par Louis Desmet
Convention de forfait en jours : obligation d’effectivité du contrôle de la charge de travail pour l’employeur
La garantie de la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis à une convention de forfait en jours sur l’année est fondamentale.
Au fil des décisions, les obligations de l’employeur vis-à-vis de ces conventions se sont intensifiées. C’est ce que vient confirmer la récente décision de la Cour de cassation en imposant à l’employeur une obligation d’effectivité du suivi.
1. Le rappel de l’obligation de protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis à une convention de forfait en jours
L’employeur est tenu de s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition de son temps de travail. (C. Trav., L.3121-60)
Afin de s’assurer de l’efficacité de cette protection, l’accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours sur l’année détermine un certain nombre de garde-fou, notamment les modalités selon lesquelles : (C. Trav., L.3121-64)
- l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
- l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;
- le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.
Les dispositions légales prévoient également qu’un entretien annuel doit être tenu afin de vérifier que les dispositions de protection énoncées ci-dessus soient respectées.
A défaut, la sanction est importante : la nullité de la convention de forfait en jours du salarié et, en conséquence, le paiement des heures supplémentaires, du repos compensateur, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, ainsi que d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
2. Le renforcement de cette protection par la décision du 19 juin 2019
Par cette nouvelle décision la Cour de Cassation vient renforcer l’obligation de contrôle opérée par l’employeur dans le cadre des salariés soumis à une convention de forfaits en jours, en rendant inopposable un accord d’entreprise aux motifs que :
« Ces dispositions, en ce qu’elles ne prévoient pas de suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs de temps travaillé transmis, permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé ».
Les dispositions des accords doivent donc prévoir un suivi effectif et régulier des états récapitulatifs du temps de travail transmis par le salarié.
S’il n’est pas inédit que la Cour de cassation déclare nulle une convention de forfait en jours pour non-respect d’un suivi régulier de la charge de travail du salarié, il semblerait que pour la première fois elle impose que celui-ci soit effectif via un suivi régulier par la hiérarchie des temps travaillés.
En l’espèce, le suivi mis en place par la société condamnée était le suivant :
- le salarié doit déclarer l’organisation de son temps de travail à l’issue de la semaine au service paie ;
- le service paie créé un décompte que le salarié signe ;
- un décompte annuel récapitulatif est établi.
Les juges ont estimé que la signature par le salarié de ces décomptes n’était que formelle et n’assurait donc pas de suivi effectif de la charge de travail du salarié.
Bien que cet arrêt ne soit pas publié et peut sembler sévère pour l’employeur, il confirme la tendance de la Cour de cassation à durcir le contrôle de la charge de travail des salariés soumis à des conventions de forfait en jours pour l’employeur soumis à une obligation de sécurité.
Cette décision tend également à s’interroger sur l’effectivité des moyens internes de suivi mis en œuvre par les entreprises.
La mise en place du suivi en direct par le supérieur hiérarchique du salarié soumis à une convention de forfait en jours doit être privilégiée, plus effectif en matière de contrôle de la durée du travail qu’un simple contrôle par le service paie qui se borne à vérifier que le nombre de jours de repos soit respecté sur l’année.
convention de forfait en jours • santé et sécurité • suivi de la charge de travail