par Célia Ressaire
Vers la restriction du droit d’accès à l’information de l’expert-comptable désigné par le CSE
Le comité social et économique (CSE) peut, dans certaines situations, se faire assister par des experts ayant un droit d’accès à l’information assez large en fonction de l’étendue de leur mission.
Le CSE peut notamment décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de ses consultations récurrentes (C. trav. art. L 2315-87 et suivants) et ponctuelles (C. trav. art. L 2315-92).
L’employeur devra fournir à l’expert les informations nécessaires à l’exercice de sa mission (C. trav. art. L 2315-83).
La question qui se pose est de savoir quelle est l’étendue du droit d’accès à l’information de l’expert-comptable désigné par le CSE ?
Conformément à l’article L. 2315-90 du code du travail, l’expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes de l’entreprise pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l’exercice de ses missions.
La jurisprudence bien établie de la Cour de cassation et des cours d’appel accorde à l’expert désigné par le CSE un droit presque absolu d’accès à la documentation de l’entreprise.
Or, depuis les ordonnances Macron de septembre 2017, cet article L. 2315-90 du code du travail précité figure dans un sous-paragraphe intitulé « Expertise dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière ». Auparavant ces dispositions figuraient dans une section dont l’intitulé était plus général « Recours à un expert ».
Autrement dit, ce droit d’accès à l’information, identique à celui du commissaire aux comptes, n’est énoncé que pour l’expert désigné dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise.
Dans un arrêt du 18 février 2021, la cour d’appel de Versailles a adopté une nouvelle position au regard de la jurisprudence établie, en admettant qu’en matière d’expertise menée dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale, le pouvoir de l’expert-comptable n’est pas absolu et ne saurait en aucun cas être assimilé à celui du commissaire aux comptes.
La cour d’appel a rappelé qu’il appartenait « au seul expert-comptable désigné par le comité d’entreprise (aujourd’hui le CSE) d’apprécier les documents qu’il estime utiles à l’exercice de sa mission, dès lors que celle-ci n’excède pas l’objet défini par les textes, que l’expert ne peut toutefois pas exiger la production de documents qui n’existent pas et dont l’établissement n’est pas obligatoire pour l’entreprise, qu’il appartient au juge de vérifier si les documents réclamés ont un lien avec la mission confiée à l’expert ».
Dans son arrêt la cour d’appel n’a fait aucune référence à l’article L. 2315-90 du Code du travail qui assimile le pouvoir d’investigation de l’expert-comptable à celui du commissaire aux comptes.
Par conséquent, contrairement à la jurisprudence établie, la cour d’appel de Versailles a implicitement reconnu (sans l’affirmer) que le droit d’accès à l’information de l’expert-comptable désigné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale n’était pas aussi étendu que celui du commissaire aux comptes.
CA Versailles, 6e ch., 18 févr. 2021, n° 20/01084
Enfin, il ne s’agit là que d’un arrêt de la cour d’appel. Nous attendons donc ce que la Cour de cassation décidera lorsqu’elle sera saisie de cette problématique.
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