XS
SM
MD
LG
XL
Droit du Travail
Nouveau
par Anne Level

Preuve illicite ou déloyale, la question de la recevabilité d'enregistrements de vidéosurveillance


La preuve est libre… dans la limite des règles du procès équitable. ⚖

Dans un arrêt récent, la Chambre sociale de la Cour de cassation rappelle les règles applicables en termes de recevabilité de la preuve illicite ou déloyale.

Commentaire de l’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 8 mars 2023 (21-17.802), publié au bulletin, complétant le panorama des règles de preuves réalisé plus tôt cette année.

Quels sont les faits de l’espèce ?

Une commerçant met en place un système de vidéosurveillance dans le magasin parce qu’il soupçonne des vols de la part de salariés. Les images confirment les soupçons, et l’employeur licencie la salariée concernée pour faute grave.

Pourtant, devant la Cour d’appel, l’employeur est condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La raison ? Les enregistrements sont écartés car ils sont jugés irrecevables.

 

Quelles sont les règles en matière de preuve illicite et/ou déloyale

Licéité des modes de preuve, contrôle du juge.

Licéité des modes de preuve, contrôle du juge.

« 5. Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

6. En présence d’une preuve illicite, le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi. »

Qu’est ce qu’une preuve illicite ou déloyale ?

 

Il faut pour cela s’intéresser aux critères jurisprudentiels.

Dans l’arrêt que nous commentons, l’employeur n’avait pas respecté les règles de mise en place de la vidéosurveillance : il n’avait pas informé la salariée des finalités du dispositif de vidéosurveillance (l‘article 32 de la loi du 6 janvier 1978) et n’avait pas sollicité, pour la période considérée, l’autorisation préfectorale préalable exigée par les dispositions alors applicables .(L. 223-1 et suivants du code de la sécurité intérieure)

La preuve est ici illicite, car des critères légaux impératifs n’ont pas été respectés.

La définition de la preuve déloyale est plus large, et englobe de manière générale les atteintes à la vie privée du salarié auxquelles celui-ci n’a pas consenti ou dont il n’a pas été informé.

Cela peut être le cas d’un recueil de publications privées sur les réseaux sociaux, ou de preuves obtenues par des enregistrements audios de conversations téléphoniques, par un suivi par détective privé ou entreprise spécialisée, …

 

Sont-elles systématiquement écartées ?

 

Non.

La Cour de cassation opère un contrôle dit « de proportionnalité ». Le juge doit s’assurer que la mise en place du mode de preuve avait un objectif légitime. En l’espèce, l’objectif était de prévenir des vols, ce qui ne pose pas de difficulté pour la Cour.

Le juge effectue ensuite une balance entre plusieurs critères : la gravité de l’atteinte à la vie privée du salarié mais également la nécessité du mode de preuve pour l’employeur.

C’est ce dernier critère qui pèche en l’espèce : l’employeur se prévalait de soupçons suite à un audit  ayant mise en évidence des anomalies, ce qui l’avait poussé à installer des caméras. Or, l’audit en question n’a jamais été produit par l’employeur. La Cour de Cassation estime que la preuve pouvait au moins en partie être établie par la production de l’audit et rejette les enregistrements produits seuls.

La solution aurait donc pu être différente si l’audit initial avait été produit.

Pour le contrôle de proportionnalité, d’autres critères sont parfois pris en compte, comme par exemple l’audience des publications sur les réseaux sociaux, …

Chaque cas est donc différent et dépend des circonstances propres de l’espèce.

 

 

 

Un article écrit avec l’aide de Mathilde Martin de Saint Semmera.


Anne Level

Avocat, Bordeaux

Après avoir travaillé dans le service des relations sociales d'un grand groupe, j'ai intégré le cabinet ELLIPSE AVOCATS en 2019.

Contactez nous

Obtenez le meilleur conseil
en droit du travail pour votre entreprise

Obtenir du conseil

Confidentialité et réactivité
Nos avocats interviennent partout en France

Continuer
La lecture