pas intervenue en méconnaissance du statut protecteur puisqu’elle a été autorisée par l’inspection du travail. Il soutient que l’annulation de l’autorisation donnée par l’inspecteur du travail n’emporte pas, ipso facto, l’annulation de la convention de rupture.
La Cour de cassation rejette cet argument. Raisonnant comme en cas de nullité du licenciement d’un salarié protégé, elle pose comme principe, malgré l’absence de vice du consentement, que l’annulation de l’autorisation administrative entraine l’annulation de la rupture conventionnelle. Le contrat de travail doit donc se poursuivre au même poste ou à un poste équivalent.
Il est donc prudent, en cas de refus d’autorisation, de réintégrer le salarié à son poste en attendant l’issue du recours, sauf à justifier d’une impossibilité, rarement admise par les tribunaux en pratique.
A défaut, cet arrêt nous enseigne que le salarié pourra obtenir la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de son employeur.
Marianne COLLIGNON-TROCME, Avocat associée
Alexandra GIUNTINI, Avocat