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par Justine Devos

Congés payés : la responsabilité de l'État engagée en 2023


La Cour Administrative d’Appel (CAA) de Versailles a condamné l’Etat français dans son arrêt du 17 juillet 2023 à propos des salariés français en arrêt maladie qui n’acquièrent pas 4 semaines de congés payés.

Dans cette affaire, il s’agit des syndicats CGT, Solidaires et FO qui engagent la responsabilité de l’Etat et demandent la réparation du préjudice subi par les salariés français du fait de la non-conformité du Code du Travail au droit de l’Union Européenne.

Une action syndicale pour les congés payés en 2017

 

Le parcours judiciaire de cette affaire est intéressant. Tout d’abord, en avril 2017, le tribunal administratif de Montreuil rejette la demande des syndicats. En juin 2020, la CAA Versailles, dans un premier arrêt d’appel, rejette elle aussi les demandes. Les syndicats se pourvoient et, en décembre 2021, le Conseil d’Etat a annulé le premier arrêt de la CAA Versailles et renvoyé à nouveau l’affaire devant la même juridiction (CE, 15 décembre 2021, n°443511).

C’est donc en juillet 2023 que la CAA de renvoi, toujours Versailles, annule le jugement d’avril 2017, et donne enfin raison aux syndicats qui affirmaient que la France n’avait pas (ou mal) transposé la directive européenne.

Dans ce second arrêt, la CAA Versailles accepte les demandes des syndicats rejoint la règle européenne. Elle condamne l’Etat français pour ne pas avoir intégralement et/ou tardivement transposé la législation européenne sur le droit au repos des salariés.

 

Un droit des congés payés non-conforme à la législation européenne

 

Juridiquement, la Cour engage la responsabilité de l’État du fait des lois puisque les dispositions actuelles du Code du Travail sont incompatibles avec deux textes européens et le retard de transposition n’est pas acceptable, provoquant un préjudice à réparer.

En réalité, la CAA Versailles ne vient qu’ajouter une nouvelle condamnation à un sujet à peine dissimulé – l’opposition de la France à accorder des congés payés aux salariés sans travail effectif – et pas récent (l’Etat français avait déjà été condamné par la Cour de Cassation en 2013 CCass, soc, 13 mars 2013, n°11-22.285).

En effet, selon le droit européen, tous les salariés, même malades, doivent acquérir des congés payés.

La directive européenne 2003/88/CE concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail garantit à tous les salariés un congé payé annuel d’au moins 4 semaines et sans distinguer différents types d’absences. L’article 7 dispose : « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines ».

Alors que, dans le droit français, issu de l’article L.3141-3 du Code du Travail toujours en vigueur, on lit très clairement que : « Le salarié qui, au cours de l’année de référence, justifie avoir travaillé chez le même employeur pendant un temps équivalent à un minimum d’un mois de travail effectif a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail. »

Ainsi, les salariés français n’acquièrent des congés payés uniquement contre du travail effectif. Par conséquent, toutes les absences d’origine non professionnelles ne donnent pas droit au repos. La France s’oppose donc à la règle européenne.

 

Vers une transposition du droit européen sur les congés payés ?

 

Une directive européenne est un acte juridique contraignant et commun à tous les Etats Membres. C’est une obligation constitutionnelle ; ce que la France n’a jamais fait sur ce sujet depuis 2003. D’autre part, une directive européenne n’a pas d’effet direct, ni en France ni dans les relations individuelles privées.

Ainsi, pour parvenir au résultat, chaque Etat doit transposer les règles fixées dans sa législation interne. D’autant plus qu’à l’exception des salariés d’une autorité publique, ni un salarié privé, ni un employeur ni un juge ne peuvent se référer à la directive et écarter des dispositions nationales contraires.

Néanmoins, et même si le salarié privé ne peut pas le reprocher à son employeur, il peut néanmoins engager la responsabilité de l’Etat Français pour ne pas avoir mis le droit national en conformité et obtenir réparation du préjudice subi, la perte de 4 semaines annuelles de congés payés.

C’est précisément ce qu’a conclu la CCA Versailles. La juridiction affirme que la France aurait dû transposer cette directive depuis 2005 et attribue 10 000 € à chacun des trois syndicats au titre de l’atteinte portée aux intérêts collectifs.

Pour les employeurs français, rien ne change fondamentalement et ils n’encourent aucun risque. Ils doivent continuer d’appliquer la législation française, à savoir le Code du Travail et n’ouvrir des droits aux congés payés qu’à des salariés ayant fourni du travail effectif.

C’est à l’Etat Français, à nouveau rappelé à l’ordre ici, de changer sa législation en faveur des salariés malades. Ce n’est qu’une fois la loi française changée que les employeurs devront l’appliquer.

Pour plus d’informations, cet article est à votre disposition.

congés payés

Un nouvel épisode à une saga jurisprudentielle dont nous vous parlions déjà en 2011.

 


Justine Devos

Juriste,

Après une expérience de 5 ans qui m’a permis d’appréhender les différentes problématiques juridiques du monde agricole en droit social, j’ai choisi de développer cette expertise au sein du cabinet ELLIPSE AVOCATS. J’interviens en qualité de conseil auprès des entreprises pour les accompagner dans la gestion des relations individuelles et collectives de travail.

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