par Walter Gauthier
Régime collectif « Frais de santé » et dispense d’adhésion du salarié ayant droit
Cet article a initialement été publié dans la revue « l’argus de l’assurance » que nous reproduisons ici avec leur aimable autorisation.
Chapô : Par une décision du 7 juin 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation (n° 21-23.743) précise que la dispense d’adhésion d’un salarié à un régime collectif et obligatoire de frais de santé n’est pas conditionnée à la preuve qu’il bénéficie à titre obligatoire, de la couverture collective de son conjoint en tant qu’ayant droit.
Les faits
Un salarié engagé en qualité d’aide-soignant estimait remplir les conditions pour être dispensé d’adhérer au régime obligatoire de complémentaire santé mis en place par son employeur, dans la mesure où il bénéficiait, à titre facultatif, du régime frais de santé de son épouse en qualité d’ayant droit. Face au refus de son employeur de le désaffilier, il a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la restitution des cotisations salariales prélevées sur sa rémunération.
En premier instance, le Conseil de prud’hommes a ordonné à l’employeur de prendre en compte la dispense du salarié et de lui restituer les cotisations prélevées (soit la somme de 228 €).
La décision
La Cour d’appel de Montpellier (8 septembre 2021, n° 18/00854) statue dans le même sens. Elle constate que le salarié était en mesure de justifier qu’il se trouvait bien dans un des cas de dispense prévus par l’article R. 242-1-6 du Code de la sécurité sociale, à savoir qu’il disposait d’une couverture collective relevant d’un dispositif de prévoyance complémentaire, en qualité d’ayant droit.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur. Elle constate que le salarié justifiait bien de bénéficier d’une couverture collective en qualité d’ayant droit de son épouse et estime que celle-ci en a exactement déduit que le salarié remplissait les conditions de la dispense.
Dans un visa de principe, elle affirme que la dispense d’adhésion au régime mis en place par l’entreprise n’est pas subordonnée à la justification que le salarié bénéficie en qualité d’ayant droit à titre obligatoire de la couverture collective du régime de complémentaire santé de son conjoint.
Le commentaire
La Haute juridiction se prononce, à notre sens, pour la première fois sur les conditions de mise en œuvre de la dispense en qualité d’ayant droit.
Dès lors, en l’absence de précision dans l’acte formalisant le régime et prévoyant ce type de dispense, les employeurs ne pourront s’opposer à une demande de dispense au motif du caractère facultatif de l’adhésion de l’ayant droit. A défaut, ils s’exposent à devoir restituer au salarié les cotisations salariales prélevées sur sa rémunération.
A noter que l’acte formalisant le régime (DUE ou accord collectif) peut être plus restrictif dans les conditions de la dispense et restreindre, par exemple, son application aux ayants droit affiliés à titre obligatoire, ce qui n’était manifestement pas le cas en l’espèce. Il est également possible de ne pas prévoir ce cas de dispense, afin de limiter les contraintes de gestion que cela implique pour les entreprises.
Cette décision, rendue en droit du travail, pose également la question de sa transposabilité en matière Urssaf. Dans une circulaire du 25 septembre 2013 (abrogée à date), l’administration considérait en effet que la dispense ne pouvait jouer que si le dispositif prévoyait la couverture des ayants droit à titre obligatoire.
Si cette précision n’a pas été reprise dans le Bulletin officiel de la sécurité sociale, un inspecteur de l’Urssaf, à l’occasion d’un contrôle, pourrait ne pas retenir une interprétation aussi souple que celle de la Chambre sociale de la Cour de cassation. Dans l’attente d’une position claire de la 2ème Chambre civile, les employeurs doivent se montrer particulièrement vigilants dans la mise en œuvre de cette dispense.
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