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Droit de la Protection Sociale
par Sébastien Millet

Retraites chapeaux : de nouvelles obligations de sécurisation à la charge des entreprises


Nouvelle mesure d’encadrement du régime juridique des dispositifs de retraite supplémentaires à prestations définies *, l’ordonnance n° 2015-839 du 9 juillet 2015 vient imposer des mesures de sécurisation des rentes face au risque d’insolvabilité de l’employeur.

Rappelons que la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (cf. art. 50) avait habilité le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toutes mesures relevant du domaine de la loi afin de protéger les intérêts des travailleurs salariés et des personnes ayant déjà quitté l’entreprise ou l’établissement de l’employeur à la date de la survenance de l’insolvabilité de celui-ci en ce qui concerne leurs droits acquis, ou leurs droits en cours d’acquisition, à des prestations de retraite supplémentaire d’entreprise.

Rappelons qu’il s’agit des régimes à prestations définies visés à l’article L137-11 du Code de la Sécurité sociale, c’est-à-dire ceux qui prévoient que la constitution de droits à prestations est conditionnée à l’achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l’entreprise (cf. caractère aléatoire) et dont le financement par l’employeur n’est pas individualisable par salarié. Les régimes à cotisations définies (dits « article 83 ») ne sont par définition pas concernés par ces règles nouvelles.

S’agissant donc des régimes dits « chapeaux » gérés  en interne par l’entreprise (sachant que depuis le 1er janvier 2010 car depuis cette date, les nouveaux régimes mis en place doivent avoir obligatoirement faire l’objet d’une gestion externalisée auprès d’un organisme assureur habilité), les employeurs doivent mettre en place un plan de sécurisation de leurs engagements de retraite.

Pour les entreprises, le pilotage de ces régimes est d’autant plus complexe qu’il nécessite de se projeter à long terme, alors même que les perspectives d’activité de l’entreprise sont bien souvent incertaines sur le court terme … d’où la nécessité de sécuriser au mieux les engagements, en veillant toutefois à limiter l’impact sur la trésorerie des entreprises.

L’ordonnance prévoit ainsi que les droits à retraite liquidés au titre de ces régimes devront être sécurisés au moins pour moitié, c’est-à-dire à hauteur d’au minimum 50 % d’ici le 1er janvier 2030.

Comme toujours en matière de retraite, cet horizon peut sembler lointain, toutefois, ces dispositions seront applicables à compter du 1er janvier 2016, et autant dire que les entreprises concernées vont devoir se préparer, car non seulement le sujet est technique et sensible, mais les enjeux financiers sont également élevés.

Ainsi, les engagements représentatifs de ces droits devront être garantis par les entreprises par la mise en place d’un ou plusieurs dispositifs parmi 3 formules :

  1. Un ou plusieurs contrats d’assurance souscrits auprès d’un ou plusieurs organismes habilités que sont les compagnies d’assurance, les institutions de prévoyance ou les organismes mutualistes ;
  2. Une ou plusieurs fiducies ;
  3. Une ou plusieurs sûretés réelles ou personnelles.

 

Des arbitrages devront être effectués en ce sens, sur la base d’un calendrier d’augmentation de la proportion sécurisée des engagements en 4 paliers :

  • Au moins 10 % des engagements constatés au titre de l’exercice comptable clos à compter de la clôture des comptes immédiatement postérieure au 1er janvier 2017 ;
  • Au moins 20 % des engagements constatés au titre de l’exercice comptable clos à compter de la clôture des comptes immédiatement postérieure au 1er janvier 2020 ;
  • Au moins 40 % des engagements constatés au titre de l’exercice comptable clos à compter de la clôture des comptes immédiatement postérieure au 1er janvier 2025 ;
  • Au moins 50 % des engagements constatés au titre de l’exercice comptable clos à compter de la clôture des comptes immédiatement postérieurs au 1er janvier 2030.

 

Il s’agit là de seuils minimum à respecter.

Il est toutefois prévu que la garantie de ces droits puisse être limitée, pour chaque bénéficiaire et par année à 1,5 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale.

Les entreprises ayant antérieurement opté pour la contribution de l’article L137-11 calculée sur les rentes, et qui choisiront d’externaliser leur gestion auprès d’un organisme assureur, pourront à nouveau exercer leur droit option, ce qui constitue une dérogation au principe d’irrévocabilité. En cas de changement d’option toutefois (cf. passage sur une assiette calculée sur les primes d’assurance), elles devront adresser un état récapitulatif à l’URSSAF et s’acquitter d’une contribution libératoire calculée par différence entre le montant des contributions déjà versées et les sommes qui auraient été versées si cette option avait été exercée dès l’origine.

 

Il est par ailleurs prévu, pour les entreprises ayant pas opté initialement pour une contribution sur la dotation aux provisions ou le montant mentionné en annexe au bilan et que celles-ci donnent lieu au versement de primes d’assurance dans le cadre de la formule n° 1 de sécurisation ci-dessus, ces primes ne sont pas assujetties.

Ces obligations sont assorties d’une nouvelle obligation déclarative auprès de l’URSSAF : l’employeur devra adresser chaque année, dans les trois mois suivant la clôture de l’exercice comptable, un état faisant apparaître le montant des engagements et celui des garanties sécurisées, dont l’exactitude devra au préalable avoir été certifiée par les commissaires aux comptes.

Qui dit obligation dit sanction : outre l’application de la pénalité de droit commun en cas de production tardive des déclarations obligatoires relatives aux cotisations et contributions sociales, le non-respect du dispositif de sécurisation entraînera l’application d’une nouvelle pénalité annuelle correspondant à 30 % de la différence entre le montant des engagements effectivement garantis et celui des engagements représentatifs des rentes liquidées devant être garanties.

 

* Précisons également que les régimes à prestations définies ont vocation à être impactés par la loi Macron (sous réserve de sa publication), qui prévoit de mettre à la charge des organismes assureurs de nouvelles obligations (cf. art. 228 : création d’un rapport annuel de suivi des rentes adressé à l’INSEE, au ministre chargé de la Sécurité sociale et de la Mutualité, et mis à disposition du public). Nouveau signe de défiance à l’égard des retraites chapeau, son article article 229 prévoit également de renforcer l’encadrement et le contrôle sur les avantages de retraite supplémentaire à prestations définies au profit des dirigeants sociaux dans les sociétés cotées.

 



Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

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