par Emeline Cognet
INCIDENCES PRATIQUES DE LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE EUROPEENNE RELATIVE AUX LANCEURS D’ALERTE
Jusqu’alors encadré par la loi dite SAPIN II, et son décret d’application, le dispositif des lanceurs d’alerte se trouve complété et modifié par deux propositions de loi, transposant la directive européenne (UE) n°2019/1937, visant à (i) améliorer la protection des lanceurs d’alerte et (ii) renforcer leur rôle.
Adoptées le 16 février dernier au Parlement, ces dernières sont actuellement soumises au contrôle du Conseil constitutionnel.
1 – DEFINITION ELARGIE DU LANCEUR D’ALERTE
Sont relevées les trois évolutions suivantes :
- Identité du lanceur d’alerte : la possibilité d’effectuer un signalement interne sera ouverte, notamment, aux anciens membres du personnel de l’entreprise (lorsque les informations dénoncées ont été obtenues dans le cadre de leur emploi), aux candidats à un emploi, aux dirigeants, actionnaires ou associés de l’entreprise et à ses cocontractants et sous-traitants ;
- Qualité du lanceur d’alerte: l’obligation de « désintéressement » jusqu’alors exigée du lanceur d’alerte est circonscrite à « l’absence d’intérêt financier »;
- Faits dénoncés : le lanceur d’alerte peut désormais dénoncer des faits qui lui auraient simplement été rapportés dans un contexte professionnel.
2- FIN DE L’OBLIGATION PREALABLE DE SIGNALEMENT INTERNE
Afin de prévenir les risques de pressions internes induits par l’obligation d’effectuer un signalement interne préalable, les propositions de loi instituent le mécanisme suivant :
(i) Au choix du lanceur d’alerte : signalement interne (Exemple : au responsable hiérarchique, référent interne …) OU externe (Autorités compétentes, Défenseur des droits, ou organe européen) ;
(ii) En dernier recours et dans des cas limitativement énumérés par la loi : divulgation publique.
3 – STATUT PROTECTEUR ETENDU ET RENFORCE
Le statut protecteur dont bénéficie les lanceurs d’alerte est étendu aux :
(i) « facilitateurs » c’est à dire : « toute personne physique ou morale de droit privé à but non lucratif ayant aidé le lanceur d’alerte à signaler et divulguer des informations relatives aux faits dénoncés ».
En pratique : Les associations, syndicats, etc.
(ii) salariés signalant un harcèlement moral et sexuel.
Le statut protecteur est également renforcé :
(i) l’interdiction de sanctionner, licencier un salarié lanceur d’alerte ou de lui appliquer tout type de mesure discriminatoire est maintenue ;
(ii) la liste des mesures de représailles interdites à l’encontre des lanceurs d’alerte est complétée : sont ainsi notamment interdites les « atteintes à la réputation de la personne, ou pertes financières, y compris la perte d’activité ou de revenu ».
4 – PRECISION DES PROCEDURES D’ALERTE A METTRE EN PLACE EN INTERNE
La proposition de loi renvoie à un décret d’application le soin de préciser, notamment :
(i) les garanties d’indépendance et d’impartialité des procédures internes ;
(ii) les délais du retour d’informations fait à l’auteur du signalement, dans les conditions prévues par la directive 2019/1937 du 23 octobre 2019 ;
(iii) les modalités de clôture des signalements, de collecte et de conservation des données ;
- les conditions dans lesquelles le recueil des signalements peut être confié à un tiers et les conditions dans lesquelles les sociétés appartenant à un même groupe de sociétés pourront mettre en place une procédure de recueil et de traitement des signalements commune.
En pratique, les entreprises d’au moins 50 salariés, dejà soumises à l’obligation de mettre en place une procédure interne de recueil des alertes, devront la mettre à jour afin de l’adapter au nouveau cadre légal.
De manière générale, il est vivement recommandé aux entreprises, quelque soit leur effectif, de se doter d’une telle procédure : elles ont en effet tout intérêt à ce que les salariés, informés de l’existence d’une procédure de signalement interne, préfèrent un signalement interne qu’externe.
5 – RAPPEL DES SANCTIONS
(i) Divulgation des éléments confidentiels permettant d’identifier le lanceur d’alerte : 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende ;
(ii) Obstacle à la transmission d’un signalement dans l’entreprise ou auprès des autorités : 1 an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende;
(iii) Plainte avec constitution de partie civile déposée à l’encontre d’un lanceur d’alerte pour diffamation et jugée abusive ou dilatoire : amende civile de 30 000 euros.
Pour aller plus loin : https://www.ellipse-avocats.com/2013/12/la-protection-des-lanceurs-dalerte-en-cas-dinfraction-en-entreprise/