par Guillaume Ciancia
# CORONAVIRUS : Quelles voies de recours contre une décision de refus d’autorisation d’activité partielle ?
Face à l’épidémie de Coronavirus qui touche le pays depuis quelques semaines, le gouvernement a pris différentes mesures sanitaires aux conséquences importantes sur l’activité d’un grand nombre d’entreprises française.
Pour faire face à cette baisse d’activité et dans le prolongement des annonces du gouvernement, un grand nombre de sociétés ont décidé de recourir au dispositif d’activité partielle.
Or, constatant l’étendue de ces demandes et leurs conséquences budgétaires exorbitantes, l’administration semble avoir renfoncé son contrôle.
Par ailleurs, l’instauration par décret d’un délai de 48 heures aux termes duquel les demandes seraient considérées comme implicitement acceptées pourrait contraindre l’administration à procéder à un refus massif de demandes d’autorisation d’activité partielle, en particulier pour les établissements n’accueillant pas du public. (Décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle)
Ces refus quasi-automatiques sont néanmoins parfois mal motivés, ou fondés sur une application erronée des textes en ajoutant des conditions d’accès au bénéfice de l’activité partielle. (Cf article « La mise en place de l’activité partielle »)
Au regard des impacts financiers catastrophiques sur les entreprises qui reçoivent de telles décisions après avoir cessé leur activité, il apparait donc important d’analyser l’opportunité d’engager les voies de recours, indépendamment d’une éventuelle nouvelle demande portant sur une étendue différente dans le délai de 30 jours après mise en place de l’activité partielle.
Or, comme toute décision administrative, le refus du bénéfice de l’activité partielle, qui doit impérativement être motivé, peut faire l’objet de recours administratifs et contentieux. (Article R. 5122-4 du Code du travail)
- Les recours administratifs
Le recours administratif peut être effectué :
- Auprès de l’auteur de l’acte, dans le cadre d’un recours « gracieux ». La décision en cause émanant de la DIRECCTE sous délégation du préfet du département, le recours gracieux doit être porté devant l’Union département de la DIRECCTE compétente.
- Auprès du supérieur hiérarchique, dans le cadre d’un recours hiérarchique. Ce recours devrait être exercé devant le Ministère du travail, de l’Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social.
Ces recours ne sont pas alternatifs de sorte qu’il est possible d’exercer simultanément un recours gracieux devant la DIRECCTE et un recours hiérarchique devant le ministère de l’intérieur.
Ils doivent être introduits dans le délai de recours contentieux de 2 mois. Ce délai n’est toutefois pas opposable si la décision de refus ne mentionne pas les délais et voies de recours.
Dans le cadre de ces recours, l’autorité saisie évalue la légalité de l’acte initial et se prononce sur le fondement de la situation de fait et de droit prévalant à la décision de refus attaquée. (L. 411-4 du Code des relations entre le public et l’administration)
Il conviendra ainsi de justifier que l’entreprise était contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l’un des motifs prévus à l’article R. 5122-1 du Code du travail (difficultés d’approvisionnement en matières premières ou en énergie, sinistre ou intempéries de caractère exceptionnel … ).
Le silence gardé pendant plus de deux mois sur un recours administratif par l’autorité compétente vaut décision de rejet. (Article L. 411-7 du Code des relations entre le public et l’administration)
A noter qu’en vertu de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, ce délai ne commencera à courir qu’à compter d’une date initialement prévue au 24 juin 2020, de sorte qu’il n’expirerait qu’au 24 aout 2020.
- Le recours contentieux
Le recours contentieux contre les décisions administratives s’exerce au moyen d’un recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal administratif dans le ressort duquel la décision administrative a été prise.
Ce recours a pour objet de demander l’annulation de la décision administrative.
Les cas de recours sont les suivants :
- L’incompétence de l’auteur de la décision ;
- Le vice de forme ou de procédure ;
- La violation de la loi ;
- L’erreur de droit ;
- L’erreur manifeste d’appréciation ;
- Le détournement de pouvoir ou de procédure.
Le recours contentieux doit également être exercé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision attaquée, sous réserve d’une mention expresse des délais et voies de recours.
A noter qu’en vertu de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif, si ce délai expire avant la date actuellement prévue du 24 juin 2020, le recours pourra être exercé jusqu’au 24 aout 2020.
Un recours contentieux peut être exercé soit simultanément, soit alternativement avec un ou plusieurs recours administratifs. L’exercice d’un recours administratif a en effet pour conséquence d’interrompre le délai du recours contentieux.
Une fois saisi, le Tribunal se prononce sur la validité de la décision attaquée qu’il peut :
- Confirmer, auquel cas un appel pourra être envisagé devant la Cour administrative d’appel un délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement. (Article R. 811-2 du Code de la justice administrative)
- Annuler, l’autorité administrative sera alors à nouveau saisie de la demande sur laquelle elle devra se prononcer.
En d’autres termes, contrairement aux recours administratifs, le recours contentieux ne permet pas d’obtenir une nouvelle décision.
Dans l’hypothèse d’une telle décision d’annulation et au regard des conséquences financières de la décision de rejet annulée, la mise en jeu de la responsabilité de l’Etat pourrait être envisagée.
Pour cela, il conviendra de saisir la DIRECCTE d’une demande d’indemnité. Dans l’hypothèse d’un refus d’indemnisation, un nouveau recours pourra être engagé devant le Tribunal Administratif dans le cadre d’un recours de pleine juridiction en responsabilité de l’état pour obtenir réparation du préjudice subi.
- En synthèse
Indépendamment d’une éventuelle nouvelle demande, il existe de nombreux recours possibles contre la décision de refus d’autorisation d’activité partielle.
Ces recours, qui peuvent être exercés simultanément, sont à envisager au regard des éléments du dossier et du contexte de la société qu’il convient d’analyser afin d’établir une stratégie d’action opportune.

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