par Arnaud Pilloix
Rupture conventionnelle : est-ce valable en cas de litige préalable ?
Bien que moins attrayante depuis l’instauration d’un forfait social de 20%, la rupture conventionnelle est toujours « victime » de son succès.
Dans notre précédente étude, nous avions abordé la délicate question de la validité juridique d’une rupture conventionnelle en cas de conflit entre les parties par un panorama des jurisprudences des Cours d’appel, cliquer ici.
Face à la divergence d’interprétation des Cours d’appel, une clarification s’imposait.
Et la Cour de cassation l’a fait… au bénéfice de la souplesse !
Cet arrêt est très important car il prend clairement position dans le débat judiciaire qui divise les cours d’appel sur la conséquence à tirer de l’existence d’un litige préalable à la conclusion de la rupture conventionnelle.
Une telle position se justifie manifestement par le fait que la rupture conventionnelle est une procédure très encadrée et entourée de nombreuses garanties, et qu’on ne peut exclure a priori l’existence d’un accord entre les parties pour sortir d’une situation conflictuelle par la conclusion d’une rupture conventionnelle.
– – –
En l’espèce, un employeur reproche à une salariée engagée en qualité d’avocate un certain nombre de manquements professionnels qu’il estime susceptible de justifier un licenciement.
Toutefois, il prend l’initiative de lui proposer une rupture conventionnelle afin que le « manque de confiance » dont la salariée fait l’objet ne « ternisse pas la poursuite de son parcours professionnel ».
La salariée, après avoir signé la rupture conventionnelle, par la suite homologuée par l’Autorité administrative, saisit le bâtonnier de l’ordre des avocats d’une demande tendant à la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour d’appel de Versailles fait droit à la demande de la salariée en se fondant à la fois :
- sur la constatation de l’existence d’un litige préalable sur les conditions d’exécution du contrat de travail,
- et sur le vice du consentement caractérisé par des pressions et menaces exercées par l’employeur en vue de contraindre la salariée à signer une rupture conventionnelle.
Elle en déduit la requalification de la rupture conventionnelle en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Si la Cour de cassation confirme la solution de la cour d’appel, elle écarte cependant explicitement la motivation portant sur l’existence d’un litige préalable et ne garde que celle sur le consentement. (Cass. Soc. 23 mai 2013 n° 12-13865)
Elle admet, par conséquent, qu’une rupture conventionnelle puisse intervenir dans un contexte conflictuel en jugeant que l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas, par elle-même, la validité de la convention de rupture conventionnelle en ces termes :
« Mais attendu que, si l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l’article L. 1237-11 du Code du travail, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties;
Et attendu qu’après avoir relevé que l’employeur avait menacé la salariée de voir ternir la poursuite de son parcours professionnel en raison des erreurs et manquements de sa part justifiant un licenciement et l’avait incitée, par une pression, à choisir la voie de la rupture conventionnelle, la cour d’appel qui, exerçant son pouvoir souverain d’appréciation, a fait ressortir que le consentement de la salariée avait été vicié, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision »
L’existence d’un litige n’entraîne donc pas automatiquement l’existence d’un vice du consentement, contrairement à ce qu’ont pu juger certaines cours d’appel.
Ce n’est que si le litige est à l’origine de pressions, de menaces pour contraindre le salarié à conclure une rupture conventionnelle que la convention pourra être annulée en raison de l’existence d’un vice du consentement.
Dès lors, il revient au juge de vérifier, au cas par cas, l’existence de telles pressions pour apprécier si le consentement a été, ou non, donné librement.
En l’espèce, l’employeur avait menacé la salariée de ternir la poursuite de son parcours professionnel en raison des erreurs et manquements de sa part justifiant un licenciement et avait fait pression pour qu’elle accepte la voie de la rupture conventionnelle. Le consentement de la salariée était donc vicié.
dol • prud'hommes • rupture conventionnelle • vice du consentement • violence