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Droit du Travail, Nos Publications
par Ellipse Avocats

Rupture conventionnelle : un produit à succès à consommer avec modération !


Pour information, cet article a fait l’objet d’une publication au sein de la revue « Les ECHOS JUDICIAIRES GIRONDINS« .

Le dispositif de la rupture conventionnelle, d’abord imaginé par les partenaires sociaux puis intégré dans le Code du travail par la loi du 25 juin 2008[1], répondait à un besoin insatisfait lorsque les parties au contrat de travail faisaient le constat d’un avenir commun obéré mais qui se trouvaient face à une alternative insuffisante :

–          Sauf à avoir retrouvé un autre emploi, le salarié ne pouvait économiquement se permettre de démissionner car il n’aurait pas été pris en charge par l’assurance chômage.

 

–          De son côté, l’employeur ne pouvait envisager un licenciement sans avoir de motif réel et sérieux.

Il a donc permis de régulariser une pratique (très ?) répandue d’un licenciement suivi d’une transaction pudiquement appelée « départ négocié » mais qui constituait tout de même une fraude à l’assurance.

 

  1. 1.       Un produit à succès…

Le succès de la rupture conventionnelle est  incontestable au regard des statistiques présentées par le Ministère du Travail, ce qui creuse sans nul doute le déficit de l’assurance chômage.[2]

Autre conséquence, de nombreux employeurs sont confrontés à une « pression » de salariés souhaitant quitter l’entreprise sans démissionner, usant de tout prétexte et/ou menace pour obtenir la rupture conventionnelle.

Ne nous y trompons pas, un tel abus est difficilement sanctionnable et le contentieux judiciaire est essentiellement destiné à faire requalifier les ruptures conventionnelles en « licenciements déguisés », et donc abusif, ce qui peut engendrer de lourdes conséquences financières pour les employeurs.

 

  1. 2.       …a consommer avec modération !

 

Premièrement, il existe des certitudes, la rupture conventionnelle ne peut pas être utilisée pour contourner :

–          un dispositif d’ordre public comme la consultation des institutions représentatives du personnel et la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) lorsque « de nombreuses ruptures conventionnelles résultant d’une cause économique étaient intervenues dans un contexte de suppressions d’emplois dues à des difficultés économiques et qu’elles s’inscrivaient dans un projet global et concerté de réduction des effectifs » ; [3]

–          les garanties apportées aux salariés dans le cadre d’un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ; [4]

–          la protection et les garanties d’un salarié victime d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle  ou en congé maternité. [5]

 

Deuxièmement, si le formalisme de la rupture conventionnelle est « destiné à garantir la liberté du consentement des parties », le législateur se montre taisant sur la validité d’une rupture conventionnelle en cas de situation conflictuelle.

Le déséquilibre essentiel de la relation de travail (le lien de subordination s’ajoutant au déséquilibre économique) rend suspect un accord résultant d’une opposition. L’envie partagée de rupture naît en effet le plus souvent d’un désaccord ou d’une situation conflictuelle.

Certaines juridictions prud’homale ont posé le principe selon lequel la « rupture conventionnelle est licite dès lors qu’aucun litige n’existe entre les parties au moment où la rupture est envisagée »[6]. C’est considérer, à l’inverse, que l’existence d’un litige rendrait la rupture illicite. Une telle position semble excessive. La Cour d’appel de Paris a considéré qu’une rupture conventionnelle signée deux mois après la notification d’une sanction disciplinaire non contestée était valable.[7]

Une telle approche n’est pas satisfaisante puisqu’elle est source d’incertitude juridique, alors pourquoi ne pas revenir aux sources : notre merveilleux Code Civil dont l’article 1109 décrit si parfaitement les vices du consentement.

Est-ce que l’erreur, le dol ou la violence ne recouvrent pas l’intégralité des situations qui permettraient de remettre en cause la validité d’une rupture conventionnelle ?

Le salarié menacé par un licenciement pour faute grave ou victime de harcèlement moral ne peut-il pas très simplement invoquer la violence ? La victime d’un accident du travail qui a toutes les probabilités d’être déclarée inapte, va bénéficier d’une recherche de reclassement ou, à défaut, d’une indemnisation de rupture majorée, ne peut-elle faire admettre son erreur ?

Le salarié quittant l’entreprise juste avant la mise en œuvre d’un PSE, dont il aurait pu bénéficier, ne pourrait-il se plaindre d’un dol ?

Il s’agit d’une grille d’analyse simple et efficace, déjà utilisée à plusieurs reprises et que nous ne pouvons qu’encourager.[8]

Elle présente l’avantage de redonner toute son importance au consentement des parties. Certains trouveront à cette analyse l’inconvénient de laisser au salarié la charge de la preuve. [9]

 

Compte tenu du nombre de contentieux présentés devant les juridictions du fond, la Cour de Cassation devrait vraisemblablement être amenée à se prononcer sur ces points très rapidement.



[1] Articles L.1237-11 et suivants du Code du Travail

[2] 288 000 demandes en 2011, soit 13% de plus qu’en 2010 et 4% de plus au premier trimestre 2012 par rapport à celui de 2011 (source DARES)

[3] Cass. Soc. 9/03/2011 n° 10-11581

[4] CPH LIBOURNE, Départage, 30/01/2012

[5] CA POITIERS 28/03/2012 et Circulaire DGT 2009-04 du 17/03/2009

[6] CPH LYON, Section Encadrement, 1/03/2012, n° 10/426 ; Cass. Soc. 31/10/2000 n° 98-43086

[7] CA PARIS, Ch. 6-6, 22/02/2012 n° 10-04217

[8] CA Toulouse 3/06/2011 n°10/00338, CA Toulouse 16/11/2011, CA Riom, 18/01/2011 n°10/00658, CA Versailles, 15/12/2011 n° 10/06409

[9] Articles 6 et 9 du CPC



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