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Droit de la Protection Sociale
par Sébastien Millet

Du nouveau sur l’encadrement tarifaire du maintien des garanties santé aux anciens salariés (Loi Evin)


La grande loi Evin n° 89-1009 du 31 décembre 1989 a imposé aux organismes de protection sociale complémentaire différentes obligations en vue de renforcer les garanties des assurés, dont celle de permettre aux salariés cessant d’adhérer au contrat collectif de leur entreprise de pouvoir conserver sans condition de durée leur complémentaire santé moyennant un tarif encadré (cf. article 4).

Sont concernés les anciens salariés bénéficiaires d’une rente d’incapacité ou d’invalidité, d’une pension de retraite ou les chômeurs indemnisés par le Pôle emploi (les ayants droit en cas de décès de l’assuré peuvent également y prétendre).

Pour les chômeurs indemnisés, ce dispositif ne doit pas être confondu avec la portabilité des garanties santé applicable aux salariés dont la rupture du contrat de travail ouvre droit à prise en charge du Pôle emploi (CSS, L911-8).

Dans ce cas, le maintien loi Evin vient alors prendre le relais de la portabilité au terme de celle-ci (12 mois maximum), à condition pour l’ancien salarié d’en solliciter le bénéfice dans les 6 mois de la fin de la période de portabilité.

Différence de taille : alors que la portabilité est « gratuite » en sortie pour l’ancien salarié (en fait son coût est imputé sur la tarification du contrat collectif), le passage en maintien loi Evin entraîne une augmentation du coût des garanties, à couverture identique avec celle appliquée lors de la sortie de groupe.

D’une part, l’ancien salarié ne bénéficie plus d’une participation financière de l’entreprise ; d’autre part, son tarif est revalorisé par l’organisme assureur.

Toutefois, la loi Evin vient caper cette augmentation, en prévoyant que « les tarifs applicables aux personnes visées par le présent article peuvent être supérieurs aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs dans des conditions fixées par décret. »

Ce texte -d’ordre public- a été précisé par un décret n° 90-769 du 30 août 1990, prévoyant que ces tarifs ne peuvent être supérieurs de plus de 50 % aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs.

La notion de « tarifs globaux » a donné lieu à des divergences d’interprétations compte tenu des différentes structures tarifaires existantes sur le marché.

En tout état de cause, un organisme assureur pouvait donc appliquer immédiatement une majoration maximale (+ 50%) dès la première année de passage en maintien loi Evin.

Un décret n° 2017-372 du 21 mars 2017 (JORF du 23 mars 2017) vient modifier cette situation en imposant un système de plafonnement progressif sur 3 ans.

Ce changement s’applique « aux contrats souscrits ou aux adhésions intervenues à compter du 1er juillet 2017 » (la rédaction est ambigüe, mais il semble logique de considérer que cela vise les contrats ou adhésions individuelles qui seront conclus ou souscrits à cette date, y compris en prolongement de contrats collectifs déjà souscrits, ce qui aura pour effet d’en impacter immédiatement la tarification).

Ainsi, les sociétés d’assurances, mutuelles et institutions de prévoyance devront respecter dès la date d’effet du contrat ou de l’adhésion, les plafonds suivants :

  • 1e année : les tarifs ne pourront être supérieurs aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs ;
  • 2e année : les tarifs ne pourront être supérieurs de plus de 25 % aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs ;
  • 3e année : les tarifs ne pourront être supérieurs de plus de 50 % aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs.

Conséquence, la progressivité du plafonnement sera plus contraignante, ce qui risque d’accentuer la pression sur les entreprises, puisque pour maintenir cet écart maximal, les organismes devront si nécessaire revaloriser mécaniquement les tarifs applicables aux salariés en activité (ce qui l’apparente à un mécanisme de solidarité financière).

 

La rédaction du décret interpelle toutefois, dans ce qu’il ne dit pas.

En effet, selon la lettre du texte, aucune règle n’est prévue au-delà de la 3e année (le décret ne précise en effet pas que le plafond de 50 % s’appliquerait la 3e année « et les années suivantes »). Cela n’est pas anodin sachant que le projet de décret prévoyait initialement que le plafond de 50% s’appliquerait « à compter de la 3e année ».

Faut-il en déduire qu’a contrario, le tarif ne serait plus encadré à partir de la 4e année de maintien de la couverture, ce qui redonnerait une marge de manoeuvre aux organismes assureurs ?

Et dans ce cas (question déjà débattue) : quid dans ce cas de l’articulation avec l’article 6 de la loi Evin, qui prévoit aux sujet des contrats santé individuels notamment  que « (…) L’organisme ne peut ultérieurement augmenter le tarif d’un assuré ou d’un adhérent en se fondant sur l’évolution de l’état de santé de celui-ci. Si l’organisme veut majorer les tarifs d’un type de garantie ou de contrat, la hausse doit être uniforme pour l’ensemble des assurés ou adhérents souscrivant ce type de garantie ou de contrat. (…) » ?

La notice du décret indique que « le présent décret modifie cette tarification en organisant un plafonnement progressif des tarifs, échelonné sur trois ans« . En toute logique, échelonner signifie ici relever le plafond dans le temps à intervalles réguliers, mais pas instaurer un plafonnement à durée déterminée.

L’esprit du texte commanderait ici de considérer que la révision du dispositif s’inscrit dans une volonté affichée du Gouvernement d’améliorer l’accès aux soins pour les personnes âgées de 65 ans et plus (les retraités sont les principaux concernés en pratique) en évitant des renoncement aux soins et en favorisant l’option en faveur de ce maintien de couverture.

Si l’objectif n’était pas d’abandonner la règle de plafonnement tarifaire instituée depuis 1990, force est de constater que la lettre du texte laisse place à l’ambiguïté …

 



Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

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Sébastien Millet
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