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Droit de la Santé, sécurité au travail, Droit du Travail
par Sébastien Millet

Déploiement du passe sanitaire et de l’obligation vaccinale pour les salariés : panorama des obligations pour les employeurs 


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La loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire et ses décrets d’application n° 2021-1056 et 1059 du 7 août 2021 ont institué deux dispositifs parallèles qui viennent compléter la panoplie d’outils de lutte contre l’épidémie de covid-19 dans le contexte de regain épidémique lié au variant delta : le passe sanitaire d’une part, l’obligation vaccinale d’autre part. En arrière-plan, chacun aura compris la volonté des pouvoirs publics d’inciter à la vaccination.

Ces deux dispositifs doivent être bien distingués, d’autant qu’ils obéissent à un régime juridique différent, même s’il existe certaines caractéristiques communes. Pour certains établissements, ils peuvent en outre s’appliquer de manière cumulative.

Leur calendrier d’entrée en vigueur pour les professionnels impose aux entreprises de bien s’approprier ces mécanismes spécifiques et complexe, ainsi que leur nouveau jargon associé, dans un contexte de rentrée placé sous le signe de l’anticipation.

Les employeurs sont en effet de nouveau mis à contribution pour faire fonctionner le système, sous l’angle du contrôle effectif du respect du passe sanitaire et de l’obligation vaccinale, selon les cas.

Précisons à titre préliminaire que ces dispositifs ne s’appliquent qu’à certaines catégories d’établissements et d’activités limitativement visées par les textes précités (nous ne reviendrons pas ici sur le détail du champ d’application, qui doit être vérifié au cas par cas – cf. art. 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 modifié pour le passe sanitaire, et art. 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 pour la vaccination obligatoire).

En synthèse, les employeurs concernés doivent se préparer (si ce n’est déjà fait) et veiller à mettre en œuvre les mesures suivantes :

 

  PASSE SANITAIRE

 

VACCINATION OBLIGATOIRE
1. Cartographier le personnel concerné par l’obligation (salariés, stagiaires, intérimaires, travailleurs bénévoles, prestataires extérieurs, etc.)

 

Pour certains personnels, seule une partie de l’activité peut être concernée (obligation partielle).

 Anticiper les déplacements et missions nécessitant un justificatif (selon l’administration, il n’appartient toutefois pas à l’employeur de contrôler le passe pour les déplacements de ses collaborateurs, mais il semble judicieux de bien les informer pour éviter des  refus d’accès aux lieux de travail extérieurs).

Le décret exempte du passe sanitaire :

– Les travailleurs intervenant dans les lieux visés par l’obligation mais dont l’activité se déroule en-dehors des espaces accessibles au public (ex : bureaux) ou en-dehors des heures accessibles au public (ex : ménage) ;

– Les activités de livraison ;

– Les interventions d’urgence (missions ou travaux dont l’exécution immédiate est nécessaire pour le bon fonctionnement de l’établissement).

Possibilité pour l’employeur, en prévision des contraintes d’activité (cf. justifications fréquentes), de délivrer aux salariés justifiant d’un schéma vaccinal complet et soumis au passe sanitaire un titre spécifique permettant une vérification simplifiée (sorte de « passeport sanitaire professionnel »). Selon le Questions-réponses ministériel, il peut s’agir soit d’une liste accessible uniquement aux contrôleurs habilités, soit d’un titre spécifique délivré une seul fois sans en conserver de trace.

 

Pas de distinction selon le statut professionnel ou l’âge (à noter que pour les professionnels de santé libéraux, l’ARS est compétente pour effectuer le contrôle en l’absence d’employeur).

Pour certains personnels, seule une partie de l’activité peut être concernée (obligation partielle).

Anticiper les déplacements et missions nécessitant un justificatif è En cas d’interventions extérieures,  l’exercice de l’activité dans un établissement visé est conditionné au respect de l’obligation vaccinale, à l’exception des personnes chargées de l’exécution d’une tâche ponctuelle au sein des locaux (définie par le Question-réponses comme une intervention très brève et non récurrente, non liée à l’activité normale et permanente de l’entreprise, accomplie par des travailleurs non intégrés dans le collectif de travail et n’exerçant pas leur activité en lien avec le public (ex : livraison, réparation urgente).

 

2. Anticiper l’entrée en vigueur pour les professionnels 30 août 2021

(NB : 30 septembre 2021 pour les travailleurs mineurs > 12 ans)

* Fin de l’obligation : 15 novembre 2021 (sauf prolongation légale)

Entrée en vigueur graduée en biseau, à titre transitoire :

Phase 1 (du 9 août au 14 septembre 2021) : exigence équivalente au passe sanitaire (sauf dispense en cas de justification d’un certificat permanent de contre-indication médicale / certificat temporaire de rétablissement suite à contamination > 11 jours et < 6 mois)

Phase 2 (du 15 septembre au 15 octobre 2021) : à défaut de schéma vaccinal complet, et sauf cas de dispense ci-dessus, exigence de justificatif d’une dose (sauf vaccin Janssen) + test virologique négatif < 72 h

Phase 3 (à partir du 15 novembre 2021/ * Obligation légale non bornée dans le temps à ce stade) : Exercice de l’activité subordonnée à un justificatif de schéma vaccinal complet (sauf 2 cas de dispense ci-dessus)

 

3. Habiliter le personnel autorisé à effectuer les contrôles

 

Former les agents

 

Formaliser les consignes

 

Mettre à disposition les moyens nécessaires

 

Obligation :

D’habiliter ou de désigner nominativement les salariés chargés du contrôle (à noter que les textes n’emploient pas le terme de délégation de pouvoirs et prévoient que le contrôle est effectué « pour le compte » de l’employeur/ l’exploitant) ;

-De mettre en place et tenir un registre détaillant les personnes habilitées, la date de l’habilitation, et les jours et horaire de contrôle par ce personnes (à l’exclusion de toute mention relative aux personnes contrôlées) ;

-De leur mettre à disposition les terminaux de contrôle (l’utilisation du téléphone personnel est déconseillée et ne peut en tout état de cause pas être imposée au salarié).

Il est recommandé que les personnes habilitées soient a minima formées et sensibilisées sur :

-L’utilisation des outils (application TousAntiCovid Vérif) ;

-Les bonnes pratiques de contrôle (notamment en matière de protection des données à caractère personnel) et les interdictions (cf. pratiques illicites de contrôle hors des cas prévus ; interdiction de contrôles d’identité en-dehors des forces de l’ordre ; RGPD et risques de collecte ou de traitement illicite de données ; prévention des fraudes de toute nature, etc.) ;

-La conduite à tenir face aux incivilités (sachant que les violences volontaires sur personnes habilitées au contrôle constituent une infraction pénale aggravée).

Il convient par ailleurs de formaliser a minima, et par tout moyen écrit, les consignes adaptées de contrôle.

 

Les employeurs sont chargés du contrôle (selon les besoins, le contrôle doit pouvoir être délégué selon les mêmes modalités et précautions).

En cas d’embauche, le candidat sélectionné est informé qu’il devra justifier de son obligation vaccinale (attention toutefois car les offres d’emploi ne sauraient subordonner l’embauche à la vaccination ; idem en cas de refus d’embauche fondé sur l’état de santé et discriminatoire).

Pour les intérimaires, l’administration indique qu’il appartient à l’entreprise de travail temporaire d’effectuer la vérification.

4. Mettre à jour l’évaluation des risques professionnels

 

Les procédures de contrôle constituent une nouvelle activité auxquels des facteurs de risque sont associés, qui doivent être évalués afin de donner lieu à des mesures de prévention adaptées (cf. notamment violences).

Ces dispositifs ont par ailleurs une nature administrative et ne relèvent pas l’employeur de son obligation de sécurité è Le protocole sanitaire de l’entreprise doit être adapté autant que de besoin en tenant compte des recommandations ministérielles (cf. PNE).

Le passe sanitaire ou la vaccination ne dispense pas de l’application des mesures barrière (point qui mérite une sensibilisation du personnel).

A noter : la loi prévoit une dispense de port du masque dans les ERP pour les personnes justifiant du passe sanitaire, mais celui-ci peut toutefois continuer à être imposé soit sur décision du préfet, soit de l’employeur ou de l’exploitant (ce qui paraît rester recommandé dans la période actuelle).

 

5. Mettre à jour les procédures internes

 

Cela concerne notamment le registre des activités de traitement de données à caractère personnel (cf. RGPD) : interdiction de collecter les QR codes (uniquement l’information selon laquelle le passe est valide ou non).

Attention : la conservation et/ou la réutilisation d’un passe sanitaire à d’autres fins que le processus de vérification constitue une délit (peines applicables aux personnes physiques :  un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende).

 

Sur le plan du RGPD, le registre des activités de traitement (ou de sous-traitance) doit intégrer le cas échéant la conservation du résultat du contrôle jusqu’à la fin de l’obligation vaccinale (* non définie).

Obligation de sécurisation des données conservées jusqu’à destruction.

 

6. Informer le personnel et consulter le CSE 1. Sur le plan collectif, dans les entreprises de 50 salariés et plus, le CSE (lorsqu’il existe) doit être informé et consulté sur les mesures unilatérales de déclinaison des dispositifs, dans la mesure où celles-ci impactent la marche générale de l’entreprise.

Compte tenu de l’entrée en vigueur abrupte de la loi, il est dérogé aux règles de  consultation habituelles : l’employeur doit informer sans délai et par tout moyen le CSE sur les mesures mises en oeuvre, et organiser ensuite sous 1 mois une réunion de consultation (l’avis implicite sera réputé acquis au terme du délai).

Dans les entreprises de moins de 50 salariés dotées d’un CSE de « petites attributions », il est également recommandé de faire jouer le dialogue social (via une  information a minima).

 

2. Ensuite, les mesures doivent être diffusées et affichées en interne via note de service auprès du personnel (à fournir le cas échéant au CSE), afin que chacun puisse anticiper à son niveau les mesures à prendre, notamment sur le plan du parcours vaccinal (sachant que la loi n’a pas prévu de priorité d’accès au vaccin pour les personnels concernés).

Pour rappel, les employeurs sont invités à relayer les messages de santé public, dans le cadre de la campagne nationale de dépistage et de vaccination.

* Précision : l’administration considère que dans la mesure où ces obligations résultent directement de la loi, il n’y a pas lieu de procéder à la modification du règlement intérieur pour les rendre opposables au personnel,.

 

7. Autorisation d’absence pour vaccination pendant le temps de travail

 

Les salariés/ stagiaires qui le souhaitent peuvent bénéficier d’une autorisation d’absence de droit pour se faire vacciner auprès du centre/ professionnel de son choix, avec :

-Obligation de rémunération comme temps de travail effectif (dans la limite d’une durée raisonnable) ;

-Interdiction de récupération des heures perdues du fait de l’absence.

L’employeur peut toutefois exiger un document justificatif du RDV en amont ou a posteriori.

*NB : en cas d’accident médical liée à la vaccination obligatoire, la loi prévoit que la réparation intégrale des préjudices directement imputables à celle-ci relèvera de la solidarité nationale au travers de l’ONIAM. Cela exclut-il toute possibilité d’application de la législation sur les ATMP ? La question pourrait éventuellement se poser au regard de la jurisprudence dès lors que la lésion ou la pathologie survenant présente un lien avec le travail …

 

8. Contrôle effectif du respect de l’obligation Obligation de vérification via support papier ou numérique.

NB : interdiction d’exiger un passe sanitaire en-dehors des cas prévus par la loi.

*A noter que le salarié peut justifier d’une dispense (certificat de contre-indication/ de rétablissement) auprès du médecin du travail, qui doit alors en informer sans délai l’employeur.

En cas de fourniture d’un certificat de rétablissement, l’employeur devra vérifier la date limite de péremption et solliciter le moment venu un nouveau justificatif.

 

Sanctions de l’employeur en cas de défaut d’organisation du contrôle :
Constat de non-conformité à compter du 9 août 2021 è Procédure de mise en demeure applicable (sauf urgence ou évènement ponctuel), avec obligation de mise en conformité sous 24 h maximum. A défaut, possibilité de fermeture administrative pour 7 jours, révocable en cas de justification d’accomplissement des diligences requises.

L’infraction constitue un délit en cas de réitération multiple (3 x sur une période de 45 jours) è peines applicables aux personnes physiques : 1 an d’emprisonnement et 9000 euros d’amende).

A côté de ces règles spéciales, en cas d’impasse totale sur l’obligation de contrôle, la question pourrait se poser du délit de mise en danger (cf. C. Pén., art. 223-1), étant toutefois précisé que ses critères de mise en oeuvre au cas par cas sont d’interprétation stricte devant les juridictions correctionnelles.

Dès la primo-infraction constatée, le manquement constitue une contravention pénale de 5e classe (avec possibilité de procédure d’amende forfaitaire).

L’infraction constitue un délit en cas de verbalisation réitérée (3 x sur une période de 30 jours) è peines applicables aux personnes physiques : 1 an d’emprisonnement et 9000 euros d’amende).

* NB : les agents de contrôle de l’Inspection du travail ne font pas partie des agents habilités à rechercher et constater ce type de manquement.

9. Accompagner les personnels en situation irrégulière et suivre l’évolution de leur situation

 

La loi prévoit un dispositif spécial non pas de rupture, mais de simple « suspension sanitaire » du contrat de travail (CDI ou CDD), sans rémunération ni acquisition de droits à congés payés è Nécessité d’anticiper d’éventuels refus et les besoins de réorganisation afin de pourvoir à l’absence.

Il est donc essentiel que les personnels concernés soient bien informés des conséquences légales en cas de non-justification, à charge pour eux de prendre leurs responsabilités.

Attention : il ne s’agit pas d’une sanction disciplinaire, sachant que le refus de fourniture d’un justificatif ne constitue pas une faute professionnelle (contrairement à la production d’un justificatif frauduleux, outre les sanctions pénales encourues).

L’employeur ne peut imposer une prise de congés payés/ JRTT (libre initiative du salarié).

* NB : la suspension du contrat de travail n’entraîne pas suspension du mandat pour les représentants du personnel, mais l’administration recommande d’aménager les modalités du dialogue social, notamment en facilitant les échanges en distanciel.

Attention : la suspension ne s’applique pas aux activités du salarié non concernées par l’obligation, ce qui peut conduire à des mesures de suspension partielle.

En cas de poste/ activité télétravaillable, un placement en télétravail peut constituer une alternative temporaire et facultative (l’employeur peut l’imposer le cas échant au titre de la crise sanitaire).

 

 Obligation de notification écrite de la suspension temporaire du contrat (le jour même, et jusqu’à production du justificatif).

J+3 jours travaillés : tenue d’un entretien (en présentiel ou distanciel) pour examiner conjointement les possibilités de régularisation de situation.

16 novembre 2021 : Fin de la suspension (sauf éventuelle prolongation légale)

 

Le salarié a l’interdiction d’exercer son activité è Notification écrite de la suspension de plein droit du contrat.

Pas d’obligation d’organiser un entretien, mais un accompagnement reste recommandé.

Attention : la loi impose le maintien des garanties de protection sociale complémentaire malgré l’absence de rémunération (règle d’ordre public).

Pour les professionnels de santé, obligation d’information du Conseil de l’Ordre compétent en cas de suspension prolongée de plus de 30 jours.

 

 

Force est de constater au terme de ce panorama que la mise en œuvre de ces dispositifs s’avère être pour les employeurs concernés une source de complexité supplémentaire venant s’ajouter au contexte particulier de rentrée et de plans de retour en entreprise.

Cela impose d’adapter les organisations et d’anticiper une gestion épineuse de l’absentéisme (dans un contexte là aussi de recrudescence marquée par la crise sanitaire), et de respecter un formalisme juridique adaptée afin de pouvoir justifier de l’accomplissement des diligences.

Espérons que les services de l’Etat sauront se montrer pragmatiques en cas de contrôle, faute de quoi, du contentieux sera à prévoir.

Au-delà du formalisme documentaire et organisationnel, le plus délicat reste sans doute de limiter les cas de blocage, et pour cela, de mettre en place une pédagogie de communication adaptée auprès du personnel, sachant que le sujet est particulièrement clivant et source de tensions potentielles …

 

Pour aller plus loin (documentation non exhaustive) :

  • Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise, mis à jour le 9 août 2021 ;
  • Question-réponses de la DGT sur l’obligation de vaccination ou de détenir un passe sanitaire pour certaines professions (mis à jour le 20 août 2021) ;
  • Instruction DGCS du 11 août 2021 relative à la mise en oeuvre de l’obligation vaccinale et du passe sanitaire dans les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux ;
  • Protocole pour la vaccination par les services de santé au travail au moyen des vaccins anti-covid du 9 août 2021
  • FAQ Pass sanitaire pour les professionnels (juillet 2021)

 

 

 



Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

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Claire Golias
dans Droit du Travail