par Sébastien Millet
Abus de droit en matière de cotisations & contributions sociales : le dispositif est opérationnel
Parmi la panoplie des mesures visant à endiguer le déficit abyssal de la Sécurité sociale, la loi a mis en place un nouvel instrument de lutte contre la fraude sociale, inspiré du droit fiscal : l’abus de droit (cf. CSS, L.243-7-2).
Les organismes sociaux de recouvrement, URSSAF notamment, ont la possibilité de considérer que les actes constitutifs d’un abus de droit (fictifs ou visant à contourner l’esprit des textes en vue d’éluder ou d’atténuer les contributions et cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle obligatoires) ne lui sont pas opposables.
Le dispositif se veut dissuasif ; en cas d’abus de droit, l’addition est « salée » pour l’entreprise, dont le redressement est majoré de 20% à titre de pénalité.
Toutefois, afin de préserver un équilibre, la loi a permis au cotisant de saisir pour avis et de manière facultative une instance spécifique : le comité des abus de droit.
Cet avis n’est pas contraignant mais a une conséquence au regard de la charge de la preuve :
- s’il est favorable au cotisant, l’organisme qui n’entend pas s’y conformer doit prouver le bien-fondé de son redressement ;
- s’il est favorable à l’organisme, le cotisant qui entend contester le redressement en justice doit prouver l’absence d’abus de droit.
Cette procédure nécessitait un décret en Conseil d’Etat pour sa mise en œuvre ; c’est chose faite avec le décret n° 2011-41 du 10 janvier 2011 (cf. JO d’aujourd’hui), dont l’entrée en vigueur est immédiate.
La procédure devant le comité des abus de droit s’applique aussi bien pour les cotisants relevant du Régime général de la Sécurité sociale que du Régime de la Mutualité sociale agricole.
A noter qu’au-delà des règles visant à garantir l’indépendance et l’impartialité des membres du comité, le décret organise la procédure et les délais applicables, de manière à respecter la règle du contradictoire.
Le texte précise également comment s’articule cette procédure par rapport :
- à la procédure devant la Commission de recours amiable (CRA) de l’organisme lorsque celle-ci est parallèlement saisie du redressement au principal ;
- au recours contentieux devant le Tribunal des affaires de la Sécurité sociale (TASS).
La recherche d’une optimisation sociale a donc ses limites. Sans doute la définition large de l’abus de droit est-elle source d’insécurité juridique face à des problématiques souvent fort complexes.
Certes en cas d’incertitude, il existe en amont la procédure de rescrit, mais on sait le peu de succès qu’elle rencontre en pratique. La possibilité donnée à l’entreprise de pouvoir justifier a posteriori sa position devant un comité indépendant est donc bienvenue.
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